AFFAIRE

Texte complet non disponible

Nom de l'affaire

CA Poitiers, 6 mai 2009, No de RG 09/00305

Référence INCADAT

HC/E/FR 1134

Juridiction

Pays

France

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

États-Unis d'Amérique

État requis

France

Décision

Date

6 May 2009

Statut

Définitif

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12 | Risque grave - art. 13(1)(b) | Questions procédurales

Décision

Recours accueilli, retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

3 4 5 13(1)(a) 13(1)(b) 13(2)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

13(1)(b)

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Exceptions au retour

Risque grave de danger
Jurisprudence française
Opposition de l’enfant
Représentation autonome de l'enfant - article 13(2)

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR

Faits

L'affaire concernait une enfant née aux États-Unis d'Amérique en 2004. En 2007, une cour américaine accorda la garde de l'enfant au père, la mère disposant d'un droit de visite qu'elle exerça aux États-Unis à Noël 2007 et en France à l'été 2008.

A l'issue de l'exercice de ce droit de visite d'un mois, la mère ne ramena pas l'enfant aux États-Unis. Le 26 janvier 2009, le juge aux affaires familiales de Poitiers refusa d'ordonner le retour de l'enfant sur le fondement de l'article 13(1)(b). Le Ministère public forma appel de cette décision.

Dispositif

Recours accueilli, retour ordonné. Le non-retour était illicite et l'exception invoquée inapplicable.

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12

Pour contester l'applicabilité de la Convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement d'enfants, la mère faisait valoir que la décision américaine ayant statué sur la garde était insusceptible d'exequatur. Elle ajoutait qu'elle n'avait pas accepté la compétence de la Cour américaine.

La Cour d'appel rejeta cet argument au motif que d'une part la possibilité d'obtenir l'exequatur d'une décision de garde rendue dans l'État de la résidence habituelle de l'enfant n'est pas exigée par la Convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement d'enfants et que d'autre part la Cour américaine était bien compétente en l'espèce, et cela indépendamment de toute acceptation de la part de la mère, en tant que cour dans le ressort duquel les parents et l'enfant résidaient au moment où le tribunal statuait.

Risque grave - art. 13(1)(b)

Le Ministère public et le père faisaient grief au jugement déféré d'avoir considéré que l'intérêt supérieur de l'enfant était d'avoir une relation suivie avec sa mère. Ils faisaient également grief au jugement déféré d'avoir considéré que le fait que cette relation ne serait pas possible dans le cas où la mère ne pourrait séjourner sur le territoire américain aurait pour effet de placer l'enfant dans une situation intolérable.

La Cour indiqua que les indispensables relations de l'enfant avec ses deux parents séparés se réalisaient par le droit de visite accordé au parent avec lequel l'enfant ne résidait pas. Or en l'espèce, la mère avait un droit de visite (le jugement de divorce ayant d'ailleurs homologué un accord préparé par la mère et accepté par le père) et le père n'avait pas fait obstacle à son exercice. La Cour en déduisit qu'il ne pouvait être soutenu que les droits de la mère étaient méconnus au regard des dispositions de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant.

Questions procédurales

Frais :
La Cour décida que la mère supporterait les dépens de l'instance mais débouta le père de sa demande en paiement d'une somme en vertu de l'article 26 alinéa dernier puisqu'il n'apportait aucun justificatif sur les frais engagés.

Auteur du résumé : Aude Fiorini

Commentaire INCADAT

La Cour avait à titre liminaire rejeté une demande de jonction de la présente procédure avec une procédure visant à remettre en cause une décision rendue postérieurement à la décision de première instance de non-retour et fixant la résidence habituelle de l'enfant en France chez sa mère. Le refus était justifié par le fait que les deux procédures n'avaient pas le même objet et les mêmes parties ainsi que par le jeu de l'article 16 de la Convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement d'enfants.

La Cour statua toutefois le même jour sur cette deuxième procédure (N° de RG 08/03164) et, prenant acte de la présente décision ordonnant le retour de l'enfant aux États-Unis d'Amérique, annula le jugement qui avait accordé la garde de l'enfant à la mère en France.

Jurisprudence française

Le traitement de l'article 13(1) b) a évolué. L'interprétation permissive initialement privilégiée par les cours a fait place à une interprétation plus stricte.

Les jugements de la plus haute juridiction française, la Cour de cassation, rendus du milieu à la fin des années 1990 contrastent avec la position des juridictions d'appel et des arrêts de cassation plus récents. Voir :

Cass. Civ. 1ère 12 juillet 1994, Rev. Crit. 84 (1995), p. 96 note H. Muir Watt ; JCP 1996 IV 64 note Bosse-Platière, Defrénois 1995, art. 36024, note J. Massip [Référence INCADAT : HC/E/FR 103] ;

Cass. Civ. 1ère 21 novembre 1995 (Pourvoi N° 93-20140), [Référence INCADAT : HC/E/FR 514] ;

Cass. Civ. 1ère 22 juin 1999, (N° de pourvoi : 98-17902), [Référence INCADAT : HC/E/FR 498] ;

Et comparer avec:

Cass. Civ. 1ère 25 janvier 2005 (N° de pourvoi : 02-17411), [Référence INCADAT : HC/E/FR 708] ;

Cass. Civ. 1ère 14 juin 2005 (N° de pourvoi : 04-16942), [Référence INCADAT : HC/E/FR 844] ;

Cass. Civ. 1ère 13 juillet 2005 (N° de pourvoi : 05-10519), [Référence INCADAT : HC/E/FR 845] ;

CA. Amiens 4 mars 1998, n°5704759, [Référence INCADAT : HC/E/FR 704] ;

CA. Grenoble 29 mars 2000 M. c. F., [Référence INCADAT : HC/E/FR 274] ;

CA. Paris 7 février 2002 (N° de pourvoi : 2001/21768), [Référence INCADAT : HC/E/FR 849] ;

CA. Paris, 20/09/2002 (N° de pourvoi : 2002/13730), [Référence INCADAT : HC/E/FR 850] ;

CA. Aix en Provence 8 octobre 2002, L c. Ministère Public, Mme B. et Mesdemoiselles L. (N° de rôle 02/14917) [Référence INCADAT : HC/E/FR 509] ;

CA. Paris 27 octobre 2005, 05/15032 [Référence INCADAT : HC/E/FR 814] ;

Cass. Civ. 1ère 14 décembre 2005 (N° de pourvoi : 05-12934) [Référence INCADAT : HC/E/FR @889@] ;

Cass. Civ. 1ère 14 November 2006 (N° de pourvoi : 05-15692) [Référence INCADAT : HC/E/FR @890@].

Pour des exemples récents où le retour a été refusé sur le fondement de l'article 13(1) b) :

Cass. Civ. 1ère 12 Décembre 2006 (N° de pourvoi : 05-22119) [Référence INCADAT : HC/E/FR @891@] ;

Cass. Civ. 1ère 17 Octobre 2007 [Référence INCADAT : HC/E/FR @946@]. 

L'interprétation donnée à l'article 13(1) b) par la Cour d'appel de Rouen en 2006, quoique simplement obiter, rappelle l'interprétation permissive qui était constante au début des années 1990. Voir :

CA. Rouen, 9 Mars 2006, N°05/04340 [Référence INCADAT : HC/E/FR @897@].

Représentation autonome de l'enfant - article 13(2)

Représentation autonome de l'enfant - ARTICLE 13(2)

On constate une absence d'uniformité dans les États de langue anglaise quant à la question de la représentation autonome des enfants à la procédure. 

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Dans des décisions anciennes rendues par la Cour d'appel on considérait qu'étant donné le caractère sommaire de la procédure relative à la Convention, une représentation séparée des enfants en cause ne devait être admise que dans des cas exceptionnels.

Re M. (A Minor) (Child Abduction) [1994] 1 FLR 390, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 56] ;

Position reprise dans :

Re H. (A Child: Child Abduction) [2006] EWCA Civ 1247, [2007] 1 FLR 242 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 881] ;

Re F. (Abduction: Joinder of Child as Party) [2007] EWCA Civ 393, [2007] 2 FLR 313 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 905].

Le critère des circonstances exceptionnelles fut admis dans les affaires suivantes :

Re M. (A Minor) (Abduction: Child's Objections) [1994] 2 FLR 126, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 57] ;

Re S. (Abduction: Children: Separate Representation) [1997] 1 FLR 486, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 180] ;

Re H.B. (Abduction: Children's Objections) (No. 2) [1998] 1 FLR 564, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 168] ;

Re J. (Abduction: Child's Objections to Return) [2004] EWCA CIV 428, [2004] 2 FLR 64 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 579] ;

Vigreux v. Michel [2006] EWCA Civ 630, [2006] 2 FLR 1180 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 829] ;

Nyachowe v. Fielder [2007] EWCA Civ 1129, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 964].

Dans Re H. (A Child) [2006] EWCA Civ 1247, [2007] 1 FLR 242,  [Référence INCADAT : HC/E/UKe 881]; le juge Thorpe L.J. estima que les exigences avaient été rendues plus strictes par le Règlement de Bruxelles II bis, dans la mesure où elles concernaient les demandes relatives au statut des parties.

Cette position fut rejetée par le juge Hale :

Sans toutefois remettre en cause le critère des circonstances exceptionnelles, le juge Hale de la Chambre des Lords signala dans l'affaire Re D. (A Child) (Abduction: Foreign Custody Rights) [2006] UKHL 51, [2007] 1 A.C. 619 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 880] la nécessité de revoir la manière dont la position des enfants en cause est recherchée, à la lumière des exigences du nouveau régime communautaire de l'enlèvement d'enfants. En particulier elle souligna l'importance de rechercher si l'enfant s'oppose à son retour dès le début de la procédure afin d'éviter des retards.

Dans Re F. (Abduction: Joinder of Child as Party) [2007] EWCA Civ 393, [2007] 2 FLR 313, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 905] le juge Thorpe L.J. reconnut que le Règlement de Bruxelles II bis ne rendait pas plus strictes les exigences en matière de statut des parties ; il rejeta également l'idée que Re D. assouplissait ces exigences.

Toutefois, dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe @937@] le juge Hale intervint de nouveau dans ce débat pour affirmer qu'un juge de la mise en état devait évaluer si une représentation autonome de l'enfant était de nature à permettre à la cour de gagner tant en compréhension que cela pourrait justifier l'intrusion, le retard et le coût qu'un tel statut entraînerait. Une telle approche semble suggérer un critère plus flexible, cependant elle ajouta également que les enfants ne doivent pas avoir une impression exagérée de l'importance et de la pertinence de leur opinion, précisant qu'en général, ceux-ci ne devraient pas intervenir en tant que parties. 

Australie
La cour suprême d'Australie a tenté de se départir du critère des circonstances exceptionnelles dans l'affaire De L. v. Director General, New South Wales Department of Community Services and Another, (1996) 20 Fam LR 390, [Référence INCADAT : HC/E/AU 93].

Toutefois, l'exigence de circonstances exceptionnelles fut rétablie par le législateur dans le cadre d'une réforme du droit de la famille en 2000. Voir : Family Law Amendment Act 2000, et Family Law Act 1975, s. 68L.

Voir:
State Central Authority & Quang [2009] FamCA 1038, [Référence INCADAT: HC/E/AU 1106].

France
En France, les enfants entendus dans le cadre de l'article 13(2) peuvent être assistés d'un avocat (art 338-5 NCPC et art 388-1 Code Civil - cette dernière disposition précise cependant que l'audition assistée d'un avocat ne leur confère pas le statut de partie à la procédure). Voir :

Cass Civ 1ère 17 Octobre 2007, [Référence INCADAT : HC/E/FR 946];

Cass. Civ 1ère 14/02/2006, [Référence INCADAT : HC/E/FR 853].

En Écosse et en Nouvelle-Zélande, on constate que les tribunaux admettent plus facilement qu'un enfant soit représenté séparément à la procédure. Voir par exemple :

Royaume-Uni - Écosse
C. v. C. [2008] CSOH 42, [Référence INCADAT : HC/E/UKs @962@];

M Petitioner 2005 SLT 2, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 804];

W. v. W. 2003 SLT 1253, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 508];

Nouvelle-Zélande
K.S v. L.S [2003] 3 NZLR 837, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 770];

B. v. C., 24 December 2001, High Court at Christchurch (New Zealand), [Référence INCADAT : HC/E/NZ 532].