AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Cass Civ 1ère, 19 novembre 2014, N° de pourvoi 14-17.493

Référence INCADAT

HC/E/FR 1309

Juridiction

Pays

France

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

Afrique du Sud

État requis

France

Décision

Date

19 November 2014

Statut

Définitif

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b)

Décision

Recours rejeté, retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

13(1)(b)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

13(1)(b)

Autres dispositions
Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ; Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Exceptions au retour

Risque grave de danger
Difficultés financières
Jurisprudence française

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'affaire concernait une enfant née en mai 2012 à Johannesburg de parents mariés. Les parents se séparèrent au cours des six mois suivant la naissance de l'enfant.

La mère convint avec le père, titulaire du droit de garde, d'un voyage de l'enfant avec la mère en France, du 25 novembre 2012 au 15 février 2013.La mère ne retourna pas en Afrique du Sud après cette période, ni n'y renvoya l'enfant.

Le 10 mai 2013, l'Autorité centrale désignée pour la France en vertu de la Convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement d'enfants fut saisie d'une demande en retour de l'enfant en Afrique du Sud.

Le 19 décembre 2013, la mère fut assignée par le ministère public afin que le retour soit ordonné.

Le juge aux affaires familiales retint l'existence d'un danger psychique pour l'enfant en cas de retour : le déplacement était illicite mais les conditions prévues par l'article 13(1)(b) de la Convention étaient remplies. Le retour fut refusé.

Le 2 avril 2014, la Cour d'appel de Montpellier infirma la décision de première instance et ordonna le retour immédiat de l'enfant en Afrique du Sud.

La mère forma un pourvoi en cassation.

Dispositif

Recours rejeté ; ordonnance de retour confirmée. La Cour d'appel avait à bon droit déduit des éléments de fait à sa disposition, appréciés en considération primordiale de l'intérêt de l'enfant, que l'exception de l'article 13 (1)(b) de la Convention n'était pas applicable.

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b)


La mère alléguait qu'en cas de retour en Afrique du Sud, l'enfant serait exposée à un risque de danger physique grave en retournant vivre à la réserve Makalali, et psychologique du fait de la rupture avec son environnement familial et social.

Pour ordonner le retour immédiat de l'enfant en Afrique du Sud, la Cour d'appel avait relevé que la mère avait vécu dans la réserve pendant sa grossesse et les 6 premiers mois de la vie de l'enfant, et avait quitté cette résidence dans le contexte de la rupture ; la cour avait encore noté que le non-retour faisait obstacle aux relations habituelles de l'enfant avec son père, dont les capacités éducatives n'étaient pas sérieusement remises en cause et avait considéré que la mère, à qui incombait la charge de la preuve, ne démontrait pas qu'elle était dans l'impossibilité de retourner vivre en Afrique du Sud et ne présentait pas de motifs légitimes de refus.

S'agissant du risque grave de danger physique, la Cour d'appel avait, selon la mère, violé l'article 13(1)(b), ensemble les articles 3(1) de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en se fondant sur son propre comportement au lieu de rechercher si le retour de l'enfant en Afrique du Sud l'exposerait effectivement à un risque grave. Selon la mère, la cour n'avait en outre pas suffisamment motivé sa décision en n'examinant pas concrètement les objections soulevées concernant un risque pour la sécurité physique de l'enfant et n'avait pas répondu à ses arguments tirés des conditions de vie de l'enfant sans sa mère dans la réserve.

S'agissant du risque grave de danger psychologique, la mère faisait valoir que la Cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision en omettant de rechercher si, concrètement, l'enfant pourrait supporter l'arrachement à son environnement familier et si la mère pourrait maintenir un lien effectif avec sa fille en cas de retour.

La Cour de cassation rejeta ces arguments, rappelant que la Cour d'appel avait constaté que la mère avait elle-même vécu dans la réserve durant la grossesse et les six premiers mois de la naissance de l'enfant sans difficulté, qu'elle ne l'avait quittée que dans le contexte de rupture du lien conjugal avec le père. Le non-retour illicite faisait par ailleurs obstacle aux relations de l'enfant avec son père qui avait maintenu le contact en organisant des visites sur le sol français. Notant le fait que la mère ne démontrait pas d'impossibilité de retourner en Afrique du Sud et d'y raccompagner l'enfant, la Cour de cassation indiqua que la Cour d'appel, ayant apprécié ces circonstances en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, avait ainsi à bon droit « souverainement estimé » que les conditions de l'exception au retour selon l'article 13(1)(b) n'étaient pas remplies.

Auteurs du résumé : le Bureau Permanent en collaboration avec Aude Fiorini

Commentaire INCADAT

Difficultés financières

L'article 13(1) b) et les difficultés financières

Dans de nombreux États contractants les juridictions ont adopté une approche stricte lorsqu'il a été soutenu que le parent demandeur (et par conséquent l'enfant) serait mis dans une situation financière difficile si une ordonnance de retour était rendue.

Australie
Director General of the Department of Family and Community Services v. Davis (1990) FLC 92-182 [Référence INCADAT : HC/E/AU 293]

Le fait que la mère ne pouvait accompagner l'enfant en Angleterre pour des raisons financières, ou autres, ne justifiait pas que les juges australiens se départissent de l'obligation claire qui pèse sur eux en application de la Convention.

Canada
Y.D. v. J.B., [1996] R.D.F. 753 (Que.C.A.) [Référence INCADAT : HC/E/CA 369]

La mère alléguait que les difficultés financières du père conduiraient à exposer les enfants à un risque grave de danger. La juge estima au contraire que l'existence de difficultés financières ne justifiait pas le refus de retour des enfants. Selon le juge : « les États signataires de la Convention ne cherchaient pas à protéger uniquement les enfants dont les parents sont aisés, en laissant à l'abandon les enfants de parents moins riches. Victimes d'enlèvement, ces enfants aussi doivent pouvoir faire l'objet d'une décision de retour ». [Traduction du Bureau Permanent]

Allemagne
7 UF 39/99, Oberlandesgericht Bamberg [Référence INCADAT : HC/E/DE 821].

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Dans des arrêts anciens, la cour d'appel a généralement rejeté les arguments selon lesquels les difficultés pécuniaires pourraient caractériser une situation intolérable au sens de l'article 13(1) b).

Re A. (Minors) (Abduction: Custody Rights) [1992] Fam 106 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 48].

Dépendre des allocations de l'État ne peut être en soi considéré comme une situation intolérable.

B. v. B. (Abduction: Custody Rights) [1993] Fam. 32 (C.A.) [Référence INCADAT : HC/E/UKe 10].

Les difficultés financières et de logement n'empêchaient pas le prononcé d'une ordonnance de retour.

Dans Re M. (Abduction: Undertakings) [1995] 1 FLR 1021 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 20], il a été suggéré qu'une exception pouvait être établie lorsque des jeunes enfants étaient susceptibles de se trouver sans foyer, soit qu'ils bénéficient des  prestations sociales versées par l'État soit qu'ils n'en bénéficient pas. La dépendance financière aux prestations sociales versées par l'État israélien ou l'État anglais ne saurait constituer une situation intolérable.

Royaume-Uni - Écosse
Starr v. Starr 1999 SLT 335, 1998 SCLR (Notes) 775 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 195];

Suisse
5A_285/2007 /frs, Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile [Référence INCADAT : HC/E/CH 955];

Zimbabwe
Secretary For Justice v. Parker 1999 (2) ZLR 400 (H) [Référence INCADAT : HC/E/ZW 340].

Pour un exemple d'affaire dans laquelle une ordonnance de non retour a été rendue sur la basée de circonstances financières, voir :

Royaume-Uni - Écosse C. v. C. 2003 S.L.T. 793 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 998].

Ce fut également un facteur pertinent dans l'affaire suivante:

Pays-Bas
De directie Preventie, optredend voor zichzelf en namens Y (de vader /the father) against X (de moeder/ the mother) (7 February 2001, ELRO nr.AA9851 Zaaknr:813-H-00) [Référence INCADAT : HC/E/NL 314].

Jurisprudence française

Le traitement de l'article 13(1) b) a évolué. L'interprétation permissive initialement privilégiée par les cours a fait place à une interprétation plus stricte.

Les jugements de la plus haute juridiction française, la Cour de cassation, rendus du milieu à la fin des années 1990 contrastent avec la position des juridictions d'appel et des arrêts de cassation plus récents. Voir :

Cass. Civ. 1ère 12 juillet 1994, Rev. Crit. 84 (1995), p. 96 note H. Muir Watt ; JCP 1996 IV 64 note Bosse-Platière, Defrénois 1995, art. 36024, note J. Massip [Référence INCADAT : HC/E/FR 103] ;

Cass. Civ. 1ère 21 novembre 1995 (Pourvoi N° 93-20140), [Référence INCADAT : HC/E/FR 514] ;

Cass. Civ. 1ère 22 juin 1999, (N° de pourvoi : 98-17902), [Référence INCADAT : HC/E/FR 498] ;

Et comparer avec:

Cass. Civ. 1ère 25 janvier 2005 (N° de pourvoi : 02-17411), [Référence INCADAT : HC/E/FR 708] ;

Cass. Civ. 1ère 14 juin 2005 (N° de pourvoi : 04-16942), [Référence INCADAT : HC/E/FR 844] ;

Cass. Civ. 1ère 13 juillet 2005 (N° de pourvoi : 05-10519), [Référence INCADAT : HC/E/FR 845] ;

CA. Amiens 4 mars 1998, n°5704759, [Référence INCADAT : HC/E/FR 704] ;

CA. Grenoble 29 mars 2000 M. c. F., [Référence INCADAT : HC/E/FR 274] ;

CA. Paris 7 février 2002 (N° de pourvoi : 2001/21768), [Référence INCADAT : HC/E/FR 849] ;

CA. Paris, 20/09/2002 (N° de pourvoi : 2002/13730), [Référence INCADAT : HC/E/FR 850] ;

CA. Aix en Provence 8 octobre 2002, L c. Ministère Public, Mme B. et Mesdemoiselles L. (N° de rôle 02/14917) [Référence INCADAT : HC/E/FR 509] ;

CA. Paris 27 octobre 2005, 05/15032 [Référence INCADAT : HC/E/FR 814] ;

Cass. Civ. 1ère 14 décembre 2005 (N° de pourvoi : 05-12934) [Référence INCADAT : HC/E/FR @889@] ;

Cass. Civ. 1ère 14 November 2006 (N° de pourvoi : 05-15692) [Référence INCADAT : HC/E/FR @890@].

Pour des exemples récents où le retour a été refusé sur le fondement de l'article 13(1) b) :

Cass. Civ. 1ère 12 Décembre 2006 (N° de pourvoi : 05-22119) [Référence INCADAT : HC/E/FR @891@] ;

Cass. Civ. 1ère 17 Octobre 2007 [Référence INCADAT : HC/E/FR @946@]. 

L'interprétation donnée à l'article 13(1) b) par la Cour d'appel de Rouen en 2006, quoique simplement obiter, rappelle l'interprétation permissive qui était constante au début des années 1990. Voir :

CA. Rouen, 9 Mars 2006, N°05/04340 [Référence INCADAT : HC/E/FR @897@].