AFFAIRE

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Nom de l'affaire

6B_168/2007 /rod, Tribunal fédéral, Cour de droit pénal, 24 août 2007

Référence INCADAT

HC/E/956

Juridiction

Pays

Suisse

Nom

Tribunal fédéral, Cour de droit pénal

Degré

Instance Suprême

États concernés

Décision

INCADAT commentaire

Relation avec d’autres instruments internationaux et régionaux et avec le droit interne

Affaires d’enlèvement d’enfants ne relevant de la Convention de La Haye – droit interne
Problèmes de fond

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'enfant, une fille, était née en 1998. Les parents étaient mariés et la famille vivait en Suisse. En janvier 2002, les époux décidèrent de se séparer. La garde fut confiée au père, la mère ayant un droit de visite à partir de septembre 2002. Le 6 août 2003, le père emmena sa fille au Maroc.

Le 17 décembre 2003, un juge suisse confia la garde de l'enfant à la mère et enjoignit au père de ramener l'enfant au domicile maternel sous la menace de sanctions pénales. Le 20 mars 2006, le père fut arrêté en Suisse et condamné notamment à 16 mois de prison pour enlèvement de mineur.

Cette peine fut confirmée en appel. Le père forma un recours devant le Tribunal fédéral.

Dispositif

Recours rejeté; confirmation de la peine; les autorités cantonales n'avaient pas fait preuve d'arbitraire.

Motifs

Questions ne relevant pas de la Convention

L'autorité cantonale avait établi que le père avait eu connaissance après son arrestation de la décision modifiant la garde et avait néanmoins manifesté son opposition au retour de celle-ci auprès de sa mère et n'avait pris aucune mesure en vue du rapatriement de sa fille en Suisse.

Le Tribunal fédéral observa que le père opposait sa propre version à celle des faits retenus par la juridiction cantonale sans toutefois démontrer que l'enfant n'était pas sous sa maîtrise ni qu'il n'aurait pas pu la faire revenir en Suisse avec l'aide d'un tiers.

Il souligna que le père ne pouvait reprocher aux autorités suisses de n'être pas parvenues à ramener sa fille en Suisse dans la mesure où il est incontestable que « le retour de la fille en Suisse ne pouvait être exigé par les autorités suisses puisque le Maroc n'a pas adhéré à la Convention de La Haye ».

La juridiction cantonale n'avait donc pas fait preuve d'arbitraire en admettant que le retour de l'enfant dépendait du bon vouloir du père.

Commentaire INCADAT

Problèmes de fond

Lorsqu'un parent demande le retour d'un enfant dans une situation ne relevant pas de la Convention de La Haye ni d'un autre instrument international ou régional, le tribunal saisi doit mettre en balance l'intérêt de l'enfant et le principe international selon lequel les États doivent prendre des mesures en vue de lutter contre les déplacements et non-retours illicites d'enfants à l'étranger (art. 11(1) de la Convention des Nations Unies sur les Droits de l'enfant de 1990).

Canada
Shortridge-Tsuchiya v. Tsuchiya, 2009 BCSC 541, [2009] B.C.W.L.D. 4138, [Référence INCADAT : HC/E/CA 1109].

Royaume-Uni : Angleterre et Pays de Galles
Les juges d'appel ont développé des approches discordantes sur cette question.

Dans les affaires suivantes, la cour d'appel a privilégié une vision internationaliste analogue à celle de la Convention de La Haye :

Re E. (Abduction: Non-Convention Country) [1999] 2 FLR 642 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 589] ;

Re J. (Child Returned Abroad: Human Rights) - [2004] 2 FLR 85 [2004] EWCA Civ. 417 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 586].

Toutefois dans l'affaire plus ancienne de Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588] le retour n'avait pas été prononcé au motif qu'il était douteux que l'État de la résidence habituelle puisse agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant. En l'espèce la mère, auteur de l'enlèvement et ressortissante britannique, n'aurait pas été autorisée à quitter l'État de la résidence habituelle sans le consentement du père.

Dans Re J. (A child) (Return to foreign jurisdiction: convention rights), [2005] UKHL 40, [2006] 1 AC 80, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 801], la Chambre des Lords approuva expressément l'approche privilégiée dans Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588].

La Chambre des Lords indiqua que le principe sous-tendant la Convention de La Haye impliquait nécessairement que dans certains cas l'État de refuge devait prendre des mesures qui n'étaient pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause.  Les États contractants avaient accepté cet état de fait parce que la Convention permettait d'atteindre l'intérêt supérieur des enfants en général. Néanmoins, la Chambre des Lords rappela que ni la loi ni les précédents judiciaires ne prévoyaient l'extension des principes de la Convention de La Haye aux États non contractants. Dans les affaires ne relevant pas de conventions internationales le juge devait agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause. Quoiqu'il n'y ait pas de présomption forte en faveur du retour il convient d'étudier au cas par cas si le retour immédiat de l'enfant n'est pas dans son intérêt supérieur.

Il convient de souligner que dans l'affaire Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982] un juge revint sur sa décision d'ordonner le retour notamment en raison de l'affaire Re M. La Cour d'appel ne discuta toutefois pas la décision de la Chambre des Lords, insistant sur des éléments nouveaux qui montraient qu'il était inévitable que la mère soit renvoyée dans son pays vu son statut d'immigration.

Dans E.M. (Lebanon) v. Secretary of State for the Home Department [2008] UKHL 64, [2008] 3 W.L.R. 931, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 994], un enfant avait été enlevé de son pays de résidence habituelle, qui n'était pas partie à aucune convention relative à l'enlèvement. Il s'agissait en l'espèce d'une affaire d'immigration. La demande d'asile de la mère avait été refusée mais son argument selon lequel le retour aurait violé son droit et le droit de son enfant au respect de la vie familiale selon l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) avait finalement prévalu. Toutefois, il importe de noter qu'en l'espèce la vie familiale de l'enfant se résumait à sa vie avec sa mère puisque que le père n'avait eu aucun contact avec lui depuis sa naissance. Par une majorité de 4 contre 1, les juges estimèrent que le droit de la famille libanais, quoique de nature discriminatoire puisqu'il imposait le transfert automatique de la responsabilité de l'enfant de la mère au père le jour de son 7ème anniversaire, ne violait pas en principe la CEDH.