AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, 10 juillet 2012, Référé No 496/2012

Référence INCADAT

HC/E/LU 738

Juridiction

Pays

Luxembourg

Degré

Première instance

États concernés

État requérant

Portugal

État requis

Luxembourg

Décision

Date

10 July 2012

Statut

Définitif

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b) | Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2)

Décision

Retour refusé

Article(s) de la Convention visé(s)

3 13(1)(b) 13(2)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

13(1)(b) 13(2)

Autres dispositions
Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003), Nouveau Code de procédure civile du Luxembourg
Jurisprudence | Affaires invoquées

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Publiée dans

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INCADAT commentaire

Exceptions au retour

Opposition de l’enfant
Âge et maturité requis

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'affaire concernait un enfant de 13 ans né de parents mariés vivant au Portugal. Le 18 juin 2008, le divorce des parents fut prononcé par le Tribunal de la famille de Coimbra (Portugal), qui investit les parents d'un droit de garde conjoint sur l'enfant. Suite au divorce, la mère s'établit au Luxembourg en rendait visite régulièrement à son fils au Portugal.

Le 7 décembre 2010, une décision du Tribunal de la famille fixa la résidence de l'enfant avec son père au Portugal pour aussi longtemps que la mère habiterait au Luxembourg. Durant l'été 2011, la mère se rendit au Portugal et emmena l'enfant avec elle lors de son départ.

Le père introduit une demande en retour pour l'enfant sur la base de la Convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement d'enfants auprès de l'Autorité centrale portugaise compétente.

Dispositif

Demande rejeté et retour refusé ; le déplacement était illicite mais les conditions prévues par l'article 13(2) de la Convention étaient remplies.

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b)


La mère alléguait ne pas avoir eu connaissance de la décision du Tribunal de la famille du 7 décembre 2010 fixant la résidence de l'enfant avec son père.

Elle invoquait l'existence d'un risque grave au sens de l'article 13(1)(b) du fait que l'enfant était, lors de son départ, sous la garde de la nouvelle compagne du père, le père ne séjournant que rarement au Portugal mais vivant principalement aux Pays-Bas où se trouvait son lieu de travail.

La mère soutenait également que l'enfant n'était pas bien traité par la nouvelle compagne du père et ses deux fils, et subissait des coups et des injures. Le père contestait l'intégralité des allégations de la mère. Le juge trouva, sur la base des éléments soumis, que l'existence d'un risque grave que le retour de l'enfant au Portugal ne l'expose à un danger physique ou psychique ou ne le place dans une situation intolérable n'était pas établie.

Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2)
L'enfant ayant atteint 13 ans en date du 6 mars 2012, le juge décida qu'il avait atteint la maturité nécessaire pour être entendu. Lors de l'audition de l'enfant, le comportement et les réponses qu'il fournit confirmèrent qu'il avait la maturité et le discernement nécessaire.

L'enfant confirma lors de l'entretien les allégations de la mère. Répondant à une question, il dit n'avoir eu de contact avec son père qu'à deux reprises depuis son départ, par le moyen de deux coups de téléphone durant l'un desquels ils s'étaient querellés. L'enfant se dit heureux de vivre avec sa mère et exprima le désir de rester auprès d'elle.

Le juge, tout en insistant sur la nécessité de prendre les déclarations de l'enfant avec certaines précautions, estima néanmoins qu'il résultait de l'audition de l'enfant que ce dernier n'était pas convenablement pris en charge au Portugal, qu'il n'appréciait pas la nouvelle compagne de son père, et n'avait pas été emmené de force par sa mère.

Le juge releva que l'expression de l'opposition de l'enfant ne semblait pas avoir été dictée par la mère. Il trouva qu'il était approprié de tenir compte de son opinion du fait de son âge et de sa maturité. Le juge décida qu'il y avait lieu de rejeter la demande de retour du fait de l'opposition, ainsi établie, de l'enfant à son retour au Portugal.

Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2)

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Commentaire INCADAT

Âge et maturité requis

L’article 13(2) ne prévoit pas d’âge minimum à partir duquel il convient de s’enquérir des objections de l’enfant, il applique plutôt une formule qui indique que l’enfant doit avoir « atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion ». Néanmoins, en formulant cette exception, les rédacteurs de la Convention avaient principalement en tête les adolescents qui ne souhaitent pas retourner dans leur État d’origine.

Indubitablement influencées par les pratiques internes en droit de la famille, différentes tendances se sont développées dans les États contractants quant à la manière d’appliquer cette exception. En outre, au fil de l’application de la Convention dans les États, ces tendances ont connu des évolutions, en particulier au fur et à mesure que les enfants ont été reconnus en qualité d’acteurs juridiques à part entière de leurs propres droits. En effet, au sein de l’Union européenne (UE), à tout le moins eu égard aux enlèvements cantonnés au territoire de l’UE, l’on doit veiller à ce que l’enfant ait la possibilité d’être entendu, à moins que cela n’apparaisse inapproprié eu égard à son âge ou son degré de maturité : Règlement Bruxelles II bis, art. 11(2).

La question de l’âge et de la maturité est étroitement liée au seuil appliqué dans le cadre de cette exception, autrement dit au critère utilisé pour déterminer les circonstances dans lesquelles il peut sembler approprié de prendre en compte les objections de l’enfant, voir par exemple Re T. (Enlèvement : Objection de l’enfant au retour) [2000] 2 FLR 192 [INCADAT cite HC/E/UKe 270] ; Zaffino v. Zaffino [2006] 1 FLR 410 [INCADAT cite HC/E/UKe 813]; W. v. W. 2004 S.C. 63 IH (1 Div) [INCADAT cite: HC/E/UKs 805]; White v. Northumberland [2006] NZFLR 1105, [INCADAT cite: HC/E/NZ 902].

Australie

H.Z. v. State Central Authority [2006] Fam CA 466, INCADAT cite: HC/E/AU 876

Un enfant de huit ans a présenté des objections qui allaient au-delà d’une simple expression de sa préférence ou de souhaits ordinaires. Néanmoins, compte tenu de son âge et de son degré de maturité, il ne serait pas approprié de prendre son point de vue en considération.

Director-General, Department of Families, Youth and Community Care v. Thorpe (1997) FLC 92-785 INCADAT cite: HC/E/AU 212]

Reconnaissance du bien-fondé des objections d’un enfant de neuf ans.

Allemagne

4 UF 223/98, Oberlandesgericht Düsseldorf, [INCADAT cite: HC/E/DE 820]

Aucun âge limite fixé. Il a été jugé que l’enfant de huit ans manquait de maturité.

93 F 178/98 HK, Familengericht Flensburg (Family Court), 18 septembre 1998, [INCADAT cite: HC/E/DE 325]

Recueil des objections d’un enfant de six ans, mais elles n’ont pas été retenues.

Irlande

In the Matter of M. N. (A Child) [2008] IEHC 382, [INCADAT cite: HC/E/IE 992

Examen détaillé de l’âge à partir duquel il convient d’entendre l’enfant conformément à l’article 11(2) du Règlement Bruxelles II bis (Règlement du Conseil (CE) No 2201/2003 du 27 novembre 2003). Ordre de prendre en considération le point de vue d’un enfant de six ans.

Nouvelle-Zélande

U. v. D. [2002] NZFLR 529, INCADAT cite: HC/E/NZ 472

Recueil des objections d’un enfant de sept ans, mais elles n’ont pas été retenues.

Suisse

5P.1/2005 /bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile), [INCADAT cite: HC/E/CH 795

Pas d’âge minimum. Audition d’enfants âgés de neuf ans et demi et dix ans et demi, mais leurs objections n’ont pas été retenues.

5P.3/2007 /bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung, [INCADAT cite: HC/E/CH 894

L’on considèrera qu’un enfant dispose de la maturité suffisante s’il est en mesure de comprendre la nature de la procédure de retour. Il n’a pas été possible de donner des directives générales quant à l’âge minimum à partir duquel un enfant serait capable de comprendre une question si abstraite. Le tribunal a toutefois constaté que les recherches dans le domaine de la psychologie enfantine avaient tendance à indiquer qu’un enfant ne serait capable d’avoir un tel raisonnement qu’à partir de 11 ou 12 ans. La Cour d’appel était donc en droit de ne pas recueillir les avis d’enfants âgés de neuf et sept ans.

Royaume-Uni - Angleterre & Pays de Galle

Re W (Minors) [2010] EWCA 520 Civ, [INCADAT cite: HC/E/UKs 1324

Prise en compte des objections de deux enfants de huit et presque six ans.

Le tribunal a admis que les objections d’un enfant de six ans tombant sous le coup de l’exception ne correspondaient pas à ce que les rédacteurs avaient envisagé. Cependant, Wilson L.J. a conclu « [… qu’]au cours des 30 dernières années, la nécessité de prendre des décisions à l’égard d’enfants de plus en plus jeunes qui ne correspondent pas nécessairement à leurs souhaits, mais dans tous les cas, à la lumière de ces souhaits, s’était imposée » [traduction du Bureau Permanent].

Royaume-Uni - Écosse

N.J.C. v. N.P.C. [2008] CSIH 34, 2008 S.C. 571, [INCADAT cite: HC/E/UKs 996

Pas d’audition d’un enfant de neuf ans et demi ; pas de prise en compte des objections de ses frères et sœurs de 11 et 15 ans.

W. v. W. 2004 S.C. 63 IH (1 Div) [INCADAT cite: HC/E/UKs 805]

Il a été jugé qu’une enfant de neuf ans n’était pas suffisamment mature pour que l’on prenne en compte son avis – décision du juge de première instance annulée.

États-Unis d’Amérique

Blondin v. Dubois, 238 F.3d 153 (2d Cir. 2001) INCADAT cite: HC/E/USf 585]

Pas d’âge minimum à partir duquel il convient de prendre en considération les objections d’un enfant. Prise en compte des objections d’un enfant de huit ans, dans le contexte de l’examen de l’exception de l’article 13(1)(b).

Escobar v. Flores 183 Cal. App. 4th 737 (2010), [INCADAT cite: HC/E/USs 1026]

Pas d’âge minimum à partir duquel il convient de prendre en considération les objections d’un enfant. Prise en compte des objections d’un enfant de huit ans.