AFFAIRE

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Nom de l'affaire

N° 03/3585/A, Tribunal de première instance de Bruxelles

Référence INCADAT

HC/E/BE 547

Juridiction

Pays

Belgique

Nom

Tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique)

Degré

Première instance

États concernés

État requérant

Israël

État requis

Belgique

Décision

Date

17 April 2003

Statut

Inconnu

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12 | Risque grave - art. 13(1)(b)

Décision

Retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

3 13(1)(a) 13(1)(b) 20

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

3 13(1)(b) 20

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Exceptions au retour

Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Risque grave de danger
Risques inhérents à l'État de la résidence habituelle de l'enfant

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

Les enfants étaient âgés de 5 ans et 2 ans 1/2 à la date du non-retour dont le caractère illicite était allégué. Le père avait la double nationalité belge et canadienne et la mère était israélienne. Après avoir séjourné en Belgique, les parents s'étaient installés dans un kibboutz en Israël en juin 1999, où le cadet des enfant naquit.

En septembre 2002, les parents se séparèrent, la mère s'installant dans un autre kibboutz, mais ils maintinrent leur domicile officiel à la même adresse et se partagèrent amiablement l'hébergement des enfants. Dans le cadre des négociations en vue de leur divorce, les parents découvrirent que le père risquait d'être expulsé du pays une fois officialisée la séparation.

Le 12 février 2003, les parents et les enfants allèrent en Belgique. Le 17 février, la mère rentra seule en Israël. Le père demanda immédiatement sa domiciliation en Belgique.Le 26 février il demanda la garde des enfants en Belgique.

Le 12 mars 2003, la mère saisit l'autorité centrale israélienne d'une demande de retour puis revint en Belgique. Le 17 mars 2003, le père demanda qu'il soit interdit à la mère de quitter le pays avec les enfants en attendant l'issue des procédures en cours et la mère demanda à titre provisoire à être autorisée à rentrer en Israël avec les enfants. Le juge ayant rejeté ces demandes, le père interjeta appel le 24 mars.

Le 20 mars, la mère reprit les enfants par un coup de force chez le père et le 21 mars il obtint une interdiction à la mère de quitter le pays avec les enfants. le 28 mars, la mère fut interceptée à l'aéroport de Zürich et le père ramena les enfants en Belgique le 29 mars. Le 30 mars, le procureur du Roi décida de placer les enfants chez la sœur du père afin de les mettre à l'abri de toute nouvelle voie de fait d'enlèvement.

Dispositif

Retour ordonné ; le non-retour était illicite et aucune des exceptions invoquées n'était applicable.

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12


Le juge indiqua que selon le droit israélien, les parents exercent conjointement l'autorité parentale sur leurs enfants et décident ensemble du lieu de résidence de ceux-ci. Les parties vivaient avec les enfants en Israël et se partageaient amiablement la garde depuis septembre 2002. Au moment de leur voyage en Belgique, les parents ne s'étaient pas mis d'accord pour déplacer le domicile habituel des enfants en Belgique. certes la mère était rentrée seule en Israël, mais son intention avait été de voir les enfants revenir en Israël avec leur père quelques jours plus tard.

n effet, le ticket de retour du père portait la date du 19 février ; le père avait également indiqué à la crèche que les enfants y retourneraient à partir du 1er mars et c'est de façon totalement inattendue qu'il donna sa démission à son employeur qui avait pris en charge son voyage en Belgique en appréciation de services accomplis. Le père reconnaissait lui-même qu'il avait espéré pouvoir convaincre la mère de venir vivre en Belgique. Le tribunal, constatant que les parents n'avaient pas conclu d'accord sur ce point et estimant que l'existence de négociations entre les parents ne pouvait être tenu pour un acquiescement au non-retour par le parent victime, conclut que le père était donc l'auteur d'une situation de non-retour illicite des enfants.
 

Risque grave - art. 13(1)(b)


Le père s'opposait au retour des enfants en Israël sur le fondement de l'article 13(1)(b), soutenant que la situation de l'Etat d'Israël sur le plan de la sécurité mettait les enfants dans une situation de danger physique et/ou psychique et les plaçait dans une situation intolérable.Le juge estima que la jurisprudence internationale révélait que ce n'est que dans de très rares cas que des juridictions ont refusé le retour d'enfants en Israël sur la base de la situation de violence et de guerre dans ce pays.

La majorité des décisions en effet constatait que si la situation politique israélienne était délicate, cela n'empêchait pas les citoyens de mener une vie normale. Le père contestait cette description, basée sur une jurisprudence antérieure à 2002, expliquant que la situation d'avril 2003 était bien différente de celle de 1999: avec la multiplication des attentats terroristes, la dégradation de la situation était telle que les enfants étaient entraînés au maniement du masque à gaz dans les crèches. Le juge observa néanmoins que les arguments du père ne portaient pas sur un danger précis concernant se propres enfants mais sur un contexte général.

Arguant de ce que les citoyens israéliens ne s'étaient pas engagés en masse sur les routes de l'exil, le tribunal ajouta que la mère était dans une position de savoir quel risque elle faisait courir à ses enfants alors qu'elle a, contrairement à beaucoup de ses compatriotes, la possibilité de choisir de quitter le pays (dans la mesure où elle pourrait être admise à résidence en Belgique si ses enfants y résidaient). Le juge ajouta qu'il appartenait à la mère de veiller à la protection physique de ses enfants en Israël et de tirer les conclusions su un danger réel se présentait.

Le tribunal considéra par ailleurs que rien ne laissait supposer que le tribunal naturellement compétent pour statuer sur l'intérêt des enfants ne serait en mesure d'apprécier la réalité du danger couru par les enfants et de prendre en considération, au regard de leur intérêt supérieur, l'opportunité qu'ils ont de vivre dans une autre pays qui connaît une situation politique plus stable. Il conclut que l'article 13(1)(b) était inapplicable en l'espèce.

Droits de l'homme - art. 20
Le père contestait le retour des enfants sur le fondement de l'art 20. Il indiquait que l'officialisation de la séparation des parents aurait sans doute pour effet de mener à son expulsion, rappelant que c'était ce qui avait conduit les époux à maintenir un domicile officiel à la même adresse en dépit de leur séparation de fait et apportant des éléments prouvant que l'Etat d'Israël avait déjà considéré que l'intérêt des enfants au maintien d'un lien étroit parent-enfant devait laisser le pas aux intérêts de la nation de sorte qu'un parent non juif peut être expulsé du pays dès lors qu'il s'est séparé de son conjoint israélien.

Le juge considéra que même si l'enfant devait réellement être empêché de séjourner en Israël à plus ou moins brève échéance, cela ne permettait pas de croire que le tribunal compétent saisi de la demande concernant les modalités d'hébergement des enfants, ne pourrait tenir compte des arguments développés par le père notamment sur la base de la Convention sur les droits de l'enfant et concernant l'intérêt supérieur des enfants et notamment le fait que ceux-ci pourraient vivre proches de leurs deux parents dans un autre Etat qu'Israël.

Selon le juge, l'esprit de confiance mutuelle entre les Etats qui a prévalu dans l'adoption de la Convention de La Haye ne pouvait qu'imposer cette solution. Le retour des enfants en Israël afin qu'il soit statué devant les juridictions de cet Etat sur les modalités d'hébergement des enfants n'entraînait pas per se, selon le tribunal, une violation des droits des enfants concernés ni des droits du père. Dès lors, l'article 20 était inapplicable.

Auteur du résumé : Aude Fiorini

Commentaire INCADAT

Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Résumé INCADAT en cours de préparation.

Risques inhérents à l'État de la résidence habituelle de l'enfant

Une exception de l'article 13(1)(b) a parfois été invoquée mettant en cause non pas un risque individuel pour l'enfant mais résultant des conditions de vie dans l'État de la résidence habituelle.

Dans l'arrêt d'appel fameux rendu aux États-Unis d'Amérique dans Friedrich v. Friedrich, 78 F.3d 1060 (6th Cir. 1996) [Référence INCADAT : HC/E/USf 82], la Cour constata entre autres qu'un risque grave ne pouvait être pris en compte que lorsque le retour est de nature à exposer l'enfant à un danger immédiat pouvant se matérialiser avant la résolution de la question de la garde, par exemple dans le cas où l'enfant est renvoyé dans une zone de guerre ou de famine.

La question s'est notamment posée au regard d'un retour en Israël.

Retour en Israël

La question de savoir si le retour d'enfants en Israël est de nature à les exposer à un risque grave de danger a divisé les tribunaux appelés à se prononcer sur ce point. Une majorité de juridictions a considéré que ce n'était pas le cas. Voir :

Argentine
A. v. A [Référence INCADAT : HC/E/AR 487]

Australie
Kilah & Director-General, Department of Community Services [2008] FamCAFC 81 [Référence INCADAT : HC/E/AU 995]

Belgique
N° 03/3585/A, Tribunal de première instance de Bruxelles, 17/4/2003 [Référence INCADAT : HC/E/BE 547]

Canada
Docket No 1 F 3709/00; C., 4 décembre 2001, Superior Court of Justice, Ontario, Court File No 01-FA-10575

Danemark
V.L.K., 11. januar 2002, 13. afdeling, B-2939-01, Vestre Landsret; High Court, Western Division [Référence INCADAT : HC/E/DK 519]

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re S. (A Child) (Abduction: Grave Risk of Harm) [2002] 3 FCR 43, [2002] EWCA Civ 908 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 469]

France
CA Aix en Provence, 8 octobre 2002, No de RG 02/14917 [Référence INCADAT : HC/E/FR 509]

Allemagne
1 F 3709/00, Familiengericht Zweibrücken (Family Court), 25 January 2001 [Référence INCADAT: HC/E/DE 392]

États-Unis d'Amérique
Freier v. Freier, 969 F. Supp. 436 (E.D. Mich. 1996) [Référence INCADAT : HC/E/USf 133]

Toutefois, l'argument a été accueilli dans certaines affaires :

Australie
Janine Claire Genish-Grant and Director-General Department of Community Services [2002] FamCA 346 [Référence INCADAT : HC/E/AU 458]

États-Unis d'Amérique
Silverman v. Silverman, 2002 U.S. Dist. LEXIS 8313 [Référence INCADAT : HC/E/USf 481] (voir néanmoins Silverman v. Silverman, 338 F.3d 886 (8th Cir. 2003) [Référence INCADAT : HC/E/US 530]

Retour au Zimbabwe

La Chambre des Lords britannique, instance suprême du Royaume-Uni a rejeté l'argument selon lequel le climat politique et moral était tel au Zimbabwe que le retour d'enfants dans ce pays serait de nature à les exposer à un risque grave de danger psychologique ou à une situation intolérable.

Re M. (Abduction: Zimbabwe) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937].

Retour au Mexique

CA Rennes, 28 juin 2011, No de RG 11/02685 [Référence INCADAT : HC/E/FR 1129]

La mère citait la pollution existant à Mexico, l'insécurité générée par la délinquance dans la métropole de Mexico ainsi que les risques sismiques. Toutefois elle ne montrait pas en quoi ces risques touchaient personnellement et directement les enfants. Elle n'avait pas mentionné ces facteurs pour justifier son choix de s'établir en France dans un document adressé au père en 2010, mais avait fait état de difficultés financières et familiales. En outre, la Cour nota que ces facteurs ne l'avaient pas dissuadé de vivre à Mexico de 1998 à 2010 et d'y avoir élevé deux enfants. Elle releva encore que la mère n'avait pas cru opportun de demander l'autorisation aux autorités mexicaines de s'établir en France avec les enfants, sans expliquer les raisons qui, selon elle, pourraient compromettre son droit à un procès équitable au Mexique.

La Cour clarifia qu'elle n'affirmait pas que les éléments soulevés par la mère étaient dénués de fondement. Ils pourraient être éventuellement utilisés dans le cadre de la question de la garde, mais ne suffisaient pas à établir l'existence d'un risque grave de danger.

(Auteur du résumé : Peter McEleavy, Avril 2013)