AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Re J. (A child) (Return to foreign jurisdiction: convention rights), [2005] UKHL 40, [2006] 1 AC 80

Référence INCADAT

HC/E/UKe 801

Juridiction

Pays

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

Nom

House of Lords (Chambre des Lords, Royaume-Uni)

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

Arabie saoudite

État requis

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

Décision

Date

16 June 2005

Statut

Définitif

Motifs

Questions ne relevant pas de la Convention

Décision

Recours accueilli, retour refusé

Article(s) de la Convention visé(s)

-

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

-

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Relation avec d’autres instruments internationaux et régionaux et avec le droit interne

Affaires d’enlèvement d’enfants ne relevant de la Convention de La Haye – droit interne
Problèmes de fond

RÉSUMÉ

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Faits

L'affaire concernait un petit garçon né en avril 2000. Son père était saoudien et sa mère avait la double nationalité britannique et saoudienne. La famille vivait en Arabie Saoudite. Les parents se séparèrent puis divorcèrent en 2001 avant de se réconcilier la même année et de se remarier au début 2002.

En juillet 2002, la mère emmena les enfants en Angleterre avec le consentement du père. Elle s'inscrivit en troisième cycle à l'université de Londres. Le père n'objecta pas et accepta de laisser l'enfant à sa mère en Angleterre. En mai 2003, la mère entama une procédure de divorce en Angleterre. Le père demanda le retour de l'enfant en Arabie Saoudite. Le 31 octobre 2003 il fut débouté de sa demande par la chambre familiale de la High Court.

Le 2 avril 2004, la cour d'appel accueillit son recours et ordonna le retour de l'enfant, après avoir considéré l'intérêt supérieur de celui-ci, les objections de la mère et le but des règles normalement applicables aux enlèvements ne relevant pas de la Convention. La mère fut autoriser à former un recours devant la Chambre des Lords.

Dispositif

Recours accueilli et retour refusé. Il n'appartenait pas à la Cour d'appel de revenir sur le pouvoir discrétionnaire du juge de première instance, alors que ce dernier, influencé par la jurisprudence récente de la Cour d'appel, avait lui-même fait preuve de sévérité dans son choix d'ordonner ou non le retour. La Chambre des Lords fit le point sur les règles applicables dans les affaires d'enlèvement ne relevant pas de la Convention de La Haye.

Motifs

Questions ne relevant pas de la Convention

Selon la Chambre des Lords, il n'appartenait pas à la Cour d'appel de revenir sur le pouvoir discrétionnaire du juge de première instance, alors que ce dernier, influencé par la jurisprudence récente de la Cour d'appel, avait lui-même fait preuve de sévérité dans son choix d'ordonner ou non le retour. La Chambre des Lords fit le point sur les règles applicables dans les affaires d'enlèvement ne relevant pas de la Convention de La Haye. La Haute juridiction observa qu'il existait désormais des divergences dans la jurisprudence rendue en appel sur le point de savoir s'il devait être tenu compte de possibles différences importantes existant entre le droit interne du pays requis et celui du pays requérant. Etudiant la jurisprudence, la Cour rappela que depuis 1925 toute juridiction saisie d'une question relative à la vie d'un enfant était liée par le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, sauf en cas de loi spéciale contraire comme par exemple la loi sur l'enlèvement d'enfant et la garde de 1985, qui met en oeuvre la Convention de La Haye en Grande-Bretagne. Les raisons d'être de la Convention impliquait nécessairement que l'Etat de refuge de l'enfant puisse dans certains cas prendre des mesures qui ne se trouvent pas être dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause. Les Etats contractants ont en effet accepté cette situation affectant certains enfants isolés car elle est dans l'intérêt supérieur des enfants en général. La Chambre des Lords rappela que ni la loi ni les précédents judiciaires ne prévoyaient l'extension des principes de la Convention de La Haye aux Etats non contractants. Avant l'adoption et l'entrée en vigueur de la Convention, les tribunaux avaient systématiquement appliqué le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Lorsqu'ils ordonaient le retour d'enfants, c'était parce que cela était dans leur intérêt, non parce qu'un autre principe avait primauté sur le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. En l'espèce le juge de première instance avait bien appliqué ce principe. La Chambre des Lords reconnut toutefois qu'à la lumière de la jurisprudence rendue avant l'entrée en vigueur de la Convention, les juridictions saisies de demandes de retour ne relevant pas de la Convention avaient le pouvoir, en application du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, d'ordonner le retour immédiat d'un enfant à l'étranger sans s'intéresser au fond du droit. La question se posait de savoir comment se pouvoir devait être exercé. La baronne Hale expliqua : "Le retour immédiat ne doit pas être une réponse automatique à toute situation d'enlèvement ou de non-retour d'enfant. Pourtant le retour immédiat peut être dans certains cas dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause." La Cour indiqua que ce qui doit guider le juge est l'enfant en cause et les circonstances entourant l'affaire ; ni les raisons pour lesquelles le Royaume-Uni est devenu partie à des Conventions internationales cherchant à protéger le bien d'enfants en général ni l'espoir que des Etats actuellement non contractants pourraient devenir parties à ces instruments dans le futur ne doivent influencer la décision. Selon le père, il convenait de présumer qu'il était "hautement probable" qu'il soit dans l'intérêt supérieur d'un enfant illicitement emmené ou retenu à l'étranger de retourner dans l'Etat de sa résidence habituelle afin que la question de sa garde soit résolue par les juges de cet Etat. Cela ne correspondait pas à une application par analogie de la Convention de La Haye, mais conduirait dans la plupart des cas aux mêmes résultats. La Chambre des Lords rejeta cette position. La Baronne Hale admit qu'il était possible qu'un juge trouve utile de partir du principe qu'il était dans l'intérêt de l'enfant de retourner dans son Etat de résidence habituelle afin que le litige concernant son avenir y soit résolu. L'importance à attacher à cette proposition toutefois devait nécessairement varier beaucoup d'une affaire à une autre, en fonction du degré d'attachement de l'enfant à cet Etat et du temps passé la-bas. Les différentes interprétations de la notion d'intérêt supérieur de l'enfant devraient également être prises en compte et l'impossibilité d'obtenir un jugement autorisant un parent et l'enfant à s'installer à l'étranger pourrait avoir une importance décisive sur la solution. Selon la Chambre des Lords, alors qu'il est bien souvent parfaitement légitime d'exiger d'une mère qui a pris le risque de "déplanter" son enfant qu'elle retourne avec lui dans son Etat d'origine, il pouvait parfois être nécessaire de s'interroger sur la sincérité de son opposition au retour et sur les conséquences qu'auraient son absence sur l'enfant renvoyé seul. La Chambre des Lords estima que de telles considérations ne devaient pas empêcher la décision diligente et raisonnée de renvoyer l'enfant dans son pays d'origine, même si celui-ci était fort différent du Royaume-Uni. Toutefois ces mêmes éléments pouvaient révéler qu'un retour immédiat n'était pas envisageable parce que l'intérêt de l'enfant serait mieux garanti si on permettait que les juridictions du Royaume-Uni connaissent de la question de la garde. Enfin il fut observé que même si l'esprit de la Convention devait être appliqué dans les affaires n'en relevant pas techniquement, les différences juridiques entre l'Etat de refuge et l'Etat d'origine devraient être prises en compte dans le cadre de l'article20.

Commentaire INCADAT

Problèmes de fond

Lorsqu'un parent demande le retour d'un enfant dans une situation ne relevant pas de la Convention de La Haye ni d'un autre instrument international ou régional, le tribunal saisi doit mettre en balance l'intérêt de l'enfant et le principe international selon lequel les États doivent prendre des mesures en vue de lutter contre les déplacements et non-retours illicites d'enfants à l'étranger (art. 11(1) de la Convention des Nations Unies sur les Droits de l'enfant de 1990).

Canada
Shortridge-Tsuchiya v. Tsuchiya, 2009 BCSC 541, [2009] B.C.W.L.D. 4138, [Référence INCADAT : HC/E/CA 1109].

Royaume-Uni : Angleterre et Pays de Galles
Les juges d'appel ont développé des approches discordantes sur cette question.

Dans les affaires suivantes, la cour d'appel a privilégié une vision internationaliste analogue à celle de la Convention de La Haye :

Re E. (Abduction: Non-Convention Country) [1999] 2 FLR 642 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 589] ;

Re J. (Child Returned Abroad: Human Rights) - [2004] 2 FLR 85 [2004] EWCA Civ. 417 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 586].

Toutefois dans l'affaire plus ancienne de Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588] le retour n'avait pas été prononcé au motif qu'il était douteux que l'État de la résidence habituelle puisse agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant. En l'espèce la mère, auteur de l'enlèvement et ressortissante britannique, n'aurait pas été autorisée à quitter l'État de la résidence habituelle sans le consentement du père.

Dans Re J. (A child) (Return to foreign jurisdiction: convention rights), [2005] UKHL 40, [2006] 1 AC 80, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 801], la Chambre des Lords approuva expressément l'approche privilégiée dans Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588].

La Chambre des Lords indiqua que le principe sous-tendant la Convention de La Haye impliquait nécessairement que dans certains cas l'État de refuge devait prendre des mesures qui n'étaient pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause.  Les États contractants avaient accepté cet état de fait parce que la Convention permettait d'atteindre l'intérêt supérieur des enfants en général. Néanmoins, la Chambre des Lords rappela que ni la loi ni les précédents judiciaires ne prévoyaient l'extension des principes de la Convention de La Haye aux États non contractants. Dans les affaires ne relevant pas de conventions internationales le juge devait agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause. Quoiqu'il n'y ait pas de présomption forte en faveur du retour il convient d'étudier au cas par cas si le retour immédiat de l'enfant n'est pas dans son intérêt supérieur.

Il convient de souligner que dans l'affaire Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982] un juge revint sur sa décision d'ordonner le retour notamment en raison de l'affaire Re M. La Cour d'appel ne discuta toutefois pas la décision de la Chambre des Lords, insistant sur des éléments nouveaux qui montraient qu'il était inévitable que la mère soit renvoyée dans son pays vu son statut d'immigration.

Dans E.M. (Lebanon) v. Secretary of State for the Home Department [2008] UKHL 64, [2008] 3 W.L.R. 931, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 994], un enfant avait été enlevé de son pays de résidence habituelle, qui n'était pas partie à aucune convention relative à l'enlèvement. Il s'agissait en l'espèce d'une affaire d'immigration. La demande d'asile de la mère avait été refusée mais son argument selon lequel le retour aurait violé son droit et le droit de son enfant au respect de la vie familiale selon l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) avait finalement prévalu. Toutefois, il importe de noter qu'en l'espèce la vie familiale de l'enfant se résumait à sa vie avec sa mère puisque que le père n'avait eu aucun contact avec lui depuis sa naissance. Par une majorité de 4 contre 1, les juges estimèrent que le droit de la famille libanais, quoique de nature discriminatoire puisqu'il imposait le transfert automatique de la responsabilité de l'enfant de la mère au père le jour de son 7ème anniversaire, ne violait pas en principe la CEDH.