AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Re D. (Abduction: Discretionary Return) [2000] 1 FLR 24

Référence INCADAT

HC/E/UKe 267

Juridiction

Pays

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

Nom

High Court (Angleterre)

Degré

Première instance

États concernés

État requérant

France

État requis

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

Décision

Date

9 June 1999

Statut

Définitif

Motifs

Consentement - art. 13(1)(a)

Décision

Retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

13(1)(a)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

13(1)(a)

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Exceptions au retour

Problèmes généraux
Nature discrétionnaire de l'article 13
Consentement
Qualification du consentement
Établissement du consentement
Consentement et allégation de dol
Consentement prospectif

RÉSUMÉ

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Faits

Les enfants, un garçon et une fille, étaient âgés de 9 ans ½ et 5 ans 1/3 à la date du non-retour dont le caractère illicite était allégué. Ils avaient jusqu'alors toujours vécu en France. Les parents avaient divorcé. En juin 1995, le père quitta la France pour aller au Royaume-Uni. Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre accorda, par jugement en date du 13 mai 1996, la garde à la mère et un droit de visite au père.

Le 4 novembre 1996, la mère écrivit au père pour lui demander d'assumer la garde physique des enfants au Royaume-Uni de manière permanente. En septembre 1998, la mère écrivit de nouveau au père pour lui demander de prendre la garde des enfants.

En décembre 1998, les parents eurent une conversation téléphonique, et, le 28 décembre 1998, le père vint chercher les enfants à Paris pour les emmener en Angleterre. Le père allègue que le mère a consenti à ce que les enfants partent vivre avec lui de manière permanente.

La mère prétend qu'elle ne consentait au départ des enfants vers l'Angleterre que dans le cadre de vacances avec le père. Au moment du départ, la mère signa un document préparé en anglais par le père selon lequel elle acceptait que les enfants partent vivre avec le père.

Le 8 février 1999, la mère écrivit aux enfants et laissa entendre qu'elle acceptait la situation. Le 26 mars, le père introduisit une demande en application de la loi de 1989 sur les enfants. Le 10 avril, la mère rendit visite aux enfants en Angleterre. Elle emporta des vêtements, des jouets et des parures de lit pour eux. Le 11 mai, les avocats du père informèrent la mère de l'existence de la procédure anglaise.

Le 17 mai, la mère écrivit qu président du tribunal de première instance, (chambre des affaires familiales), déclarant qu'elle avait seulement consenti à ce que les enfants demeurent en Angleterre pour une durée limitée. Le 17 juin 1999, la mère entama une procédure tendant au retour des enfants en application de la Convention.

Dispositif

Retour ordonné; les conditions de l'exception de l'article 13 alinéa 1 indiquant que la mère avait consenti étaient remplies ; toutefois, le juge usa de son pouvoir souverain d'appréciation pour décider d'ordonner le retour des enfants.

Motifs

Consentement - art. 13(1)(a)

Le juge estima que les actes de la mère traduisaient son consentement au déménagement des enfants en Angleterre pour qu'ils y vivent avec le père. Le fait que le document qu'elle avait signé au moment du départ des enfants pouvait lui avoir été présenté sous un prétexte fallacieux ne l'empêchait pas de consentir. Le fait que le document lui ait été présenté sous un faux prétexte ne signifiait pas qu'il s'agisse d'un piège. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, le juge estima que l'intérêt de l'enfant était sans doute important, mais ne constituait pas le critère le plus fondamental. Pour décider d'ordonner le retour, le juge prit en compte l'existence d'une instance sur la garde en France, le fait que les enfants y avaient vécu jusqu'en décembre 1998, que leur langue maternelle était le français, que le père parlait français, alors que la mère parlait mieux français qu'anglais, que les enfants acceptaient sans difficulté de rentrer en France, et que, si le retour n'était pas ordonné, on se trouverait face à des décisions françaises et anglaises contradictoires, ce qui aurait pour conséquence d'empêcher les enfants de pouvoir aller en France pour des périodes de visite.

Commentaire INCADAT

Le present jugement permet de rappeler le caractère discrétionnaire de la mise en oeuvre des exceptions de l'article 13. Pour un autre exemple, certes moins clair, de décision ordonnant le retour alors que les conditions d'une exception étaient remplies, voir la décision néo-zélandaise: U v D [2002] NZFLR 529 [Référence INCADAT: HC/E/NZ 472]. Dans une autre espèce néo-zélandaise, McL v McL, 12/04/2001, transcript, Christchurch [Référence INCADAT: HC/E/NZ 538] le retour fut ordonné alors même que les conditions d'un risque grave de danger étaient remplies.

Nature discrétionnaire de l'article 13

Selon les termes de l'article 13, il est clair que lorsque les conditions d'application d'une exception sont établies, le non-retour n'est pas forcément ordonné : le tribunal saisi de la demande de retour a un pouvoir discrétionnaire.

Ce pouvoir discrétionnaire a été étudié très en détail par une toute récente décision de la juridiction suprême britannique, la Chambre des Lords, dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937].

Dans cette affaire, le juge Hale a affirmé qu'il convenait de rejeter toute mention d'exception lors de l'exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu de la Convention de La Haye,  dans la mesure où les circonstances dans lesquelles le retour pourrait être refusé sont elles-mêmes des exceptions au principe général du retour. Le caractère exceptionnel étant donc inhérent au mécanisme; il n'était ni utile ni désirable d'importer une exigence supplémentaire.

Dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, il convenait pour les juges de prendre en compte, outre l'intérêt des enfants en cause, plusieurs principes généraux, l'objectif de retour immédiat des enfants enlevés mais également la courtoisie internationale, le respect mutuel pour les procédures menées dans les États contractants et l'importance de la prévention des enlèvements. Une juridiction pouvait tenir compte des divers principes sous-tendant la Convention, des circonstances de l'affaire et d'éléments liés aux droits et au bien-être de l'enfant. Dans certains cas, les principes conventionnels étaient amenés à primer, dans d'autres cas non.

La nature discrétionnaire des exceptions se rencontre le plus fréquemment dans le contexte de l'article 13(2) (opposition d'un enfant mûr), mais il existe également des exemples de demandes de retour auxquelles il a été fait droit nonobstant l'établissement d'exceptions supplémentaires.


Consentement

Australie
Kilah & Director-General, Department of Community Services [2008] FamCAFC 81 [Référence INCADAT : HC/E/AU 995] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re D. (Abduction: Discretionary Return) [2000] 1 FLR 24 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 267].


Acquiescement

Nouvelle-Zélande
U. v. D. [2002] NZFLR 529 [Référence INCADAT : HC/E/NZ @472@].

Risque Grave

Nouvelle-Zélande
McL. v. McL., 12/04/2001, transcript, Family Court at Christchurch (New Zealand) [Référence INCADAT : HC/E/NZ @538@].

Il convient de noter que dans l'arrêt de la cour d'appel anglaise Re D. (Abduction: Rights of Custody) [2006] UKHL 51; [2007] 1 AC 619, [Référence INCADAT : HC/E/ UKe @880@] le juge Hale avait estimé qu'il était inconcevable d'ordonner le retour d'un enfant si un risque grave de danger était établi.

Qualification du consentement

La question de savoir si le consentement relève de l'article 3 ou de l'article 13(1) a) a posé difficulté. Certaines juridictions considèrent que le consentement est un élément permettant d'apprécier l'illicéité du déplacement ou du non-retour, et l'apprécient donc dans le cadre de l'article 3. Voir :

Australie
In the Marriage of Regino and Regino v. The Director-General, Department of Families Services and Aboriginal and Islander Affairs Central Authority (1995) FLC 92-587 [Référence INCADAT : HC/E/AU @312@];

FranceCA Rouen, 9 mars 2006, N°05/04340, [Référence INCADAT : HC/E/FR 897];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re O. (Abduction: Consent and Acquiescence) [1997] 1 FLR 924 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @54@];

Re P.-J. (Children) [2009] EWCA Civ 588, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 1014].

Bien que la question eût été a priori réglée par la jurisprudence anglaise, selon laquelle le consentement relevait de l'art. 13(1) a), aucun des deux juges de la Cour d'appel siégeant en l'espèce n'est apparu convaincu par cette position.

On peut aussi évoquer des exemples où des tribunaux de première instance n'ont pas fait référence à la distinction entre l'art. 3 et l'art. 13(1) a) mais où le consentement, en tant qu'acceptation initiale du déménagement, a été considéré comme un élément de l'illicéité, voir:

Canada
F.C. c. P.A., Droit de la famille - 08728, Cour supérieure de Chicoutimi, 28 mars 2008, N°150-04-004667-072, [Référence INCADAT : HC/E/CA 969], Cour supérieure de Chicoutimi, 28 mars 2008, N°150-04-004667-072 [Référence INCADAT : HC/E/CA 969];

Suisse
U/EU970069, Bezirksgericht Zürich (Zurich District Court) [Référence INCADAT : HC/E/CH 425]

Royaume-Uni - Écosse
Murphy v. Murphy 1994 GWD 32-1893 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 186].

L'affaire n'a pas été abordée sous l'angle de la distinction entre l'art. 3 et l'art. 13(1) a), mais étant donné que le père avait initialement accepté le déménagement, il a été considéré qu'il n'y avait eu ni déplacement ni non-retour illicite.

La plupart des décisions révèlent toutefois que la question du consentement est généralement analysée dans le contexte de l'article 13(1) a), voir :

Australie
Director-General, Department of Child Safety v. Stratford [2005] Fam CA 1115 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @830@] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re C. (Abduction: Consent) [1996] 1 FLR 414 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @53@] ;

T. v. T. (Abduction: Consent) [1999] 2 FLR 912 ;

Re D. (Abduction: Discretionary Return) [2000] 1 FLR 24 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @267@] ;

Re P. (A Child) (Abduction: Acquiescence) [2004] EWCA CIV 971 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @591@] ;

Irlande
B.B. v. J.B. [1998] 1 ILRM 136; sub nom B. v. B. (Child Abduction) [1998] 1 IR 299 [Référence INCADAT : HC/E/IE @287@] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
T. v. T. 2004 S.C. 323 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 997].

Pour une analyse des problèmes cités ci-dessus, voir.: P. Beaumont et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 132 et seq.

Établissement du consentement

Des exigences différentes ont été appliquées en matière d'établissement d'une exception de l'article 13(1) a) pour consentement.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Dans une décision de première instance ancienne, il fut considéré qu'il était nécessaire d'apporter une preuve claire et impérieuse et qu'en général cette preuve devait être écrite ou en tout cas soutenue par des éléments de preuve écrits. Voir :

Re W. (Abduction: Procedure) [1995] 1 FLR 878, [Référence INCADAT : HC/E/UKe @37@].

Cette approche restrictive n'a pas été maintenue dans des décisions de première instance plus récentes au Royaume-Uni. Voir :

Re C. (Abduction: Consent) [1996] 1 FLR 414 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @53@];

Re K. (Abduction: Consent) [1997] 2 FLR 212 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @55@].

Dans Re K. il fut décidé que si le consentement devait être réel, positif and non équivoque, il y avait des situations dans lesquelles le juge pouvait se satisfaire de preuves non écrites du consentement, et qu'il se pouvait même que le consentement fût déduit du comportement.

Allemagne
21 UF 70/01, Oberlandesgericht Köln, [Référence INCADAT : HC/E/DE @491@].

Il fut décidé qu'il était nécessaire d'apporter une preuve convaincante du consentement.

Irlande
R. v. R. [2006] IESC 7; [Référence INCADAT : HC/E/IE @817@].

La Cour suprême irlandaise repris expressément les termes de Re K.

Pays-Bas
De Directie Preventie, optredend voor haarzelf en namens F. (vader/father) en H. (de moeder/mother) (14 juli 2000, ELRO-nummer: AA6532, Zaaknr.R99/167HR); [Référence INCADAT : HC/E/NL @318@].

Le consentement peut ne pas porter sur un séjour permanent, pourvu que le consentement à un séjour au moins temporaire soit établi de manière convaincante.

Afrique du Sud
Central Authority v. H. 2008 (1) SA 49 (SCA) [Référence INCADAT : HC/E/ZA @900@].

Le consentement pouvait être exprès ou tacite.

Suisse
5P.367/2005 /ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile), [Référence INCADAT : HC/E/CH @841@] ;

5P.380/2006 /blb, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile),  [Référence INCADAT : HC/E/CH @895@];

5P.1999/2006 /blb, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile), [Référence INCADAT : HC/E/CH @896@].

Le Tribunal fédéral suisse estima qu'il y avait consentement et acquiescement du parent victime si celui-ci avait accepté, expressément ou implicitement, un changement durable de la résidence de l'enfant. Il appartenait au parent ravisseur d'apporter des éléments de preuve factuels rendant plausible qu'il avait pu croire à ce consentement.

États-Unis d'Amérique
Baxter v. Baxter, 423 F.3d 363 (3rd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf @808@].

Il convenait de rechercher ce que le parent victime avait en tête et également de prendre en compte la nature et l'étendue du consentement.

Consentement et allégation de dol

Certaines affaires illustrent l'idée que ce qui apparaît à première vue comme un consentement pourrait être vicié en raison du dol commis par le parent ravisseur. Voir par exemple :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re D. (Abduction: Discretionary Return) [2000] 1 FLR 24, [Référence INCADAT : HC/E/UKe @267@].

Le fait qu'un document faisant état de son consentement au déplacement des enfants ait été présenté à la mère sous un faux prétexte ne fut pas analysé comme représentant nécessairement une preuve de dol. Il fut conclu que la mère avait bien consenti au déplacement mais le juge décida dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'ordonner néanmoins le retour.

Israël
Family Application 2059/07 Ploni v. Almonit, [Référence INCADAT : HC/E/IL @940@].

Allégation de dol rejetée, le consentement du père était éclairé et puisque la mère y avait cru, le père ne pouvait le rétracter.

Consentement prospectif

Il a été considéré par la jurisprudence que le consentement pouvait validement s'entendre du consentement à un déplacement futur :

Canada
Décision du 4 septembre 1998 [1998] R.D.F. 701, [Référence INCADAT : HC/E/CA 333] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re L. (Abduction: Future Consent) [2007] EWHC 2181 (Fam), [2008] 1 FLR 915; [Référence INCADAT : HC/E/UKs 993].

Dans cette affaire, le tribunal a décidé que l'accomplissement de l'évènement futur devait pouvoir être établi de manière raisonnable et qu'il ne devait pas y avoir eu de changement matériel des circonstances après que le consentement eût été donné.

Royaume-Uni - Écosse
Zenel v. Haddow 1993 SC 612, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 76].

Pour une critique de la position de la majorité des juges dans l'affaire Zenel v. Haddow, voir :

La note suivant le rapport de la décision dans SCLR 1993, p. 872 spec. 884 et 885;

G. Maher, « Consent to Wrongful Child Abduction under the Hague Convention », SLT, 1993, p. 281 ;

P. Beaumont et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 129 et 130.