AFFAIRE

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Nom de l'affaire

1Ob178/10y, Oberster Gerichtshof

Référence INCADAT

HC/E/AT 1046

Juridiction

Pays

Autriche

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

France

État requis

Autriche

Décision

Date

20 October 2010

Statut

Définitif

Motifs

Questions procédurales

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

-

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

-

Autres dispositions
Articles 10, 11(4), 11(8) et 47 du Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003); Loi autrichienne relative aux procédures non contentieuses (Außerstreitgesetz, AußStrG)
Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Mise en œuvre & difficultés d’application

Questions procédurales
Exécution de l'ordonnance de retour

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR | ES

Faits

L'affaire concernait des jumeaux nés hors mariage de mère franco-autrichienne et de père français. La famille avait vécu en France jusqu'en décembre 2008. Le père était violent à l'égard de la mère mais il n'était pas démontré qu'il l'ait été à l'égard des enfants ni qu'il les ait abusés sexuellement. La mère emmena les enfants en Autriche le 18 décembre.

Le 25 février 2009, le père demanda le retour des enfants. Le 13 octobre 2009, la Cour suprême (Oberster Gerichtshof) ordonna le retour des enfants. Le 18 novembre 2009, le père demanda l'exécution de cette décision. Le 6 décembre 2009, un tribunal de première instance mandata un huissier de retirer le lendemain les enfants à leur mère. Cette tentative échoua.

La mère forma un recours contre la décision du 6 décembre 2009, indiquant qu'elle avait ramené les enfants en France. Comme elle avait de nouveau emmené les enfants en Autriche, elle demandait par ailleurs qu'ils ne soient pas renvoyés en France car cela serait contraire à leur intérêt supérieur. Elle fut déboutée et forma un recours devant la Cour suprême.

Dispositif

Recours irrecevable. La question de l'intérêt de l'enfant ne pouvait être invoquée pour s'opposer à l'exécution que si un changement de circonstance était intervenu entre le prononcé de l'ordonnance de retour et son exécution. Il appartenait au juge saisi d'une demande de modification de se prononcer sur ce point.

Motifs

Questions procédurales


La Cour suprême confirma que c'était à bon droit que la premier juge avait déclaré le recours de la mère irrecevable puisqu'il avait été soulevé après la date prévue pour l'exécution de l'ordonnance de retour (le 7 décembre 2009). Selon la jurisprudence autrichienne constante, l'exécution d'une ordonnance de retour n'aura pas lieu lorsqu'un tel changement de circonstances est intervenu entre le prononcé de l'ordonnance et le début de son exécution que l'exécution emporterait un risque grave de danger physique ou psychologique pour l'enfant.

La Cour souligna l'importance de faire preuve de réserve dans ce domaine afin que la Convention de La Haye ne soit pas vidée de tout effet utile. En l'espèce il n'appartenait pas à la Cour, saisie d'un recours dont le seul objet était la décision de retrait des enfants de la mère rendue le 6 décembre 2009, de se prononcer sur l'existence d'un changement de circonstances justifiant la non exécution.

Selon la mère le danger résidait dans le fait que le retour conduirait d'une part à placer les enfants dans la zone d'influence immédiate du père et d'autre part à les ôter à leur mère et au milieu dans lequel ils étaient bien intégrés, alors qu'elle était sous le coup d'un mandat d'arrêt en France et qu'il résultait d'une expertise psychiatrique de mars 2009 que les enfants souffraient de stress post traumatique du fait du comportement du père.

Selon un autre rapport psychiatrique, de juillet 2010, tout changement de résidence des enfants déclencherait des réactions de panique et de peur. Or la mère avait déposé des demandes de révision de l'ordonnance de retour et des demandes tendant à l'interruption des mesures de mise à exécution à plusieurs reprises après la décision déférée et il convenait que le juge saisi de ces demandes de modification se prononce sur ce point.

Auteure du résumé: Aude Fiorini

Commentaire INCADAT

Voir aussi la décision de la Cour suprême du 13 octobre 2009 ordonnant le retour en France des enfants [Référence INCADAT: HC/E/AT 1045]. L'arrêt de la Cour suprême du 28 août 2013 dans la même affaire est disponible sur ce site: 6Ob134/13v, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT: HC/E/AT 1296].

Exécution de l'ordonnance de retour

Lorsqu'un parent ravisseur ne remet pas volontairement un enfant dont le retour a été judiciairement ordonné, l'exécution implique des mesures coercitives. L'introduction de telles mesures peut donner lieu à des difficultés juridiques et pratiques pour le demandeur. En effet, même lorsque le retour a finalement lieu, des retards considérables peuvent être intervenus avant que les juridictions de l'État de résidence habituelle ne statuent sur l'avenir de l'enfant. Dans certains cas exceptionnels les retards sont tels qu'il n'est plus approprié qu'un retour soit ordonné.


Travail de la Conférence de La Haye

Les Commissions spéciales sur le fonctionnement de la Convention de La Haye ont concentré des efforts considérables sur la question de l'exécution des décisions de retour.

Dans les conclusions de la Quatrième Commission spéciale de mars 2001, il fut noté :

« Méthodes et rapidité d'exécution des procédures

3.9       Les retards dans l'exécution des décisions de retour, ou l'inexécution de celles-ci, dans certains [É]tats contractants soulèvent de sérieuses inquiétudes. La Commission spéciale invite les [É]tats contractants à exécuter les décisions de retour sans délai et effectivement.

3.10       Lorsqu'ils rendent une décision de retour, les tribunaux devraient avoir les moyens d'inclure dans leur décision des dispositions garantissant que la décision aboutisse à un retour effectif et immédiat de l'enfant.

3.11       Les Autorités centrales ou autres autorités compétentes devraient fournir des efforts pour assurer le suivi des décisions de retour et pour déterminer dans chaque cas si l'exécution a eu lieu ou non, ou si elle a été retardée. »

Voir < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Conclusions et Recommandations ».

Afin de préparer la Cinquième Commission spéciale en novembre 2006, le Bureau permanent a élaboré un rapport sur « L'exécution des décisions fondées sur la Convention de La Haye de 1980 - Vers des principes de bonne pratique », Doc. prél. No 7 d'octobre 2006.

(Disponible sur le site de la Conférence à l'adresse suivante : < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Documents préliminaires »).

Cette Commission spéciale souligna l'importance des principes de bonne pratique développés dans le rapport qui serviront à l'élaboration d'un futur Guide de bonnes pratiques sur les questions liées à l'exécution, voir : < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Conclusions et Recommandations » et enfin « Commission Spéciale d'Octobre-Novembre 2006 »


Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH)

Ces dernières années, la CourEDH a accordé une attention particulière à la question de l'exécution des décisions de retour fondées sur la Convention de La Haye. À plusieurs reprises elle estima que des États membres avaient failli à leur obligation positive de  prendre toutes les mesures auxquelles on pouvait raisonnablement s'attendre en vue de l'exécution, les condamnant sur le fondement de l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) sur le respect de la vie familiale. Voir :

Ignaccolo-Zenide v. Romania, 25 January 2000 [Référence INCADAT : HC/E/ 336] ;

Sylvester v. Austria, 24 April 2003 [Référence INCADAT : HC/E/ 502] ;

H.N. v. Poland, 13 September 2005 [Référence INCADAT : HC/E/ 811] ;                       

Karadžic v. Croatia, 15 December 2005 [Référence INCADAT : HC/E/ 819] ;

P.P. v. Poland, Application no. 8677/03, 8 January 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 941].

La Cour tient compte de l'ensemble des circonstances de l'affaire et des mesures prises par les autorités nationales.  Un retard de 8 mois entre l'ordonnance de retour et son exécution a pu être considéré comme ne violant pas le droit du parent demandeur au respect de sa vie familiale dans :

Couderc v. Czech Republic, 31 January 2001, Application n°54429/00, [Référence INCADAT : HC/E/ 859].

La Cour a par ailleurs rejeté les requêtes de parents qui avaient soutenu que les mesures d'exécution prises, y compris les mesures coercitives, violaient le droit au respect de leur vie familiale :

Paradis v. Germany, 15 May 2003, Application n°4783/03, [Référence INCADAT : HC/E/ 860] ;

A.B. v. Poland, Application No. 33878/96, 20 November 2007, [Référence INCADAT : HC/E/ 943] ;

Maumousseau and Washington v. France, Application No 39388/05, 6 December 2007, [Référence INCADAT : HC/E/ 942] ;

L'obligation positive de prendre des mesures face à l'exécution d'une décision concernant le droit de garde d'un enfant a également été reconnue dans une affaire ne relevant pas de la Convention de La Haye :

Bajrami v. Albania, 12 December 2006 [Référence INCADAT: HC/E/ 898].

Ancel v. Turkey, No. 28514/04, 17 February 2009, [Référence INCADAT : HC/E/ 1015].


Commission interaméricaine des Droits de l'Homme

La Commission interaméricaine des Droits de l'Homme a décidé que l'exécution immédiate d'une ordonnance de retour qui avait fait l'objet d'un recours ne violait pas les articles 8, 17, 19 ni 25 de la Convention américaine relative aux Droits de l'Homme (Pacte de San José), voir :

Case 11.676, X et Z v. Argentina, 3 October 2000, Inter-American Commission on Human Rights Report n°71/00 [Référence INCADAT : HC/E/ 772].


Jurisprudence en matière d'exécution

Dans les exemples suivants l'exécution de l'ordonnance de retour s'est heurtée à des difficultés, voir :

Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, C.G. c. B.S., N° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750] ;

Canada
H.D. et N.C. c. H.F.C., Cour d'appel (Montréal), 15 mai 2000, N° 500-09-009601-006 (500-04-021679-007), [Référence INCADAT : HC/E/CA 915] ;

Suisse
427/01/1998, 49/III/97/bufr/mour, Cour d’appel du canton de Berne (Suisse); [Référence INCADAT : HC/E/CH 433] ;

5P.160/2001/min, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 423] ;

5P.454/2000/ZBE/bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 786] ;

5P.115/2006 /bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 840] ;

L'exécution peut également être rendue impossible en raison de la réaction des enfants en cause. Voir :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re B. (Children) (Abduction: New Evidence) [2001] 2 FCR 531; [Référence INCADAT : HC/E/UKe 420]

Lorsqu'un enfant a été caché pendant plusieurs années à l'issue d'une ordonnance de retour, il peut ne plus être dans son intérêt d'être l'objet d'une ordonnance de retour. Voir :

Royaume-Uni - Écosse
Cameron v. Cameron (No. 3) 1997 SCLR 192, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 112] ;

Espagne
Auto Juzgado de Familia Nº 6 de Zaragoza (España), Expediente Nº 1233/95-B [Référence INCADAT : HC/E/ES 899].