HC/E/CH 1075
Suiza
última instancia
Francia
Suiza
27 July 2009
Definitiva
Residencia habitual - art. 3 | Cuestiones de competencia - art. 16 | Cuestiones procesales
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Le père soutenait que la cour cantonale n'aurait pas su considérer que la résidence habituelle de l'enfant était en Suisse. Le Tribunal fédéral rappela qu'il revoit librement la notion de résidence habituelle (question de droit) et son application aux fait, mais qu'il ne pouvait revoir les constatations de fait que si elles étaient manifestement inexactes (par exemple arbitraires).
Il observa que ni la Convention de La Haye ni la loi fédérale suisse de 2009 sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes ne définissaient cette notion qui, selon la jurisprudence, devait être interprétée de façon autonome. L'interprétation dans le cadre de la Convention de 1980 devait être semblable à celle de la Convention de 1961 et accordait une importance déterminante au centre effectif de vie de l'enfant et de ses attaches.
Ce dernier pouvait résulter soit de la durée de fait soit de la durée envisagée de la résidence et de l'intégration attendue, sachant qu'un séjour de 6 mois créait en principe une résidence habituelle. Il ajouta que la résidence habituelle se déterminait d'après les faits perceptibles de l'extérieur, non pas selon la volonté et devait être définie pour chaque personne séparément quoique celle d'un enfant coïncidait généralement avec le centre de vie de l'un au moins des parents.
Il souligna que les interruptions momentanées de la présence, même de longue durée, n'excluaient pas l'existence d'une résidence habituelle pourvu que le centre de vie soit conservé.
En l'espèce le tribunal estima que la question se posait de savoir si l'enfant avait transféré sa résidence habituelle en France entre le déménagement du 22 novembre 2007 et le prétendu déplacement illicite fin mars 2008, sachant que la famille était partie en vacances au Portugal les deux dernières semaines de mars.
Puisque la période alléguée était de moins de 6 mois, une résidence habituelle en France ne pouvait se déduire de la seule durée du séjour. Or, la mère avait notamment dès novembre 2007 cherché soit à récupérer son appartement en Suisse soit à en louer un autre dans la même région. Elle avait laissé ses papiers en Suisse et y avait déclaré ses impôts; elle y avait séjourné fréquemment chez des amies avec l'enfant et le bébé y avait rencontré son pédiatre 9 fois.
Le Tribunal ajouta que le père ne contestait pas la plupart de ces éléments et que lorsque ses allégations s'écartaient des constatations des juges du fond, il ne leur faisait toutefois pas grief d'avoir établi les faits de manière manifestement inexacts. Dès lors, la cour cantonale avait correctement apprécié la résidence habituelle et constaté l'absence d'illicéité du déplacement.
Ayant rejeté la demande de retour de l'enfant, la cour cantonale avait admis la compétence des autorités suisses pour statuer sur la question des relations personnelles de l'enfant. Le père contestait à la fois cette compétence et la suspension de l'instance pendant que la question du retour était pendante.
Le Tribunal fédéral rappela que la mère avait initié sa procédure concernant les relations personnelles le 14 avril 2008, c'est-à-dire avant que le père ne demande le retour de l'enfant. En suspendant cette instance vu l'ouverture de l'action en retour de l'enfant, la cour cantonale avait fait une bonne application de l'article 16 de la Convention de la Haye qui empêchait que les questions de garde soient traitées avant qu'une décision soit prise concernant la procédure de retour.
En outre, la résidence habituelle de l'enfant étant en Suisse, les autorités suisses étaient bien compétentes pour statuer sur les relations personnelles entre le père et l'enfant. Cela ne donnait pas lieu, comme le père le prétendait, à une violation de son droit au respect de la vie familiale, celui-ci n'ayant d'ailleurs pas sollicité de droit de visite pendant la procédure en vue du retour de l'enfant.
Tribunal fédéral et voies de recours :
Le Tribunal fédéral rappela qu'il examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis et ajouta que les décisions statuant sur le retour d'un enfant en application de la CEIE n'étaient pas des affaires civiles.
Il s'agissait d'entraide administrative entre les États contractants, donc d'une question relevant du droit public. Interjeté dans le délai légal de 10 jours contre une décision rendue en dernière instance cantonale, le recours en matière civile était en principe recevable. Partant, le recours constitutionnel subsidiaire ne l'était pas.
Le recours en matière civile pouvait être formé pour violation du droit fédéral - y compris constitutionnel - et international. Le Tribunal fédéral appliquait le droit d'office sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties. Le Tribunal fédéral ne pouvait en revanche connaître de la violation de droits fondamentaux que si ce grief avait été soulevé et motivé par le recourant.
Le Tribunal fédéral souligna encore qu'il statuait sur la base des faits établis par l'autorité précédente sauf si ces faits avaient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit ; dans ce cas, la charge de la preuve appartenait à la partie alléguant l'arbitraire.
Traitement rapide de la demande :
Le père se plaignait du retard de la procédure. Selon la mère il en était responsable puisqu'il avait déposé 4 recours en moins d'un an. Le Tribunal rappela que l'article 11 de la Convention de la Haye impose de procéder d'urgence. Cette disposition concrétisait selon lui l'obligation de diligence généralement imposée par l'article 6 CEDH et garantie en suisse par la Constitution fédérale.
Le Tribunal ne pouvait considérer que la durée totale de la procédure conduite en Suisse, non le retard dans la transmission de la demande de retour de l'Autorité centrale française à l'Autorité centrale suisse. N'ayant pas été soulevé devant la cour cantonale, le délai mis par le juge de première instance pour statuer n'était pas recevable.
En revanche 3 mois s'étaient écoulés entre le dépôt du recours cantonal et la décision de la cour cantonale et encore 3 mois entre cette décision et sa notification au père. De tels délais étaient selon le Tribunal, manifestement incompatibles avec l'article 11 de la Convention.
Frais
Le Tribunal nota que l'article 26 de la Convention de la Haye de 1980 prévoyait la gratuité de la procédure. Toutefois, la France avait déclaré selon les articles 42 et 26(3) qu'elle ne prenait pas en charge les frais et dépens du procès au-delà de l'aide judiciaire. La Suisse appliquant le principe de réciprocité, la procédure devant le Tribunal fédéral n'était par conséquent pas gratuite.
Auteur du résumé : Aude Fiorini
Lorsqu'une intention de s'installer à l'étranger pour y commencer un nouveau chapitre de sa vie est établie, la résidence habituelle préexistante va être perdue et une nouvelle résidence habituelle pourra rapidement être acquise.
Dans les pays de common law, il est admis que cette acquisition peut survenir rapidement, voir :
Canada
DeHaan v. Gracia [2004] AJ No.94 (QL), [2004] ABQD 4 [Référence INCADAT : HC/E/CA 576];
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 2];
Re F. (A Minor) (Child Abduction) [1992] 1 FLR 548, [1992] Fam Law 195 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 40]
Dans les pays de droit civil, il a été admis qu'une résidence habituelle peut être acquise immédiatement, voir:
Suisse
5P.367/2005/ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile), [Référence INCADAT: HC/E/CH 841].
Déménagements soumis à une condition future
Si l'accord des parents concernant le déménagement est soumis à une condition future, la résidence habituelle qui existait avant le déménagement est-elle perdue immédiatement lors du déménagement ?
Australie
Le tribunal familial australien (the Family Court of Australia) siégeant en séance plénière a répondu par la négative à cette question et a également déclaré que la perte de la résidence habituelle pouvait même ne pas découler de la réalisation de la condition en question, si à ce moment-là le parent désirant déménager ne s'engage pas clairement à déménager :
Kilah & Director-General, Department of Community Services [2008] FamCAFC 81, [Référence INCADAT : HC/E/AU 995].
Cependant, cette décision a été renversée en appel par la Haute Cour d'Australie, qui a considéré qu'une résidence habituelle existante pouvait être perdue si la volonté de déménager présentait un degré suffisant de continuité pour être décrite comme ferme. Il n'était donc pas nécessaire d'avoir une ferme intention d'établir sa résidence sur le « long terme ».
L.K. v. Director-General Department of Community Services [2009] HCA 9, (2009) 253 ALR 202, [Référence INCADAT: HC/E/AU 1012].
Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye (art. 16)
Le but de la Convention étant d'assurer le retour immédiat d'enfants enlevés dans leur État de résidence habituelle pour permettre l'ouverture d'une procédure au fond, il est essentiel qu'une procédure d'attribution de la garde ne soit pas commencée dans l'État de refuge. À cette fin, l'article 16 dispose que :
« Après avoir été informées du déplacement illicite d'un enfant ou de son non-retour dans le cadre de l'article 3, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions de la présente Convention pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies, ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite. »
Les États contractants qui sont également parties à la Convention de La Haye de 1996 bénéficient d'une plus grande protection en vertu de l'article 7 de cet instrument.
Les États contractants membres de l'Union européenne auxquels s'applique le règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (règlement Bruxelles II bis) bénéficient d'une protection supplémentaire en vertu de l'article 10 de cet instrument.
L'importance de l'article 16 a été notée par la Cour européenne des droits de l'Homme :
Iosub Caras v. Romania, Requête n° 7198/04, (2008) 47 E.H.R.R. 35, [Référence INCADAT : HC/E/ 867]
Carlson v. Switzerland, Requête n° 49492/06, 8 novembre 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 999]
Dans quelles circonstances l'article 16 doit-il être appliqué ?
La Haute Cour (High Court) d'Angleterre et du Pays de Galles a estimé qu'il revient aux tribunaux et aux avocats de prendre l'initiative lorsque des éléments indiquent qu'un déplacement ou non-retour illicite a eu lieu.
R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].
Lorsqu'un tribunal prend connaissance, expressément ou par présomption, d'un déplacement ou non-retour illicite, il est informé de ce déplacement ou non-retour illicite au sens de l'article 16. Il incombe en outre au tribunal d'envisager les mesures à prendre pour s'assurer que le parent se trouvant dans cet État est informé de ses droits dans le cadre de la Convention.
Re H. (Abduction: Habitual Residence: Consent) [2000] 2 FLR 294, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 478]
Les avocats, même ceux des parents ravisseurs, ont le devoir d'attirer l'attention du tribunal sur la Convention lorsque cela est pertinent.
Portée et durée de la protection conférée par l'article 16 ?
L'article 16 n'empêche pas la prise de mesures provisoires et de protection :
Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, CG c BS, n° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750]. Dans ce cas d'espèce les mesures provisoires devinrent toutefois définitives et le retour ne fut jamais appliqué en raison d'un changement des circonstances.
Une demande de retour doit être déposée dans un laps de temps raisonnable :
France
Cass. Civ. 1ère, 9 juillet 2008 (pourvois n° K 06-22090 et M 06-22091), 9.7.2008, [Référence INCADAT : HC/E/FR 749] ;
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].
Une ordonnance de retour devenue définitive mais n'ayant pas encore été exécutée entre dans le champ de l'article 16 :
Allemagne
Bundesgerichtshof, XII. Décision du Zivilsenat du 16 août 2000 - XII ZB 210/99, BGHZ 145, 97 16 August 2000 [Référence INCADAT : HC/E/DE 467].
L'article 16 ne s'appliquera plus lorsqu'une ordonnance de retour ne peut être exécutée :
Suisse
5P.477/2000/ZBE/bnm, [Référence INCADAT : HC/E/CH 785].
Résumé INCADAT en cours de préparation.
Résumé INCADAT en cours de préparation.