AFFAIRE

Télécharger le texte complet EN

Nom de l'affaire

Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Federal Supreme Court, 2nd Civil Chamber) Decision of 13 September 2001, 5P.160/2001/min

Référence INCADAT

HC/E/CH 423

Juridiction

Pays

Suisse

Nom

Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) (Suisse)

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

États-Unis d'Amérique

État requis

Suisse

Décision

Date

13 September 2001

Statut

Définitif

Motifs

Questions procédurales

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

13(1)(b) 13(3)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

13(1)(b) 13(3)

Autres dispositions
Article 9 of the Swiss federal Constitution, Articles 3 (1), 12 (1) UN Convention on the Rights of the Child
Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Mise en œuvre & difficultés d’application

Questions procédurales
Exécution de l'ordonnance de retour

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR | ES

Faits

L'enfant, une fille, était âgée de 2 ans 1/2 à la date du déplacement dont le caractère illicite était allégué. Elle avait jusqu'alors toujours vécu aux Etats-Unis. Les parents, un père américain et une mère suisse, avaient divorcé aux Etats-Unis en 1995 et disposaient conjointement de la garde. En septembre 1996, la mère emmena l'enfant en Suisse.

En Septembre 1996 le juge cantonal (Bezirksgericht) de Zurich accorda provisoirement la garde exclusive à la mère, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la question. Le 26 Septembre 1996 le père entama une procédure tendant au retour de l'enfant. Le 15 Novembre 1996 Le tribunal cantonal de Zurich rejeta la demande du père.

Le 6 Mars 1997 la cour d'appel (Obergericht) de Zurich accueillit le recours du père et ordonna le retour de l'enfant dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision à la mère.

Le 6 août 1997 le tribunal fédéral (Bundesgericht) rejeta le recours formé par la mère contre la décision de l'instance d'appel. En Octobre 1997, deux tentatives d'exécution de la décision de retour échouèrent et la mère saisit le tribunal cantonal de Zurich d'une demande tendant à voir la décision de retour du 6 mars 1997 rétractée.

Le 19 Décember 1997 cette demande fut rejetée. Le 25 April 1998 la cour de cassation du canton de Zurich rejeta un recours visant à déclarer la décision de retour nulle et non avenue.Divers recours devant le tribunal fédéral suisse furent également rejetés. En mai 1998, la mère et l'enfant quittèrent Zurich pour s'installer à Aargau.

Les 16 Octobre et 6 Novembre 2000 la cour d'appel du Canton de Zurich déclara irrecevables les recours formés par la mère et l'enfant. les recours en annulation exercés contre ces décisions elles-mêmes furent rejetés par la cour de cassation du Canton de Zurich.

La mère et la fille introduisirent d'autres recours contre les décisions des 16 octobre et 6 novembre 2000, lesquels étaient toujours pendants à la date où le tribunal fédéral suisse statua. La demande du père tendant à l'exécution de la décision du tribunal de Zurich du 6 mars 1997 ordonnant retour fut rejetée par le tribunal cantonal d'Aargau.

Le 26 Mars 2001 la cour d'appel du Canton d'Aargau rejecta son recours, au motif que la décision de retour avait été prise 4 ans plus tôt et ne pouvait faire l'objet d'une mise à exécution sans réexamen de l'intérêt supérieur de l'enfant, désormais âgé de 9 ans. Peu importait selon la cour que la raison majeure de la non-exécution fût liée aux multiples demandes et recours introduits par la mère elle-même.

Le père forma un recours devant le Tribunal fédéral.

Dispositif

Recours rejeté ; confirmation du refus d'exécution de la décision ordonnant le retour de l'enfant. Le tribunal estima que le refus d'exécution de la décision ne méconnaissait aucun droit du père, qu'il s'agisse de droits fondamentaux reconnus par la constitution fédérale suisse ou par des instruments internationaux.

Motifs

Questions procédurales

Le recours introduit par le père tendait à voir reconnaître par le tribunal fédéral que la non-exécution de la décision ordonnant le retour de l'enfant conduisait à la violation de dispositions de la Constitution fédérale suisse ou d'instruments internationaux. Le tribunal estima, inter alia, que les juges du fond n'avaient pas fait pruve d'arbitraire (art 9 de la constitution suisse) en décidant de nommer un expert afin qu'il se prononce sur les risques qu'un retour feraient courrir à l'enfant alors âgé de 4 ans. En outre, le fait que l'expert avait auditionné l'enfant mais pas le demandeur ne violait les droits de la défense de ce dernier (art 29 al 2 de la constitution suisse), dans la mesure où l'expert avait été mandaté de déterminer l'état psychologique de l'enfant et non celui du père et que le père avait été mis en mesure de présenter ses vues quant au rapport de l'expert devant le tribunal saisi. Le refus de mettre la décision de retour à exécution ne menait pas à une violation de l'art 13 al 3 de la constitution, puisque cette disposition n'est pas applicable à l'exécution. Le tribunal releva que la Convention de La Haye ne contient aucune disposition relative à l'exécution en tant que telle, laquelle ne pouvait donc être régie que par le droit national, y compris en ce qui concerne les voies de recours légales. Etant donné que "l'objet" de l'exécution se trouvait être un enfant, le droit suisse imposait qu'il soit tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant au stade même de l'exécution. Le tribunal releva que les juridictions inférieures, saisies de la question de l'exécution avaient à bon droit considéré qu'il ne leur appartenait pas de modifier ou revoir la décision ordonnant le retour, ce pouvoir ne relevant que des juridictions compétentes au fond. Les juges de l'exécution pouvaient et devaient en revanche considérer la présence d'obstacles à l'exécution, er, en l'espèce, la question de savoir si le retour était toujours dans l'intérêt supérieur de l'enfant, 4 ans plus tard. Le tribunal ajouta encore que la Convention de La Haye accepte parfois que l'intérêt supérieur de l'enfant prime sur l'intérêt au retour d'un enfant enlevé (art 12 al. 2 et art 13 al. 2). Le tribunal conclut que la non exécution ne conduisait à la violation d'aucun droit reconnu par la constitution suisse ni instrument international.

Commentaire INCADAT

Un résumé de la décision du 6 août 1997 est disponible à : Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) Décision du 6 août 1997 [Référence INCADAT : HC/E/CH 792]; des résumés des décisions de la Cour suprême sur les recours parallèles formés par la mère et l'enfant sont disponibles à : Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) Décision du 16 octobre 2001, 5P.477/2000/ZBE/bnm [Référence INCADAT : HC/E/CH 785], 5P.454/2000/ZBE/bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung [Référence INCADAT : HC/E/CH 786].

Exécution de l'ordonnance de retour

Lorsqu'un parent ravisseur ne remet pas volontairement un enfant dont le retour a été judiciairement ordonné, l'exécution implique des mesures coercitives. L'introduction de telles mesures peut donner lieu à des difficultés juridiques et pratiques pour le demandeur. En effet, même lorsque le retour a finalement lieu, des retards considérables peuvent être intervenus avant que les juridictions de l'État de résidence habituelle ne statuent sur l'avenir de l'enfant. Dans certains cas exceptionnels les retards sont tels qu'il n'est plus approprié qu'un retour soit ordonné.


Travail de la Conférence de La Haye

Les Commissions spéciales sur le fonctionnement de la Convention de La Haye ont concentré des efforts considérables sur la question de l'exécution des décisions de retour.

Dans les conclusions de la Quatrième Commission spéciale de mars 2001, il fut noté :

« Méthodes et rapidité d'exécution des procédures

3.9       Les retards dans l'exécution des décisions de retour, ou l'inexécution de celles-ci, dans certains [É]tats contractants soulèvent de sérieuses inquiétudes. La Commission spéciale invite les [É]tats contractants à exécuter les décisions de retour sans délai et effectivement.

3.10       Lorsqu'ils rendent une décision de retour, les tribunaux devraient avoir les moyens d'inclure dans leur décision des dispositions garantissant que la décision aboutisse à un retour effectif et immédiat de l'enfant.

3.11       Les Autorités centrales ou autres autorités compétentes devraient fournir des efforts pour assurer le suivi des décisions de retour et pour déterminer dans chaque cas si l'exécution a eu lieu ou non, ou si elle a été retardée. »

Voir < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Conclusions et Recommandations ».

Afin de préparer la Cinquième Commission spéciale en novembre 2006, le Bureau permanent a élaboré un rapport sur « L'exécution des décisions fondées sur la Convention de La Haye de 1980 - Vers des principes de bonne pratique », Doc. prél. No 7 d'octobre 2006.

(Disponible sur le site de la Conférence à l'adresse suivante : < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Documents préliminaires »).

Cette Commission spéciale souligna l'importance des principes de bonne pratique développés dans le rapport qui serviront à l'élaboration d'un futur Guide de bonnes pratiques sur les questions liées à l'exécution, voir : < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Conclusions et Recommandations » et enfin « Commission Spéciale d'Octobre-Novembre 2006 »


Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH)

Ces dernières années, la CourEDH a accordé une attention particulière à la question de l'exécution des décisions de retour fondées sur la Convention de La Haye. À plusieurs reprises elle estima que des États membres avaient failli à leur obligation positive de  prendre toutes les mesures auxquelles on pouvait raisonnablement s'attendre en vue de l'exécution, les condamnant sur le fondement de l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) sur le respect de la vie familiale. Voir :

Ignaccolo-Zenide v. Romania, 25 January 2000 [Référence INCADAT : HC/E/ 336] ;

Sylvester v. Austria, 24 April 2003 [Référence INCADAT : HC/E/ 502] ;

H.N. v. Poland, 13 September 2005 [Référence INCADAT : HC/E/ 811] ;                       

Karadžic v. Croatia, 15 December 2005 [Référence INCADAT : HC/E/ 819] ;

P.P. v. Poland, Application no. 8677/03, 8 January 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 941].

La Cour tient compte de l'ensemble des circonstances de l'affaire et des mesures prises par les autorités nationales.  Un retard de 8 mois entre l'ordonnance de retour et son exécution a pu être considéré comme ne violant pas le droit du parent demandeur au respect de sa vie familiale dans :

Couderc v. Czech Republic, 31 January 2001, Application n°54429/00, [Référence INCADAT : HC/E/ 859].

La Cour a par ailleurs rejeté les requêtes de parents qui avaient soutenu que les mesures d'exécution prises, y compris les mesures coercitives, violaient le droit au respect de leur vie familiale :

Paradis v. Germany, 15 May 2003, Application n°4783/03, [Référence INCADAT : HC/E/ 860] ;

A.B. v. Poland, Application No. 33878/96, 20 November 2007, [Référence INCADAT : HC/E/ 943] ;

Maumousseau and Washington v. France, Application No 39388/05, 6 December 2007, [Référence INCADAT : HC/E/ 942] ;

L'obligation positive de prendre des mesures face à l'exécution d'une décision concernant le droit de garde d'un enfant a également été reconnue dans une affaire ne relevant pas de la Convention de La Haye :

Bajrami v. Albania, 12 December 2006 [Référence INCADAT: HC/E/ 898].

Ancel v. Turkey, No. 28514/04, 17 February 2009, [Référence INCADAT : HC/E/ 1015].


Commission interaméricaine des Droits de l'Homme

La Commission interaméricaine des Droits de l'Homme a décidé que l'exécution immédiate d'une ordonnance de retour qui avait fait l'objet d'un recours ne violait pas les articles 8, 17, 19 ni 25 de la Convention américaine relative aux Droits de l'Homme (Pacte de San José), voir :

Case 11.676, X et Z v. Argentina, 3 October 2000, Inter-American Commission on Human Rights Report n°71/00 [Référence INCADAT : HC/E/ 772].


Jurisprudence en matière d'exécution

Dans les exemples suivants l'exécution de l'ordonnance de retour s'est heurtée à des difficultés, voir :

Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, C.G. c. B.S., N° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750] ;

Canada
H.D. et N.C. c. H.F.C., Cour d'appel (Montréal), 15 mai 2000, N° 500-09-009601-006 (500-04-021679-007), [Référence INCADAT : HC/E/CA 915] ;

Suisse
427/01/1998, 49/III/97/bufr/mour, Cour d’appel du canton de Berne (Suisse); [Référence INCADAT : HC/E/CH 433] ;

5P.160/2001/min, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 423] ;

5P.454/2000/ZBE/bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 786] ;

5P.115/2006 /bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 840] ;

L'exécution peut également être rendue impossible en raison de la réaction des enfants en cause. Voir :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re B. (Children) (Abduction: New Evidence) [2001] 2 FCR 531; [Référence INCADAT : HC/E/UKe 420]

Lorsqu'un enfant a été caché pendant plusieurs années à l'issue d'une ordonnance de retour, il peut ne plus être dans son intérêt d'être l'objet d'une ordonnance de retour. Voir :

Royaume-Uni - Écosse
Cameron v. Cameron (No. 3) 1997 SCLR 192, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 112] ;

Espagne
Auto Juzgado de Familia Nº 6 de Zaragoza (España), Expediente Nº 1233/95-B [Référence INCADAT : HC/E/ES 899].