HC/E/TR 539
Cour Européenne des Droits de l'Homme
Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH)
Islande
Turquie
23 September 2003
Définitif
Questions ne relevant pas de la Convention
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La mère faisait valoir que les autorités turques avaient failli à leur obligation de faire exécuter son droit de visite en dépit de nombreuses tentatives qu'elle avait fait de les voir entre 1992 et 1998. En 6 ans, elle était allée en Turquie plus de 100 fois en vue de voir ses enfants. Ses tentatives avaient été vaines car son ancien mari avait systématiquement refusé d'observer les dispositions qui avaient été prise en vue de l'exercice du droit de visite. Elle faisait valoir que les autorités turques avaient refusé de prendre les mesures nécessaires à la localisation de ses filles que le père avait systématiquement cachées avant chaque visite par les services d'exécution. La mère indiquait que 18 procédures pénales avaient été intentées à l'encontre du père au chef de non-présentation d'enfant. Toutefois, à chaque reprise, le père s'en était bien sorti, n'ayant à payer que de faibles amendes et échappant à toute condamnation plus sévère. La cour indiqua qu'elle avait à plusieurs reprise constaté que l'article 8 inclut le droit pour les parents de voir prises les mesures nécessaires à l'exercice de leur droit de visite et l'obligation pour les Etats parties de prendre de telles mesures. Toutefois, l'obligation des autorités de prendre des mesures de nature à faciliter le contact n'était pas absolue dans la mesure où la mise en relation d'un parent avec des enfants qui ont vécu avec l'autre parent depuis un certain temps peut ne pas être possible de manière immédiate et peut impliquer que certaines mesures préparatoires soient prises. La nature et le domaine de ces mesures préparatoires varient d'un cas à l'autre, mais le compréhension et la coopération mutuelle constituent toujours un élément important. Alors que les autorités nationales doivent faire leur possible pour permettre une telle coopération, toute obligation d'imposer des mesures de coercition dans ce domaine doit être limitée car il doit être tenu compte de l'intérêt comme les droits et libertés de toutes les parties impliquées et en particulier de l'intérêt supérieur des enfants et de leurs droits sur le fondement de l'article 8 de la Convention. Lorsque le contact avec l'un des parents paraît menacer ces droits ou interférer avec eux, il appartient aux autorités nationales de trouver un équilibre équitable entre ces droits concurrents. La cour observa que les autorités n'avaient pris aucune mesure permettant à la mère de jouir d'un droit de visite alors que des procédures judiciaires longues étaient pendantes. En particulier, elles n'avaient pas consulté pour avis les services sociaux ni recherché l'assistance de psychologues ou de pedopsychiatres afin de faciliter les contacts de la mère avec ses filles et de créer une atmosphère de coopération entre la mère et le père. Bien qu'à certaines occasions les enfants aient fermement refusé de rencontrer leur mère, la cour considéra que les enfants n'avaient jamais été mises en mesure de développer une relation avec la mère dans un environnement calme qui leur aurait permis d'exprimer leurs sentiments pour elle en dehors de toute pression étrangère. La cour estima qu'alors que des mesures obligeant les enfants à rencontrer l'un de leurs parents ne sont pas désirables dans un domaine aussi sensible, une telle action ne saurait être exclue en cas de refus d'exécution ou de comportement illégal du parent avec lequel les enfants vivent. La cour considéra que les amendes imposées au père n'étaient ni efficaces ni adéquates et en conclut que les autorités turque n'avaient pas pris de mesures efficaces et adéquates en vue de faire exécuter le droit de visite de la mère sur ses enfants et avaient donc méconnu le droit au respect de la vie familiale de celle-ci tel que garanti par l'article 8. La cour décida toutefois qu'il n'était pas établi que la mère eût été victime de discrimination fondées sur sa religion ou sa nationalité. En application de l'article 41, la cour accorda à la mère des dommages-intérêts d'un montant de 65000 €. Le père fut également condamné aux dépens.
Lorsqu'un parent demande le retour d'un enfant dans une situation ne relevant pas de la Convention de La Haye ni d'un autre instrument international ou régional, le tribunal saisi doit mettre en balance l'intérêt de l'enfant et le principe international selon lequel les États doivent prendre des mesures en vue de lutter contre les déplacements et non-retours illicites d'enfants à l'étranger (art. 11(1) de la Convention des Nations Unies sur les Droits de l'enfant de 1990).
Canada
Shortridge-Tsuchiya v. Tsuchiya, 2009 BCSC 541, [2009] B.C.W.L.D. 4138, [Référence INCADAT : HC/E/CA 1109].
Royaume-Uni : Angleterre et Pays de Galles
Les juges d'appel ont développé des approches discordantes sur cette question.
Dans les affaires suivantes, la cour d'appel a privilégié une vision internationaliste analogue à celle de la Convention de La Haye :
Re E. (Abduction: Non-Convention Country) [1999] 2 FLR 642 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 589] ;
Re J. (Child Returned Abroad: Human Rights) - [2004] 2 FLR 85 [2004] EWCA Civ. 417 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 586].
Toutefois dans l'affaire plus ancienne de Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588] le retour n'avait pas été prononcé au motif qu'il était douteux que l'État de la résidence habituelle puisse agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant. En l'espèce la mère, auteur de l'enlèvement et ressortissante britannique, n'aurait pas été autorisée à quitter l'État de la résidence habituelle sans le consentement du père.
Dans Re J. (A child) (Return to foreign jurisdiction: convention rights), [2005] UKHL 40, [2006] 1 AC 80, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 801], la Chambre des Lords approuva expressément l'approche privilégiée dans Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588].
La Chambre des Lords indiqua que le principe sous-tendant la Convention de La Haye impliquait nécessairement que dans certains cas l'État de refuge devait prendre des mesures qui n'étaient pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause. Les États contractants avaient accepté cet état de fait parce que la Convention permettait d'atteindre l'intérêt supérieur des enfants en général. Néanmoins, la Chambre des Lords rappela que ni la loi ni les précédents judiciaires ne prévoyaient l'extension des principes de la Convention de La Haye aux États non contractants. Dans les affaires ne relevant pas de conventions internationales le juge devait agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause. Quoiqu'il n'y ait pas de présomption forte en faveur du retour il convient d'étudier au cas par cas si le retour immédiat de l'enfant n'est pas dans son intérêt supérieur.
Il convient de souligner que dans l'affaire Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982] un juge revint sur sa décision d'ordonner le retour notamment en raison de l'affaire Re M. La Cour d'appel ne discuta toutefois pas la décision de la Chambre des Lords, insistant sur des éléments nouveaux qui montraient qu'il était inévitable que la mère soit renvoyée dans son pays vu son statut d'immigration.
Dans E.M. (Lebanon) v. Secretary of State for the Home Department [2008] UKHL 64, [2008] 3 W.L.R. 931, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 994], un enfant avait été enlevé de son pays de résidence habituelle, qui n'était pas partie à aucune convention relative à l'enlèvement. Il s'agissait en l'espèce d'une affaire d'immigration. La demande d'asile de la mère avait été refusée mais son argument selon lequel le retour aurait violé son droit et le droit de son enfant au respect de la vie familiale selon l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) avait finalement prévalu. Toutefois, il importe de noter qu'en l'espèce la vie familiale de l'enfant se résumait à sa vie avec sa mère puisque que le père n'avait eu aucun contact avec lui depuis sa naissance. Par une majorité de 4 contre 1, les juges estimèrent que le droit de la famille libanais, quoique de nature discriminatoire puisqu'il imposait le transfert automatique de la responsabilité de l'enfant de la mère au père le jour de son 7ème anniversaire, ne violait pas en principe la CEDH.