AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Bundesgerichtshof, XII. Zivilsenat (Federal Supreme Court, 12th Civil Chamber) Decision of 16 August 2000 - XII ZB 210/99

Référence INCADAT

HC/E/DE 467

Juridiction

Pays

Allemagne

Nom

Bundesgerichtshof, XII. Zivilsenat (Cour suprême fédérale, 12ème chamber civile) (Allemagne)

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

Canada

État requis

Allemagne

Décision

Date

16 August 2000

Statut

Définitif

Motifs

Interprétation de la Convention

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

2 7 16

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

16

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye
Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye
Interprétation de la Convention
Rapport Pérez-Vera

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR | ES

Faits

Les parents et leurs deux enfants, tous de nationalité allemande, avaient vécu au Canada depuis septembre 1995. En décembre 1997, la mère emmena les enfants en Allemagne sans le consentement du père.

En avril 1998, le père entama en Allemagne une instance judiciaire en vue du retour des enfants. Le 9 octobre 1998, devant le cour d'appel, les parents conclurent un accord aux termes duquel la mère acceptait de rentrer au Canada avec les enfants avant le 30 octobre 1998.

La cour d'appel décida également qu'en cas de non respect de cet accord, les enfants devraient être remis au demandeur ou à un tiers mandate par lui afin qu'ils les ramènent au Canada. La décision fut déclarée immédiatement exécutoire.

Le 23 octobre 1998, la mère saisit les juges allemands d'une demande de divorce. Elle demanda la garde exclusive des enfants.

La mère n'exécuta pas son obligation de ramener les enfants au Canada. Le père en demanda l'exécution forcée. La mère disparut avec les enfants afin de ne pas les remettre à la date finalement fixée du 11 décembre 1998. Le père décida d'entamer une instance pénale contre elle pour enlèvement de mineur.

Le 16 février 1999, durant l'enquête criminelle, le père fut informé de ce que la mère avait finalement accepté de ramener volontairement les enfants au Canada. Par lettre en date du 30 mars 1999, elle annonça qu'elle rentrerait avec les enfants vers mai ou juin.

Le 21 juin 1999, le père demandant de nouveau l'exécution du retour dans la mesure où il n'y avait plus aucun signe de retour volontaire. L'exécution, prévue pour le 30 septembre 1999 n'eut pas lieu en raison d'un problème de santé de l'huissier chargé de l'exécution.

Le juge aux affaires familiales saisi de l'instance de divorce et de garde rejeta la demande de garde au motif que l'article 16 interdit qu'une décision soit prononcée sur le fond. L'appel formé par la mère contre cette décision fut rejeté. Elle forma alors un recours devant la cour suprême fédérale (BGH).

Dispositif

Recours rejeté et refus de rendre une décision de garde au fond confirmé. La cour estima que l'article 16 interdit qu'une décision au fond sur la garde soit prononcée alors qu'une décision ordonnant le retour n'a pas été exécutée.

Motifs

Interprétation de la Convention

Après avoir examiné la jurisprudence de différents Etats en matière d’enlèvement d’enfants dans le cadre de la Convention de 1980 ainsi que la législation et la doctrine internes de ces Etats, et le rapport Pérez-Vera, la cour estima que les juges de l’Etat dans lequel l’enfant a été emmené ne peuvent se prononcer au fond sur la question de la garde que si l’enfant a fait l’objet d’une décision refusant le retour ou si aucune demande de retour n’a été introduite dans un délai raisonnable suivant l’enlèvement ou le non-retour illicites. La cour rejeta l’argument que l’article 16 ne concerne que les affaires dans lesquelles l’instance de retour est toujours pendante ou peut encore utilement être introduite. Les termes et l’objet de la Convention manifestent l’idée que la situation de garde physique existant avant le déplacement doit être rétablie aussi vite que possible, afin de permettre aux juridictions de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant de rendre une décision sur la garde. Ainsi, une décision de retour devenue définitive mais qui n’a pas fait l’objet d’une exécution doit être couverte par l’article 13. Ainsi il est interdit aux juridictions de l’Etat dans lequel une décision de retour a été rendue de prendre une décision relative aux questions de garde, au moins tant que le demandeur continue activement d’essayer d’obtenir l’exécution de la décision de retour et que le retard dans l’exécution s’explique par l’attitude des organes chargés de l’exécution ou du parent rapteur. La cour se demanda par ailleurs s’il est envisageable de rendre une décision au fond sur la garde dans l’hypothèse où le refus d’exécuter une décision ordonnant le retour est patent et définitif. Dans une telle hypothèse, les objectifs de la Convention (rétablissement du statu quo ante dans le cadre d’une procédure accélérée) sont totalement remis en cause. La même question se pose dans le cas où le demandeur qui a obtenu une décision ordonnant le retour mais, contrairement à la loi locale en matière d’exécution, ne prend pas les mesures nécessaires au retour dans un délai acceptable. La cour rejeta une telle interprétation au motif que les Etats membres sont soumis à l’obligation (résultant d’une lecture conjuguée des articles 2 et 7) de prendre les mesures nécessaires au regard des objectifs de la Convention. Dès lors, l’article 16 doit faire l’objet d’une interprétation large selon laquelle il est non seulement interdit à la juridiction concernée de rendre une décision au fond sur la garde mais aussi imposé à cette même juridiction de suspendre toute instance de garde encore pendante. Enfin, la cour suprême fédérale suggéra que le juge saisi de la demande de garde devrait même être obligé d’informer la partie qui n’aurait pas encore introduit une demande de retour de ses droits en application de la Convention de La Haye de 1980.

Commentaire INCADAT

Les autres documents utilisés par la cour dans le cadre de cette affaire sont les suivants:

Article 31 de la Convention de Vienne du 23 Mai 1969 sur le droit des traités;

Article 15 de la loi néerlandaise mettant en vigueur la Convention enlèvement et la convention européenne sur la garde;

Article 16 de la Convention inter-américaine de Montevideo sur le retour international d'enfants du 15 juillet 1989;

Le principe 6.11 (4) des règles de droit anglais de la famille de 1991, SI 1991 No. 1247.

Les decisions antérieures rendues dans cette affaire sont les suivantes:

En première instance: Amtsgericht Nürtingen (décision du tribunal cantonal, inédite);

Cour d'appel: Oberlandesgericht Stuttgart (FamRZ 2000, 374).

Dans la décision anglaise R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [1995] 3 WLR 425 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 171], the High Court estima que lorsqu'une juridiction est saisie d'une instance relative à un enlèvement d'enfant, il est du devoir de la cour de prendre des mesures garantissant l'information du parent vivant dans l'Etat en question sur ses droits en application de la Convention. De telles mesures doivent être prises sauf en cas d'acquiescement avéré de la part du parent concerné (au sens d'acceptation positive de la situation).

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye (art. 16)

Le but de la Convention étant d'assurer le retour immédiat d'enfants enlevés dans leur État de résidence habituelle pour permettre l'ouverture d'une procédure au fond, il est essentiel qu'une procédure d'attribution de la garde ne soit pas commencée dans l'État de refuge. À cette fin, l'article 16 dispose que :

« Après avoir été informées du déplacement illicite d'un enfant ou de son non-retour dans le cadre de l'article 3, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions de la présente Convention pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies, ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite. »

Les États contractants qui sont également parties à la Convention de La Haye de 1996 bénéficient d'une plus grande protection en vertu de l'article 7 de cet instrument.

Les États contractants membres de l'Union européenne auxquels s'applique le règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (règlement Bruxelles II bis) bénéficient d'une protection supplémentaire en vertu de l'article 10 de cet instrument.

L'importance de l'article 16 a été notée par la Cour européenne des droits de l'Homme :

Iosub Caras v. Romania, Requête n° 7198/04, (2008) 47 E.H.R.R. 35, [Référence INCADAT : HC/E/ 867]
 
Carlson v. Switzerland, Requête n° 49492/06, 8 novembre 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 999

Dans quelles circonstances l'article 16 doit-il être appliqué ?

La Haute Cour (High Court) d'Angleterre et du Pays de Galles a estimé qu'il revient aux tribunaux et aux avocats de prendre l'initiative lorsque des éléments indiquent qu'un déplacement ou non-retour illicite a eu lieu.

R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].
 
Lorsqu'un tribunal prend connaissance, expressément ou par présomption, d'un déplacement ou non-retour illicite, il est informé de ce déplacement ou non-retour illicite au sens de l'article 16. Il incombe en outre au tribunal d'envisager les mesures à prendre pour s'assurer que le parent se trouvant dans cet État est informé de ses droits dans le cadre de la Convention.

Re H. (Abduction: Habitual Residence: Consent) [2000] 2 FLR 294, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 478

Les avocats, même ceux des parents ravisseurs, ont le devoir d'attirer l'attention du tribunal sur la Convention lorsque cela est pertinent.

Portée et durée de la protection conférée par l'article 16 ?

L'article 16 n'empêche pas la prise de mesures provisoires et de protection :

Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, CG c BS, n° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750]. Dans ce cas d'espèce les mesures provisoires devinrent toutefois définitives et le retour ne fut jamais appliqué en raison d'un changement des circonstances.

Une demande de retour doit être déposée dans un laps de temps raisonnable :

France
Cass. Civ. 1ère, 9 juillet 2008 (pourvois n° K 06-22090 et M 06-22091), 9.7.2008, [Référence INCADAT : HC/E/FR 749] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].

Une ordonnance de retour devenue définitive mais n'ayant pas encore été exécutée entre dans le champ de l'article 16 :

Allemagne
Bundesgerichtshof, XII. Décision du Zivilsenat du 16 août 2000 - XII ZB 210/99, BGHZ 145, 97 16 August 2000 [Référence INCADAT : HC/E/DE 467].

L'article 16 ne s'appliquera plus lorsqu'une ordonnance de retour ne peut être exécutée :

Suisse
5P.477/2000/ZBE/bnm, [Référence INCADAT : HC/E/CH 785].

Rapport Pérez-Vera

Résumé INCADAT en cours de préparation.