HC/E/AT 1328
Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)
Italie
Autriche
1 July 2010
Définitif
Objectifs de la Convention - Préambule, art. 1 et 2 | Questions procédurales
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Le Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003) vise à décourager l'enlèvement d'enfants entre les États membres et à assurer le retour immédiat de l'enfant en cas d'enlèvement.
Article 10 du Règlement Bruxelles II bis : Compétence
En principe, un enlèvement ne devrait pas conduire à un transfert de compétence entre les États membres concernés et l'interprétation de l'article 10 du Règlement Bruxelles II bis devrait être restrictive. La Cour a estimé qu'« une décision de garde n'impliquant pas le retour de l'enfant » au sens de l'article 10(4) du Règlement Bruxelles II bis constitue une ordonnance définitive, adoptée sur la base de l'examen des faits dans leur ensemble.
Elle a toutefois noté que le caractère définitif de l'ordonnance serait conservé, même si un réexamen de l'affaire était prévu. La Cour a estimé que si une décision provisoire entraînait un défaut de compétence, alors cela dissuaderait les tribunaux de rendre de telles décisions, même si une ordonnance provisoire était dans l'intérêt supérieur de l'enfant. La Cour a estimé que les réserves énoncées dans l'ordonnance du Tribunale per i Minorenni di Venezia prouvaient qu'il ne s'agissait pas d'une décision définitive et n'entraînaient pas de transfert de compétence au sens de l'article 10(4).
Article 11(8) du Règlement Bruxelles II bis : Retour de l'enfant
La Cour a jugé qu'une ordonnance de retour entrait dans le champ d'application de l'article 11(8) même si elle ne suivait pas une décision définitive sur la garde. Elle a estimé que cette interprétation se dégageait clairement de la rédaction de la disposition qui se référait à « toute décision ultérieure ordonnant le retour de l'enfant ». La Cour a reconnu que le précédent paragraphe (article 11(7) du Règlement Bruxelles II bis) se référait aux procédures engagées en vue de statuer sur la garde, mais a estimé qu'il s'agissait là d'une finalité et non d'une condition préalable à la question du retour. En outre, elle a ajouté que le retour faciliterait la poursuite de l'objectif final, à savoir le règlement de la question de la garde.
La Cour a également noté qu'il serait difficile de concilier l'objectif de rapidité inhérent aux articles 11(8), 40 et 42 du Règlement Bruxelles II bis avec l'obligation de rendre une décision définitive en matière de garde. La Cour a supposé qu'une telle contrainte pourrait obliger les autorités compétentes à rendre une décision sans être en possession des informations nécessaires ou sans disposer de suffisamment de temps de réflexion. Le droit de l'enfant d'entretenir de véritables contacts avec ses deux parents a également plaidé en faveur d'un retour avant que l'audience finale sur la garde n'ait lieu.
Exécution
La Cour a estimé qu'une ordonnance provisoire de garde établie dans l'État de refuge ne pouvait suspendre l'exécution d'une ordonnance ultérieure établie en vertu de l'article 11(8), car cela serait contraire au sens du Règlement Bruxelles II bis.
La Cour a réexaminé le statut d'un certificat délivré en vertu de l'article 42 du Règlement Bruxelles II bis et les possibilités de remettre en cause ce certificat ou une ordonnance de retour en vertu de l'article 11(8). Elle a dans ce cadre noté que l'État membre d'origine était compétent et que si une décision devait être inconciliable, ce serait celle de l'autre juridiction.
La Cour a par ailleurs accepté qu'un changement de circonstances puisse nécessiter une modification de l'ordonnance de retour mais a noté que c'était une question au fond et qu'en tant que telle, cette question devait être tranchée par la juridiction compétente, à savoir celle de l'État membre d'origine, qui pourrait évaluer l'intérêt supérieur de l'enfant et décider d'une éventuelle suspension de l'ordonnance de retour.
La Cour a précisé que le principe d'assimilation énoncé à l'article 47(2) du Règlement Bruxelles II bis, selon lequel une décision devrait être exécutée dans l'État membre d'exécution « dans les mêmes conditions » que si elle avait été rendue dans cet État membre, devait être interprété strictement. Seules les questions procédurales liées au retour pouvaient être interprétées, mais ne pouvaient fonder une objection à la décision du tribunal compétent.
Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye (art. 16)
Le but de la Convention étant d'assurer le retour immédiat d'enfants enlevés dans leur État de résidence habituelle pour permettre l'ouverture d'une procédure au fond, il est essentiel qu'une procédure d'attribution de la garde ne soit pas commencée dans l'État de refuge. À cette fin, l'article 16 dispose que :
« Après avoir été informées du déplacement illicite d'un enfant ou de son non-retour dans le cadre de l'article 3, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions de la présente Convention pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies, ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite. »
Les États contractants qui sont également parties à la Convention de La Haye de 1996 bénéficient d'une plus grande protection en vertu de l'article 7 de cet instrument.
Les États contractants membres de l'Union européenne auxquels s'applique le règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (règlement Bruxelles II bis) bénéficient d'une protection supplémentaire en vertu de l'article 10 de cet instrument.
L'importance de l'article 16 a été notée par la Cour européenne des droits de l'Homme :
Iosub Caras v. Romania, Requête n° 7198/04, (2008) 47 E.H.R.R. 35, [Référence INCADAT : HC/E/ 867]
Carlson v. Switzerland, Requête n° 49492/06, 8 novembre 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 999]
Dans quelles circonstances l'article 16 doit-il être appliqué ?
La Haute Cour (High Court) d'Angleterre et du Pays de Galles a estimé qu'il revient aux tribunaux et aux avocats de prendre l'initiative lorsque des éléments indiquent qu'un déplacement ou non-retour illicite a eu lieu.
R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].
Lorsqu'un tribunal prend connaissance, expressément ou par présomption, d'un déplacement ou non-retour illicite, il est informé de ce déplacement ou non-retour illicite au sens de l'article 16. Il incombe en outre au tribunal d'envisager les mesures à prendre pour s'assurer que le parent se trouvant dans cet État est informé de ses droits dans le cadre de la Convention.
Re H. (Abduction: Habitual Residence: Consent) [2000] 2 FLR 294, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 478]
Les avocats, même ceux des parents ravisseurs, ont le devoir d'attirer l'attention du tribunal sur la Convention lorsque cela est pertinent.
Portée et durée de la protection conférée par l'article 16 ?
L'article 16 n'empêche pas la prise de mesures provisoires et de protection :
Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, CG c BS, n° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750]. Dans ce cas d'espèce les mesures provisoires devinrent toutefois définitives et le retour ne fut jamais appliqué en raison d'un changement des circonstances.
Une demande de retour doit être déposée dans un laps de temps raisonnable :
France
Cass. Civ. 1ère, 9 juillet 2008 (pourvois n° K 06-22090 et M 06-22091), 9.7.2008, [Référence INCADAT : HC/E/FR 749] ;
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].
Une ordonnance de retour devenue définitive mais n'ayant pas encore été exécutée entre dans le champ de l'article 16 :
Allemagne
Bundesgerichtshof, XII. Décision du Zivilsenat du 16 août 2000 - XII ZB 210/99, BGHZ 145, 97 16 August 2000 [Référence INCADAT : HC/E/DE 467].
L'article 16 ne s'appliquera plus lorsqu'une ordonnance de retour ne peut être exécutée :
Suisse
5P.477/2000/ZBE/bnm, [Référence INCADAT : HC/E/CH 785].
76;2201/2203 (BRUXELLES II BIS)
L'application de la Convention de La Haye de 1980 dans les États membres de l'Union européenne (excepté le Danemark) a fait l'objet d'un amendement à la suite de l'entrée en vigueur du Règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n°1347/2000. Voir :
Affaire C-195/08 PPU Rinau v. Rinau, [2008] ECR I 5271 [2008] 2 FLR 1495 [INCADAT cite: HC/E/ 987];
Affaire C 403/09 PPU Detiček v. Sgueglia, [INCADAT cite: HC/E/ 1327].
La Convention de La Haye reste l'instrument majeur de lutte contre les enlèvements d'enfants, mais son application est précisée et complétée.
L'article 11(2) du Règlement de Bruxelles II bis exige que dans le cadre de l'application des articles 12 et 13 de la Convention de La Haye, l'occasion doit être donnée à l'enfant d'être entendu pendant la procédure sauf lorsque cela s'avère inapproprié eu égard à son jeune âge ou son immaturité.
Cette obligation a donné lieu à un changement dans la jurisprudence anglaise :
Re D. (A Child) (Abduction: Foreign Custody Rights) [2006] UKHL 51 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 880].
Dans cette espèce le juge Hale indiqua que désormais les enfants seraient plus fréquemment auditionnés dans le cadre de l'application de la Convention de La Haye.
L'article 11(4) du Règlement de Bruxelles II bis prévoit que : « Une juridiction ne peut pas refuser le retour de l'enfant en vertu de l'article 13, point b), de la convention de La Haye de 1980 s'il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour. »
Décisions ayant tiré les conséquences de l'article 11(4) du Règlement de Bruxelles II bis pour ordonner le retour de l'enfant :
France
CA Bordeaux, 19 janvier 2007, No 06/002739 [Référence INCADAT : HC/E/FR 947];
CA Paris 15 février 2007 [Référence INCADAT : HC/E/FR 979].
Il convient de noter que le Règlement introduit un nouveau mécanisme applicable lorsqu'une ordonnance de non-retour est rendue sur la base de l'article 13. Les autorités de l'État de la résidence habituelle de l'enfant ont la possibilité de rendre une décision contraignante sur la question de savoir si l'enfant doit retourner dans cet État nonobstant une ordonnance de non-retour. Si une telle décision de l'article 11(7) du Règlement est en effet rendue et certifiée dans l'État de la résidence habituelle, elle deviendra automatiquement exécutoire dans l'État de refuge ainsi que dans tous les États Membres.
Décision de retour de l'Article 11(7) du Règlement de Bruxelles II bis rendue :
Re A. (Custody Decision after Maltese Non-return Order: Brussels II Revised) [2006] EWHC 3397 (Fam.), [Référence INCADAT : HC/E/UKe 883].
Décision de retour de l'Article 11(7) du Règlement de Bruxelles II bis refusée :
Re A. H.A. v. M.B. (Brussels II Revised: Article 11(7) Application) [2007] EWHC 2016 (Fam), [2008] 1 FLR 289 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 930].
Voir le commentaire de :
P. McEleavy, « The New Child Abduction Regime in the European Community: Symbiotic Relationship or Forced Partnership? », Journal of Private International Law, 2005, p. 5 à 34.