AFFAIRE

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Nom de l'affaire

5A_721/2009, II. zivilrechtliche Abteilung, arrêt du TF du 7 décembre 2009

Référence INCADAT

HC/E/CH 1058

Juridiction

Pays

Suisse

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

États-Unis d'Amérique

État requis

Suisse

Décision

Date

7 December 2009

Statut

Définitif

Motifs

Questions procédurales

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

-

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

-

Autres dispositions
BGG (Loi sur le Tribunal fédéral); Loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfant, et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes (LF-EEA)
Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Mise en œuvre & difficultés d’application

Mesures facilitant le retour de l’enfant
Assurer un retour sans danger / Ordonnances miroir
Questions procédurales
Exécution de l'ordonnance de retour

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR

Faits

L'affaire concernait un garçon né en Pennsylvanie en avril 2007. La relation parentale était houleuse et la mère quitta le domicile familial avec l'enfant. Par des décisions de fin décembre 2007 et début janvier 2008, une juridiction américaine imposa l'autorité parentale conjointe, accorda à la mère la garde physique de l'enfant et au père un droit de visite à des moments précisés.

Elle interdit aux parents de faire sortir l'enfant de son ressort sans l'aval de l'autre et autorisa par ailleurs la mère à emmener l'enfant en vacances en Suisse jusqu'au 26 janvier au plus tard.

La mère ne ramena pas l'enfant. Un tribunal cantonal ordonna le retour de l'enfant le 20 octobre 2008; cette décision fut infirmée par le tribunal supérieur du canton de Zurich le 26 janvier 2009. Le père forma un recours devant le Tribunal fédéral.

Le 16 avril 2009, le Tribunal accueillit le recours du père et ordonna à la mère de ramener l'enfant aux États-Unis sous 30 jours. Afin d'éviter une séparation de l'enfant et de sa mère (considérée comme intolérable pour l'enfant), le Tribunal conditionna l'ordonnance de retour à l'obtention par la mère de garanties lui permettant d'entrer aux États-Unis et d'y séjourner jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de garde.

A l'été 2009, la mère demanda aux autorités suisses de constater qu'en dépit de ses efforts, elle n'avait pas obtenu les garanties nécessaires, de sorte que la condition au retour n'était pas remplie. Le 25 septembre 2009, l'Office de la jeunesse décida que la condition n'était pas remplie et que, dès lors, l'obligation de retour ne devait pas être exécutée. Le père forma un recours contre cette décision qui fut transféré au Tribunal fédéral.

Dispositif

Recours rejeté. La condition avait été certes remplie (quoique sous une forme différente), mais ceci résultait d'une décision américaine qui était un élément nouveau ne pouvant pas être considéré par le Tribunal fédéral.

Motifs

Questions procédurales


Tribunal fédéral et voies de recours :
Le Tribunal observa que la Convention crée un mécanisme d'entraide internationale des États contractants qui est intimement liée au respect et à l'exécution du droit civil étranger. La Loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes (LF-EEA) est immédiatement applicable à partir de son entrée en vigueur le 1er juillet 2009 et considère que le canton est la seule autorité compétente pour l'exécution des ordonnances de retour. Leurs décisions peuvent faire l'objet d'un recours direct devant le Tribunal fédéral.

Exécution du retour

Il appartenait à l'Office de la jeunesse de décider si la condition imposée par la décision du Tribunal fédéral du 16 avril 2009 était remplie. Le Tribunal rappela que la raison d'être de la condition était de garantir que l'enfant ne serait pas séparé de sa mère. La condition consistait pour la mère à demander et obtenir des garanties d'entrée et de séjour aux États-Unis.

La mère avait contacté l'ambassade américaine le 1er mai 2009. Elle avait reçu copie d'un mémo en juillet aux termes duquel les autorités d'immigration de Philadelphie étaient informées de la situation de la mère et de l'enfant. Elle pouvait utiliser son visa ou en demander un autre, un peu différent, mais qui ne lui donnerait pas davantage de garanties quant à son droit d'entrer et de résider aux États-Unis.

L'Office de la jeunesse en déduisit que la mère n'était pas assurée de pouvoir entrer aux États-Unis, simplement l'autorité décisionnelle était informée des raisons pour lesquelles elle souhaitait entrer aux États-Unis. La condition n'était selon lui pas remplie.

Le Tribunal estima qu'il était invraisemblable voire exclu que la mère se voie refuser l'entrée aux États-Unis par un fonctionnaire informé de la situation. Cependant, il n'y avait aucune garantie qu'une fois sur le territoire la mère ne serait pas séparée de l'enfant jusqu'à ce qu'il soit statué sur la garde.

Dès lors il fallait considérer que l'Office de la jeunesse n'avait violé aucune norme ni n'avait fait preuve d'arbitraire en décidant que les conditions imposées par la décision du 16 avril n'étaient pas (toutes) remplies. Toutefois, un juge d'instance de Pennsylvanie avait décidé le 21 octobre 2009 que la mère pourrait librement quitter les États-Unis avec l'enfant s'il s'avérait que son permis de séjour expirait (pour des raisons dont elle n'était pas responsable) avant la fin de la procédure de garde (y compris en cas de recours formé par la mère contre une première décision de garde).

Le Tribunal fédéral souligna que certes cette décision ne correspondait pas exactement aux garanties qui conditionnaient la décision suisse du 16 avril 2009 mais estima que cette décision américaine remplissait au fond le même but: assurer que la mère et l'enfant ne seraient pas séparés. Il en déduisit qu'on pouvait considérer que les conditions imposées par la décision du 16 avril étaient bien remplies. 

Malheureusement d'un point de vue procédural, la décision américaine du 21 octobre 2009 s'analysait comme un élément nouveau qui ne pouvait être invoqué pour la première fois devant le Tribunal fédéral. Le recours du père devait donc être rejeté mais rien n'empêchait celui-ci, sur la base de la décision américaine du 21 octobre, de former une nouvelle demande d'exécution de l'ordonnance de retour, dont il souligna qu'elle serait recevable et que les difficultés financières invoquées désormais plus précisément par la mère ne pouvaient s'opposer à l'exécution.

Auteur du résumé : Aude Fiorini, Royaume-Uni

Commentaire INCADAT

L'affaire a donné lieu à un grand nombre de décisions importantes du Tribunal fédéral, lesquelles sont disponibles sur ce site:

5A_306/2009, II. zivilrechtliche Abteilung, arrêt du TF du 25 juin  2009, ATF135 III 574 [Référence INCADAT : HC/E/CH 1074] ;

5A_80/2010, II. zivilrechtliche Abteilung, arrêt du TF du 22 mars 2010 [Référence INCADAT : HC/E/CH 1079] ;

5A_105/2009, II. zivilrechtliche Abteilung, arrêt du TF du 16 avril 2009 [Référence INCADAT : HC/E/CH 1057] ;

5A_154/2010, II. zivilrechtliche Abteilung, arrêt du TF du 29 avril 2010 [Référence INCADAT : HC/E/CH 1059].

Assurer un retour sans danger / Ordonnances miroir

Une pratique s'est fait jour dans un certain nombre d'États contractants dans lesquels l'ordonnance de retour est prononcée sous réserve du respect de certaines exigences ou de certains engagements. Afin de s'assurer que ces mesures de protection sont susceptibles d'être exécutées, il peut être exigé du demandeur qu'il fasse enregistrer ces mesures en des termes identiques ou équivalents auprès des autorités de l'État de la résidence habituelle de l'enfant. Ces décisions sont généralement décrites comme des ordonnances « assurant le retour sans danger de l'enfant » ou « ordonnances miroir ».

Des ordonnances de retour ont été rendues par les juridictions suivantes sous réserve du prononcé d'une ordonnance assurant le retour sans danger de l'enfant ou d'une ordonnance miroir :

Australie
Director-General Department of Families, Youth and Community Care and Hobbs, 24 September 1999, Family Court of Australia (Brisbane) [Référence INCADAT : HC/E/AU 294] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re W. (Abduction: Domestic Violence) [2004] EWHC 1247, [2004] 2 FLR 499 [Référence INCADAT : HC/E/ UKe 599] ;

Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982] ;

Afrique du Sud
Sonderup v. Tondelli 2001 (1) SA 1171 (CC) [Référence INCADAT : HC/E/ZA 309] ;

Central Authority v. Houwert [2007] SCA 88 (RSA); [Référence INCADAT : HC/E/ZA 900].

Une demande déposée par la High Court anglaise concernant des mesures de protection prises dans le cadre d'une décision relative aux termes d'un droit de visite international et enregistrées dans l'État où les périodes de visite devaient se dérouler a été reprise et prolongée au Panama dans la décision :

Ruling Nº393-05-F [Référence INCADAT : HC/E/PA 872].

Une demande sollicitant le retour d'un enfant sous réserve qu'une ordonnance miroir soit rendue dans l'État d'origine fut rejetée par les juridictions israéliennes dans Family Application  8743/07 Y.D.G. v. T.G., [Référence INCADAT : HC/E/IL 983], les accusations formulées à l'encontre du père ayant été déclarées sans fondement.

Exécution de l'ordonnance de retour

Lorsqu'un parent ravisseur ne remet pas volontairement un enfant dont le retour a été judiciairement ordonné, l'exécution implique des mesures coercitives. L'introduction de telles mesures peut donner lieu à des difficultés juridiques et pratiques pour le demandeur. En effet, même lorsque le retour a finalement lieu, des retards considérables peuvent être intervenus avant que les juridictions de l'État de résidence habituelle ne statuent sur l'avenir de l'enfant. Dans certains cas exceptionnels les retards sont tels qu'il n'est plus approprié qu'un retour soit ordonné.


Travail de la Conférence de La Haye

Les Commissions spéciales sur le fonctionnement de la Convention de La Haye ont concentré des efforts considérables sur la question de l'exécution des décisions de retour.

Dans les conclusions de la Quatrième Commission spéciale de mars 2001, il fut noté :

« Méthodes et rapidité d'exécution des procédures

3.9       Les retards dans l'exécution des décisions de retour, ou l'inexécution de celles-ci, dans certains [É]tats contractants soulèvent de sérieuses inquiétudes. La Commission spéciale invite les [É]tats contractants à exécuter les décisions de retour sans délai et effectivement.

3.10       Lorsqu'ils rendent une décision de retour, les tribunaux devraient avoir les moyens d'inclure dans leur décision des dispositions garantissant que la décision aboutisse à un retour effectif et immédiat de l'enfant.

3.11       Les Autorités centrales ou autres autorités compétentes devraient fournir des efforts pour assurer le suivi des décisions de retour et pour déterminer dans chaque cas si l'exécution a eu lieu ou non, ou si elle a été retardée. »

Voir < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Conclusions et Recommandations ».

Afin de préparer la Cinquième Commission spéciale en novembre 2006, le Bureau permanent a élaboré un rapport sur « L'exécution des décisions fondées sur la Convention de La Haye de 1980 - Vers des principes de bonne pratique », Doc. prél. No 7 d'octobre 2006.

(Disponible sur le site de la Conférence à l'adresse suivante : < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Documents préliminaires »).

Cette Commission spéciale souligna l'importance des principes de bonne pratique développés dans le rapport qui serviront à l'élaboration d'un futur Guide de bonnes pratiques sur les questions liées à l'exécution, voir : < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Conclusions et Recommandations » et enfin « Commission Spéciale d'Octobre-Novembre 2006 »


Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH)

Ces dernières années, la CourEDH a accordé une attention particulière à la question de l'exécution des décisions de retour fondées sur la Convention de La Haye. À plusieurs reprises elle estima que des États membres avaient failli à leur obligation positive de  prendre toutes les mesures auxquelles on pouvait raisonnablement s'attendre en vue de l'exécution, les condamnant sur le fondement de l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) sur le respect de la vie familiale. Voir :

Ignaccolo-Zenide v. Romania, 25 January 2000 [Référence INCADAT : HC/E/ 336] ;

Sylvester v. Austria, 24 April 2003 [Référence INCADAT : HC/E/ 502] ;

H.N. v. Poland, 13 September 2005 [Référence INCADAT : HC/E/ 811] ;                       

Karadžic v. Croatia, 15 December 2005 [Référence INCADAT : HC/E/ 819] ;

P.P. v. Poland, Application no. 8677/03, 8 January 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 941].

La Cour tient compte de l'ensemble des circonstances de l'affaire et des mesures prises par les autorités nationales.  Un retard de 8 mois entre l'ordonnance de retour et son exécution a pu être considéré comme ne violant pas le droit du parent demandeur au respect de sa vie familiale dans :

Couderc v. Czech Republic, 31 January 2001, Application n°54429/00, [Référence INCADAT : HC/E/ 859].

La Cour a par ailleurs rejeté les requêtes de parents qui avaient soutenu que les mesures d'exécution prises, y compris les mesures coercitives, violaient le droit au respect de leur vie familiale :

Paradis v. Germany, 15 May 2003, Application n°4783/03, [Référence INCADAT : HC/E/ 860] ;

A.B. v. Poland, Application No. 33878/96, 20 November 2007, [Référence INCADAT : HC/E/ 943] ;

Maumousseau and Washington v. France, Application No 39388/05, 6 December 2007, [Référence INCADAT : HC/E/ 942] ;

L'obligation positive de prendre des mesures face à l'exécution d'une décision concernant le droit de garde d'un enfant a également été reconnue dans une affaire ne relevant pas de la Convention de La Haye :

Bajrami v. Albania, 12 December 2006 [Référence INCADAT: HC/E/ 898].

Ancel v. Turkey, No. 28514/04, 17 February 2009, [Référence INCADAT : HC/E/ 1015].


Commission interaméricaine des Droits de l'Homme

La Commission interaméricaine des Droits de l'Homme a décidé que l'exécution immédiate d'une ordonnance de retour qui avait fait l'objet d'un recours ne violait pas les articles 8, 17, 19 ni 25 de la Convention américaine relative aux Droits de l'Homme (Pacte de San José), voir :

Case 11.676, X et Z v. Argentina, 3 October 2000, Inter-American Commission on Human Rights Report n°71/00 [Référence INCADAT : HC/E/ 772].


Jurisprudence en matière d'exécution

Dans les exemples suivants l'exécution de l'ordonnance de retour s'est heurtée à des difficultés, voir :

Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, C.G. c. B.S., N° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750] ;

Canada
H.D. et N.C. c. H.F.C., Cour d'appel (Montréal), 15 mai 2000, N° 500-09-009601-006 (500-04-021679-007), [Référence INCADAT : HC/E/CA 915] ;

Suisse
427/01/1998, 49/III/97/bufr/mour, Cour d’appel du canton de Berne (Suisse); [Référence INCADAT : HC/E/CH 433] ;

5P.160/2001/min, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 423] ;

5P.454/2000/ZBE/bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 786] ;

5P.115/2006 /bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 840] ;

L'exécution peut également être rendue impossible en raison de la réaction des enfants en cause. Voir :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re B. (Children) (Abduction: New Evidence) [2001] 2 FCR 531; [Référence INCADAT : HC/E/UKe 420]

Lorsqu'un enfant a été caché pendant plusieurs années à l'issue d'une ordonnance de retour, il peut ne plus être dans son intérêt d'être l'objet d'une ordonnance de retour. Voir :

Royaume-Uni - Écosse
Cameron v. Cameron (No. 3) 1997 SCLR 192, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 112] ;

Espagne
Auto Juzgado de Familia Nº 6 de Zaragoza (España), Expediente Nº 1233/95-B [Référence INCADAT : HC/E/ES 899].