AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Blondin v. Dubois, 189 F.3d 240 (2d Cir. 1999)

Référence INCADAT

HC/E/USf 216

Juridiction

Pays

États-Unis d'Amérique - Niveau fédéral

Nom

United States Court of Appeals for the Second Circuit (Etats-Unis)

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

France

État requis

États-Unis d'Amérique - Niveau fédéral

Décision

Date

17 August 1999

Statut

-

Motifs

Objectifs de la Convention - Préambule, art. 1 et 2 | Risque grave - art. 13(1)(b) | Rôle des Autorités centrales - art. 6 - 10

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

3 8 9 10 11 12 13(1)(b) 13(2) 16 19 29

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

13(1)(b)

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Objectifs de la Convention
Objectifs de la Convention

Exceptions au retour

Problèmes généraux
Nature limitée des exceptions

Mise en œuvre & difficultés d’application

Mesures facilitant le retour de l’enfant
Coopération des Autorités centrales
Assurer un retour sans danger / Ordonnances miroir

RÉSUMÉ

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Faits

Les enfants, une fille et un garçon, étaient respectivement âgés de 6 et 2 ans à la date du déplacement dont le caractère illicite était allégué. Ils avaient passé toute leur vie en France. Les parents n'étaient pas mariés. Leur relation était régulièrement ponctuée par des violences domestiques que faisait subir le père à la mère. En août 1997, la mère emmena les enfants aux Etats-Unis.

En juin 1998, lorsque les enfants furent localisés, le père forma une demande de retour en application de la Convention. Le 17 août 1998, la District Court for the Southern District of New York (Etats-Unis) rejeta la demande du père.

Le 16 juillet 1999, l'Autorité Centrale française indiqua que si le retour des enfants était ordonné, des mesures de protections seraient mises en place pour assurer le bien-être des enfants pendant l'instance au fond sur la garde. Le père forma un recours.

Dispositif

L'appel a été accueilli et l'affaire renvoyée à la District Court pour qu'elle envisage des mesures permettant d'assurer le retour des enfants dans leur résidence habituelle en même temps que leur protection contre les dangers qui pourraient les menacer pendant la procédure au fond sur la garde.

Motifs

Objectifs de la Convention - Préambule, art. 1 et 2

Dans l’exercice de courtoisie qui est au coeur de la Convention, la juridiction saisie d’une demande de retour doit faire confiance aux juridictions de l’Etat de résidence habituelle de l’enfant pour décider des mesures qui pourraient s’avérer nécessaires pour protéger les enfants qui comparaissent devant elles.

Risque grave - art. 13(1)(b)

La juridiction de deuxième degré (Court of Appeal) confirma la décision du premier juge (District Court) en ce qu’elle estimait que le retour des enfants sous la garde physique de leur père les aurait exposés à un risque grave de danger. Nonobstant cette remarque, elle estima que le premier juge aurait dû examiner toutes les mesures qui auraient pu être prises pour réduire le risque couru par les enfants. Elle indiqua qu’une décision ordonnant le retour n’implique pas que les enfants soient remis sous la garde physique de leur père. La Court of Appeal renvoya en conséquence l’affaire à la District Court pour qu’elle envisage des mesures permettant d’assurer le retour des enfants dans leur résidence habituelle en même temps que leur protection contre les dangers qui pourraient les menacer pendant la procédure au fond sur la garde. Elle indiqua toutefois que si la District Court ne parvenait pas à trouver un moyen de rapatrier les enfants qui ne les soumette pas en fait à la garde immédiate de leur père, alors elle devrait refuser d’ordonner le retour.

Rôle des Autorités centrales - art. 6 - 10

La Court of Appeal décida que la District Court était libre d’entreprendre toutes les recherches utiles auprès du gouvernement français, par l’intermédiaire du Département d’Etat américain, pour déterminer les possibilités de mesures de protection des enfants en France.

Commentaire INCADAT

Le 12 janvier 2000, la District Court for the Southern District of New York (Etats-Unis) confirma sa première décision et refusa d'ordonner le retour des enfants. Voy. : Blondin v. Dubois, 78 F. Supp. 2d 283 (S.D.N.Y. 2000).

Un nouvel appel fut interjeté. La cour d'appel fédérale du deuxième ressort confirma catte décision dans : Blondin v. Dubois, 238 F.3d 153 (2d Cir. 2001) [Référence INCADAT: HC/E/USf 585].

Pour un commentaire de cette dernière décision, voy.: L Silberman, « Patching Up the Abduction Convention: A Call for a New International Protocol and a Suggestion for Amendments to ICARA » (2003) Texas International Law Journal 41 p. 53.

Objectifs de la Convention

Les juridictions de tous les États contractants doivent inévitablement se référer aux objectifs de la Convention et les évaluer si elles veulent comprendre le but de cet instrument et être ainsi guidées quant à la manière d'interpréter ses notions et d'appliquer ses dispositions.

La Convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement d'enfants comprend explicitement et implicitement toute une série de buts et d'objectifs, positifs et négatifs, car elle cherche à établir un équilibre délicat entre les intérêts concurrents des principaux acteurs : l'enfant, le parent délaissé et le parent ravisseur. Voir, par exemple, le débat sur cette question dans la décision de la Cour suprême du Canada: W.(V.) v. S.(D.), (1996) 2 SCR 108, (1996) 134 DLR 4th 481, [Référence INCADAT : HC/E/CA 17].

L'article 1 identifie les principaux objectifs, à savoir que la Convention a pour objet :
a) d'assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout État contractant et
b) de faire respecter effectivement dans les autres États contractants les droits de garde et de visite existant dans un État contractant.

De plus amples détails sont fournis dans le préambule, notamment au sujet de l'objectif premier d'obtenir le retour des enfants, lorsque leur déplacement ou leur rétention a donné lieu à une violation des droits de garde effectivement exercés.  Il y est indiqué que :

L'intérêt de l'enfant est d'une importance primordiale pour toute question relative à sa garde ;

Et les États signataires désirant :
protéger l'enfant, sur le plan international, contre tous les effets nuisibles d'un déplacement ou d'un non-retour illicites et établir des procédures en vue de garantir le retour immédiat de l'enfant dans l'État de sa résidence habituelle et d'assurer la protection du droit de visite.

L'objectif du retour et la manière dont il doit s'effectuer au mieux sont également renforcés dans les articles suivants, notamment en ce qui concerne les obligations des Autorités centrales (art. 8 à 10) et l'obligation faite aux autorités judiciaires de procéder d'urgence (art. 11).

L'article 13, avec les articles 12(2) et 20, qui énonce les exceptions au mécanisme de retour sommaire, indique que la Convention comporte un objectif supplémentaire, à savoir que dans certaines circonstances définies, la situation propre à chaque enfant devrait être prise en compte, notamment l'intérêt supérieur de l'enfant ou même du parent ayant emmené l'enfant. 

Le rapport explicatif de Mme Pérez-Vera attire l'attention au paragraphe 9 sur un objectif implicite sur lequel repose la Convention, à savoir que l'examen au fond des questions relatives aux droits de garde doit se faire par les autorités compétentes de l'État où l'enfant avait sa résidence habituelle avant d'être déplacé, voir par exemple :

Argentine
W. v. O., 14 June 1995, Argentine Supreme Court of Justice, [Référence INCADAT : HC/E/AR 362];

Finlande
Supreme Court of Finland: KKO:2004:76, [Référence INCADAT : HC/E/FI 839];

France
CA Bordeaux, 19 January 2007, No 06/002739, [Référence INCADAT : HC/E/FR 947];

Israël
T. v. M., 15 April 1992, transcript (Unofficial Translation), Supreme Court of Israel, [Référence INCADAT : HC/E/IL 214];

Pays-Bas
X. (the mother) v. De directie Preventie, en namens Y. (the father) (14 April 2000, ELRO nr. AA 5524, Zaaksnr.R99/076HR), [Référence INCADAT : HC/E/NL 316];

Suisse
5A.582/2007 Bundesgericht, II. Zivilabteilung, 4 December 2007, [Référence INCADAT : HC/E/CH 986];

Royaume-Uni - Écosse
N.J.C. v. N.P.C. [2008] CSIH 34, 2008 S.C. 571, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 996];

États-Unis d'Amérique
Lops v. Lops, 140 F.3d 927 (11th Cir. 1998), [Référence INCADAT : HC/E/USf 125].

Le rapport de Mme Pérez-Vera associe également la dimension préventive à l'objectif de retour de l'instrument (para. 17, 18 et 25), un objectif dont il a beaucoup été question pendant le processus de ratification de la Convention aux États-Unis d'Amérique (voir : Pub. Notice 957, 51 Fed. Reg. 10494, 10505 (1986)) et sur lequel des juges se sont fondés dans cet État contractant dans leur application de la Convention. Voir :

Duarte v. Bardales, 526 F.3d 563 (9th Cir. 2008), [Référence INCADAT : HC/E/USf 1023].

Le fait d'appliquer le principe d'« equitable tolling » lorsqu'un enfant enlevé a été dissimulé a été considéré comme cohérent avec l'objectif de la Convention de décourager l'enlèvement d'enfants.

Furnes v. Reeves, 362 F.3d 702 (11th Cir. 2004), [Référence INCADAT : HC/E/USf 578].

À l'inverse des autres instances d'appel fédérales, le tribunal du 11e ressort était prêt à interpréter un droit ne exeat comme incluant le droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant, étant donné que le but de la Convention de La Haye est de prévenir l'enlèvement international et que le droit ne exeat donne au parent le pouvoir de décider du pays où l'enfant prendrait résidence.

Dans d'autres juridictions, la prévention a parfois été invoquée comme facteur pertinent dans l'interprétation et l'application de la Convention. Voir par exemple :

Canada
J.E.A. v. C.L.M. (2002), 220 D.L.R. (4th) 577 (N.S.C.A.), [Référence INCADAT : HC/E/CA 754] ;

Royaume-Uni  - Angleterre et Pays de Galles
Re A.Z. (A Minor) (Abduction: Acquiescence) [1993] 1 FLR 682, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 50].

Des buts et objectifs de la Convention peuvent également se trouver au centre de l'attention pendant la vie de l'instrument, comme la promotion du contact transfrontière, qui, selon des arguments avancés en ce sens, découlent d'une application stricte du mécanisme de retour sommaire de la Convention, voir :

Nouvelle-Zélande
S. v. S. [1999] NZFLR 625, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 296];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re R. (Child Abduction: Acquiescence) [1995] 1 FLR 716, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 60].

Il n'y a pas de hiérarchie entre les différents objectifs de la Convention (para. 18 du rapport de Mme Pérez-Vera). L'interprétation judiciaire peut ainsi diverger selon les États contractants en fonction de l'accent plus ou moins important qui sera placé sur certains objectifs. La jurisprudence peut également évoluer, sur le plan interne ou international.

Dans la jurisprudence britannique du Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles), une décision de l'instance suprême de cette juridiction, la Chambre des lords, a donné lieu à une ré-évaluation des objectifs de la Convention et, partant, à un réalignement de la pratique judiciaire en ce qui concerne les exceptions :

Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937].

Précédemment, la volonté de donner effet à l'objectif premier d'encourager le retour et de prévenir ainsi un recours abusif aux exceptions, avait donné lieu à l'ajout d'un critère additionnel du « caractère exceptionnel », voir par exemple :

Re M. (A Child) (Abduction: Child's Objections to Return) [2007] EWCA Civ 260, [2007] 2 FLR 72, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 901].

C'est ce critère du caractère exceptionnel qui fut par la suite considéré comme non fondé par la Chambre des lords dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937].

Doctrine de la déchéance des droits du fugitif

Aux États-Unis d'Amérique, des approches différentes ont été suivies dans la jurisprudence de la Convention à l'égard de demandeurs qui n'ont pas ou n'auraient pas respecté une décision de justice en vertu de la « doctrine de la déchéance des droits du fugitif ».

Dans Re Prevot, 59 F.3d 556 (6th Cir. 1995), [Référence INCADAT : HC/E/USf 150], la doctrine de la déchéance des droits du fugitif a été appliquée, le père demandeur ayant fui les États-Unis pour échapper à sa condamnation pénale et d'autres responsabilités devant des tribunaux américains.

Walsh v. Walsh, No. 99-1747 (1st Cir. 2000), [Référence INCADAT : HC/E/USf 326].

Dans l'espèce, le père était un fugitif. Deuxièmement, on pouvait soutenir qu'il y avait un lien entre son statut de fugitif et la demande. Mais la juridiction conclut que le lien n'était pas assez fort pour que la doctrine ait à s'appliquer. En tout état de cause, la juridiction estima également que le fait d'appliquer la doctrine de la déchéance des droits du fugitif imposerait une sanction trop sévère dans une affaire de droits parentaux.

Dans March v. Levine, 249 F.3d 462 (6th Cir. 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 386], la doctrine n'a pas été appliquée pour ce qui est du non-respect par le demandeur d'ordonnances civiles.

Dans l'affaire canadienne Kovacs v. Kovacs (2002), 59 O.R. (3d) 671 (Sup. Ct.) [Référence INCADAT : HC/E/CA 760], le statut de fugitif du père a été considéré comme un facteur à prendre en compte, en ce sens qu'il y avait là un risque grave de danger pour l'enfant.

Nature limitée des exceptions

Analyse de la jurisprudence de la base de données INCADAT en cours de préparation.

Coopération des Autorités centrales

Résumé INCADAT en cours de préparation.

Assurer un retour sans danger / Ordonnances miroir

Une pratique s'est fait jour dans un certain nombre d'États contractants dans lesquels l'ordonnance de retour est prononcée sous réserve du respect de certaines exigences ou de certains engagements. Afin de s'assurer que ces mesures de protection sont susceptibles d'être exécutées, il peut être exigé du demandeur qu'il fasse enregistrer ces mesures en des termes identiques ou équivalents auprès des autorités de l'État de la résidence habituelle de l'enfant. Ces décisions sont généralement décrites comme des ordonnances « assurant le retour sans danger de l'enfant » ou « ordonnances miroir ».

Des ordonnances de retour ont été rendues par les juridictions suivantes sous réserve du prononcé d'une ordonnance assurant le retour sans danger de l'enfant ou d'une ordonnance miroir :

Australie
Director-General Department of Families, Youth and Community Care and Hobbs, 24 September 1999, Family Court of Australia (Brisbane) [Référence INCADAT : HC/E/AU 294] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re W. (Abduction: Domestic Violence) [2004] EWHC 1247, [2004] 2 FLR 499 [Référence INCADAT : HC/E/ UKe 599] ;

Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982] ;

Afrique du Sud
Sonderup v. Tondelli 2001 (1) SA 1171 (CC) [Référence INCADAT : HC/E/ZA 309] ;

Central Authority v. Houwert [2007] SCA 88 (RSA); [Référence INCADAT : HC/E/ZA 900].

Une demande déposée par la High Court anglaise concernant des mesures de protection prises dans le cadre d'une décision relative aux termes d'un droit de visite international et enregistrées dans l'État où les périodes de visite devaient se dérouler a été reprise et prolongée au Panama dans la décision :

Ruling Nº393-05-F [Référence INCADAT : HC/E/PA 872].

Une demande sollicitant le retour d'un enfant sous réserve qu'une ordonnance miroir soit rendue dans l'État d'origine fut rejetée par les juridictions israéliennes dans Family Application  8743/07 Y.D.G. v. T.G., [Référence INCADAT : HC/E/IL 983], les accusations formulées à l'encontre du père ayant été déclarées sans fondement.