HC/E/NZ 583
Nouvelle-Zélande
Court of Appeal (Nouvelle-Zélande)
Deuxième Instance
Australie
Nouvelle-Zélande
13 December 2003
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Résidence habituelle - art. 3
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Par une majorité de 2 contre 1, la Court of Appeal estima que le juge d'appel avait mal interprété la notion de résidence habituelle. La cour rappela que la résidence habituelle est une notion factuelle et que tous les principes y relatifs ne pouvaient être appliqués de manière rigide. La majorité considéra que le juge avait mal apprécié la nature spécifique de l'accord de garde alternée que les parents avaient conclu. Dans une telle hypothèse, il fallait admettre que les enfants avaient des résidences habituelles en série. La question de savoir s'ils avaient acquis une résidence habituelle nouvelle en Nouve-Zélande dépendait bien entendu du temps qu'ils y avaient passé: était-il suffisant pour que leur séjour y devienne habituel ? A cet égard, le fait que les enfants étaient allés en Nouvelle-Zélande avec leur mère, laquelle avait eu leur garde physique pendant quelques temps avant leur déménagement avait son importance, ainsi que l'existence de membres de leur famille dans ce pays. En outre, il importait que les faits (y inclus les termes de l'accord) soient examinés afin de vérifier si la résidence habituelle en Australie avait été perdue dès le déménagement en Nouvelle-Zélande ou si les enfants avaient conservé leur résidence habituelle en Australie pendant quelques temps. Si la résidence habituelle en Australie avait été immédiatement perdue, alors peu importait que les enfants aient ou non acquis une nouvelle résidence en Nouvelle-Zélande. Si les enfants n'avaient plus de résidence habituelle en Australie, alors la demande de retour devait être rejetée. L'affaire fut donc renvoyée au juge aux affaires familiales afin qu'il se prononce sur ce point.
Les juridictions des États contractants ont adopté des positions différentes quant à la question de savoir si la notion de « non-retour anticipé » peut être utilisée. Il s'agirait alors de considérer qu'un séjour à l'étranger qui initialement est licite, devienne illicite avant la date prévue pour le retour dans l'État de résidence habituelle.
Cette idée a été implicitement acceptée dans les décisions suivantes :
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re S. (Minors) (Child Abduction: Wrongful Retention) [1994] Fam 70 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 117] ;
Nouvelle-Zélande
P. v. The Secretary for Justice [2003] NZLR 54, [2003] NZFLR 673, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 575] (renversée en appel, voir ci-dessous).
La majorité des juridictions ont cependant refusé de trancher un « non-retour anticipé » avant la date fixée pour le retour :
Chine (Région administrative spéciale de Hong-Kong)
B.L.W. v. B.W.L. [2007] 2 HKLRD 193, [Référence INCADAT : HC/E/HK 975];
France
Cass Civ 1ère 19/03/2002 (Arrêt n° 516 FS-P, pourvoi n° 00-17692), [Réréference INCADAT : HC/E/FR 512] ;
Nouvelle-Zélande
P. v. Secretary for Justice [2004] 2 NZLR 28, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 583] ;
Royaume-Uni - Écosse
Watson v. Jamieson 1998 SLT 180 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 75] ;
États-Unis d'Amérique
Toren v. Toren, 191 F.3d 23 (1st Cir 1999) [Référence INCADAT : HC/E/USf 584].
L'interprétation de la notion centrale de résidence habituelle (préambule, art. 3 et 4) s'est révélée particulièrement problématique ces dernières années, des divergences apparaissant dans divers États contractants. Une approche uniforme fait défaut quant à la question de savoir ce qui doit être au cœur de l'analyse : l'enfant seul, l'enfant ainsi que l'intention des personnes disposant de sa garde, ou simplement l'intention de ces personnes. En conséquence notamment de cette différence d'approche, la notion de résidence peut apparaître comme un élément de rattachement très flexible dans certains États contractants ou un facteur de rattachement plus rigide et représentatif d'une résidence à long terme dans d'autres.
L'analyse du concept de résidence habituelle est par ailleurs compliquée par le fait que les décisions concernent des situations factuelles très diverses. La question de la résidence habituelle peut se poser à l'occasion d'un déménagement permanent à l'étranger, d'un déménagement consistant en un test d'une durée illimitée ou potentiellement illimitée ou simplement d'un séjour à l'étranger de durée déterminée.
Tendances générales:
La jurisprudence des cours d'appel fédérales américaines illustre la grande variété d'interprétations données au concept de résidence habituelle.
Approche centrée sur l'enfant
La cour d'appel fédérale des États-Unis d'Amérique du 6e ressort s'est prononcée fermement en faveur d'une approche centrée sur l'enfant seul :
Friedrich v. Friedrich, 983 F.2d 1396, 125 ALR Fed. 703 (6th Cir. 1993) (6th Cir. 1993) [Référence INCADAT : HC/E/USf 142]
Robert v. Tesson, 507 F.3d 981 (6th Cir. 2007) [Référence INCADAT : HC/E/US 935]
Voir aussi :
Villalta v. Massie, No. 4:99cv312-RH (N.D. Fla. Oct. 27, 1999) [Référence INCADAT : HC/E/USf 221].
Approche combinée des liens de l'enfant et de l'intention parentale
Les cours d'appel fédérales des États-Unis d'Amérique des 3e et 8e ressorts ont privilégié une méthode où les liens de l'enfant avec le pays ont été lus à la lumière de l'intention parentale conjointe.
Le jugement de référence est le suivant : Feder v. Evans-Feder, 63 F.3d 217 (3d Cir. 1995) [Référence INCADAT : HC/E/USf 83].
Voir aussi :
Silverman v. Silverman, 338 F.3d 886 (8th Cir. 2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 530] ;
Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006) [Référence INCADAT : HC/E/USf 879].
Dans cette dernière espèce, une distinction a été pratiquée entre la situation d'enfants très jeunes (où une importance plus grande est attachée à l'intention des parents - voir par exemple : Baxter v. Baxter, 423 F.3d 363 (3rd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 808]) et celle d'enfants plus âgés pour lesquels l'intention parentale joue un rôle plus limité.
Approche centrée sur l'intention parentale
Aux États-Unis d'Amérique, la Cour d'appel fédérale du 9e ressort a rendu une décision dans l'affaire Mozes v. Mozes, 239 F.3d 1067 (9th Cir. 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 301], qui s'est révélée très influente en exigeant la présence d'une intention ferme d'abandonner une résidence préexistante pour qu'un enfant puisse acquérir une nouvelle résidence habituelle.
Cette interprétation a été reprise et précisée par d'autres décisions rendues en appel par des juridictions fédérales de sorte qu'en l'absence d'intention commune des parents en cas de départ pour l'étranger, la résidence habituelle a été maintenue dans le pays d'origine, alors même que l'enfant a passé une période longue à l'étranger. Voir par exemple :
Holder v. Holder, 392 F.3d 1009 (9th Cir 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 777] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour prévu de 4 ans en Allemagne ;
Ruiz v. Tenorio, 392 F.3d 1247 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 780] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 32 mois au Mexique ;
Tsarbopoulos v. Tsarbopoulos, 176 F. Supp.2d 1045 (E.D. Wash. 2001) [INCADAT : HC/E/USf 482] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 27 mois en Grèce.
La décision rendue dans l'affaire Mozes a également été approuvée par les cours fédérales d'appel du 2e et du 7e ressort :
Gitter v. Gitter, 396 F.3d 124 (2nd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 776] ;
Koch v. Koch, 450 F.3d 703 (2006 7th Cir.) [Référence INCADAT : HC/E/USf 878] ;
Il convient de noter que dans l'affaire Mozes, la Cour a reconnu que si suffisamment de temps s'est écoulé et que l'enfant a vécu une expérience positive, la vie de l'enfant peut être si fermement attachée à son nouveau milieu qu'une nouvelle résidence habituelle doit pouvoir y être acquise nonobstant l'intention parentale contraire.
Autres États contractants
Dans d'autres États contractants, la position a évolué :
Autriche
La Cour suprême d'Autriche a décidé qu'une résidence de plus de six mois dans un État sera généralement caractérisée de résidence habituelle, quand bien même elle aurait lieu contre la volonté du gardien de l'enfant (puisqu'il s'agit d'une détermination factuelle du centre de vie).
8Ob121/03g, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT: HC/E/AT 548].
Canada
Au Québec, au contraire, l'approche est centrée sur l'enfant :
Dans Droit de la famille 3713, No 500-09-010031-003 [Référence INCADAT : HC/E/CA 651], la Cour d'appel de Montréal a décidé que la résidence habituelle d'un enfant est simplement une question de fait qui doit s'apprécier à la lumière de toutes les circonstances particulières de l'espèce en fonction de la réalité vécue par l'enfant en question, et non celle de ses parents. Le séjour doit être d'une durée non négligeable (nécessaire au développement de liens par l'enfant et à son intégration dans son nouveau milieu) et continue, aussi l'enfant doit-il avoir un lien réel et actif avec sa résidence; cependant, aucune durée minimale ne peut être formulée.
Allemagne
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort également de la jurisprudence allemande :
2 UF 115/02, Oberlandesgericht Karlsruhe [Référence INCADAT: HC/E/DE 944].
La Cour constitutionnelle fédérale a ainsi admis qu'une résidence habituelle puisse être acquise bien que l'enfant ait été illicitement déplacé dans le nouvel État de résidence :
Bundesverfassungsgericht, 2 BvR 1206/98, 29. Oktober 1998 [Référence INCADAT: HC/E/DE 233].
La Cour constitutionnelle a confirmé l'analyse de la Cour régionale d'appel selon laquelle les enfants avaient acquis leur résidence habituelle en France malgré la nature de leur déplacement là-bas. La Cour a en effet considéré que la résidence habituelle était un concept factuel, et les enfants s'étaient intégrés dans leur milieu local pendant les neuf mois qu'ils y avaient vécu.
Israël
Des approches alternatives ont été adoptées lors de la détermination de la résidence habituelle. Il est arrivé qu'un poids important ait été accordé à l'intention parentale. Voir :
Family Appeal 1026/05 Ploni v. Almonit [Référence INCADAT: HC/E/Il 865] ;
Family Application 042721/06 G.K. v Y.K. [Référence INCADAT: HC/E/Il 939].
Cependant, il a parfois été fait référence à une approche plus centrée sur l'enfant. Voir :
décision de la Cour suprême dans C.A. 7206/03, Gabai v. Gabai, P.D. 51(2)241 ;
FamA 130/08 H v H [Référence INCADAT: HC/E/IL 922].
Nouvelle-Zélande
Contrairement à l'approche privilégiée dans l'affaire Mozes, la cour d'appel de la Nouvelle-Zélande a expressément rejeté l'idée que pour acquérir une nouvelle résidence habituelle, il convient d'avoir l'intention ferme de renoncer à la résidence habituelle précédente. Voir :
S.K. v. K.P. [2005] 3 NZLR 590 [Référence INCADAT: HC/E/NZ 816].
Suisse
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort de la jurisprudence suisse :
5P.367/2005/ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) [Référence INCADAT: HC/E/CH 841].
Royaume-Uni
L'approche standard est de considérer conjointement la ferme intention des personnes ayant la charge de l'enfant et la réalité vécue par l'enfant.
Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562, [1990] 2 All ER 961, [1990] 2 FLR 450, sub nom C. v. S. (A Minor) (Abduction) [Référence INCADAT: HC/E/UKe 2].
Pour un commentaire doctrinal des différentes approches du concept de résidence habituelle dans les pays de common law. Voir :
R. Schuz, « Habitual Residence of Children under the Hague Child Abduction Convention: Theory and Practice », Child and Family Law Quarterly, Vol. 13, No1, 2001, p.1 ;
R. Schuz, « Policy Considerations in Determining Habitual Residence of a Child and the Relevance of Context » Journal of Transnational Law and Policy, Vol. 11, 2001, p. 101.
La jurisprudence rendue sur le fondement de la Convention recèle un certain nombre d'exemples d'affaires dans lesquelles les parties ou les juges avaient tenté d'éviter de futurs litiges quant à la compétence en désignant le for de l'État contractant saisi de l'affaire comme compétent à l'avenir. Dans de telles affaires, il était généralement admis que l'enfant pourrait, dans le cadre d'un accord de garde alternée, aller vivre dans un autre État pendant une période longue avant de retourner dans l'État désigné comme État de résidence.
L'expérience montre que de nombreux litiges ont porté sur la question de savoir où un enfant ayant passé une longue période hors de l'État désigné comme État de résidence avait sa résidence habituelle.
Dans les cas où l'enfant n'était pas rentré comme prévu dans l'État désigné comme État de résidence habituelle à la suite d'un long séjour à l'étranger, les juges ont généralement débouté les plaideurs de leur demande tendant à faire prévaloir la clause d'élection de for à l'étranger fixant la résidence. Voir :
Suède
A.F.J. v. T.J., Supreme Administrative Court (Regeringsrätten) RÅ 1996 ref 52, 9 May 1996, [Référence INCADAT : HC/E/SE 80];
Canada
Wilson v. Huntley (2005) A.C.W.S.J. 7084; 138 A.C.W.S. (3d) 1107 [Référence INCADAT : HC/E/CA 800].
Toutefois, dans une affaire où l'enfant avait été renvoyé de son plein gré dans l'État désigné comme État de résidence habituelle, la compétence des juridictions de cet État a été reconnue ou maintenue en dépit d'une demande ultérieure de retour. Voir :
Israël
Family case 107064/99 K.L v. N.D.S., [Référence INCADAT : HC/E/IL 835].
Voir par exemple l'affaire suivante dans laquelle les parents avaient tenté de s'accorder sur une clause d'élection de for qui aurait été indépendante de l'évolution de la résidence habituelle des enfants:
Nouvelle-Zélande
Winters v. Cowen [2002] NZFLR 927 [Référence INCADAT : HC/E/NZ 473].
L'interprétation donnée par le Regeringsratten (Suède) dans l'affaire A.F.J. c. T.J., selon laquelle la résidence habituelle d'un enfant est susceptible de changer indépendamment d'une clause d'élection de for en cas d'accord de garde alternée reflète celle adoptée par :
La Cour suprême d'Écosse (Court of Session) dans Watson v. Jamieson 1998 SLT 180 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 75], et
La cour d'appel de la Nouvelle-Zélande dans Punter v. Secretary for Justice [2004] 2 NZLR 28 [Référence INCADAT : HC/E/NZ 583];
La cour supérieure de justice de l'Ontario dans Wilson v. Huntley (2005) A.C.W.S.J. 7084; 138 A.C.W.S. (3d) 1107 [Référence INCADAT : HC/E/CA 800].
Il convient également de se référer au Rapport de la troisième réunion de la Commission spéciale sur le fonctionnement de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant (17 - 21 mars 1997), para 16 :
« Les accords de garde alternée (ou «accords-navette») peuvent donner naissance à des problèmes de détermination de la résidence habituelle de l'enfant. La question est de savoir si de tels accords peuvent fixer la résidence abituelle de l'enfant de telle sorte que cette solution s'imposerait aux juridictions requises d'ordonner le retour. Parmi d'autres possibilités de clauses conduisant à une élection de for, un exemple serait celui d'une clause qui stipulerait que le non-retour de l'enfant à une date convenue serait constitutif d'un non-retour illicite au sens de la Convention. Quoi qu'il en soit, de telles clauses attributives de juridictions ne sauraient être reconnues dans le cadre de la Convention et les parties à un tel accord ne devraient pas se voir reconnaître le pouvoir de créer une résidence habituelle de l'enfant distincte de la résidence objective de l'enfant. En effet, d'une part, la notion de «résidence habituelle» utilisée par la Convention est purement factuelle et d'autre part la Convention prévoit des solutions très spécifiques applicables dans des hypothèses d'urgence qui ne sont pas supposées résoudre des désaccords parentaux sur le fond du droit de garde. »
Voir les commentaires de :
P. Beaumont et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, ,1999, p. 99-101 ;
J. Schiratzki, « Friends at Odds - Construing Habitual Residence for Children in Sweden and the United States », International Journal of Law, Policy and the Family 2001, p.297 - 326 ;
R. Schuz, « Habitual Residence of Children under the Hague Child Abduction Convention: Theory and Practice », Child and Family Law Quarterly, 2001.