AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Sheikh v. Cahill, 145 Misc. 2d 171, 546 N.Y.S.2d 517 (Sup. Ct. 1989)

Référence INCADAT

HC/E/USs 206

Juridiction

Pays

États-Unis d'Amérique - Niveau étatique

Nom

Supreme Court of New York, Kings County (Etats-Unis)

Degré

Première instance

États concernés

État requérant

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

État requis

États-Unis d'Amérique - Niveau étatique

Décision

Date

15 September 1989

Statut

Définitif

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b) | Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2)

Décision

Retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

3 4 12 13(1)(b) 13(2) 19

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

13(1)(b) 13(2)

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Exceptions au retour

Problèmes généraux
Nature limitée des exceptions
Opposition de l’enfant
Nature et force de l'opposition
Influence parentale sur l'opinion de l'enfant

RÉSUMÉ

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Faits

L'enfant, un garçon, était âgé de 9 ans à la date du non-retour dont le caractère illicite était allégué. En juin 1986, un juge aux affaires familiales du Kings County de New York accorda aux enfants un droit de garde conjoint, la mère ayant la garde physique de l'enfant et le père bénéficiant d'un droit de visite limitée et surveillée.

En juillet 1986, la mère emmena l'enfant en Angleterre, en méconnaissance de la décision accordant une visite au père. Le juge de New York donna un mandat d'arrêt contre elle. En novembre 1988, le père entama une instance devant la High Court anglaise tendant à la mise sous tutelle des enfants.

Le 26 avril 1989, la High Court décida que la mère disposerait de la garde juridique et physique de l'enfant sur son territoire. Le père obtint un droit de visite. En 1989, à l'issue d'une visite de l'enfant à son père aux Etats-Unis, le père refusa le retour de l'enfant.

La mère forma une demande de retour.

Dispositif

Non-retour illicite et retour ordonné ; les conditions requises par l'article 13 alinéa 2 pour l'opposition de l'enfant au retour n'étaient pas remplies.

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b)

L’exception de l’article 13 alinéa 1 b doit reposer sur une preuve claire et convaincante. Le juge auditionna l’enfant à huis clos et estima que ni cette audition, ni les éléments de preuve qui lui étaient soumis n’indiquaient que le retour de l’enfant au Royaume-Uni l’aurait exposé à un risque grave de danger physique ou psychologique ni ne l’aurait placé dans une situation intolérable.

Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2)

Le juge auditionna l’enfant à huis clos et estima qu’il n’avait pas atteint un âge ou une maturité suffisants pour garantir que sa position soit prise en compte. Alors que l’audition traduisait sa préférence pour demeurer aux Etats-Unis, le juge considéra que cette préférence résultait de l’influence qu’avait eue le père durant la période de visite.

Commentaire INCADAT

Nature limitée des exceptions

Analyse de la jurisprudence de la base de données INCADAT en cours de préparation.

Nature et force de l'opposition

Australie
De L. v. Director-General, NSW Department of Community Services (1996) FLC 92-706 [Référence INCADAT : HC/E/AU 93]

La Cour suprême australienne s'est montrée partisane d'une interprétation littérale du terme « opposition ». Toutefois, cette position fut remise en cause par un amendement législatif :

s.111B(1B) of the Family Law Act 1975 introduit par la loi (Family Law Amendment Act) de 2000.

L'article 13(2), tel que mis en œuvre en droit australien par l'article 16(3) de la loi sur le droit de la famille (enlèvement d'enfant) de 1989 (Family Law (Child Abduction) Regulations 1989), prévoit désormais non seulement que l'enfant doit s'opposer à son retour mais également que cette opposition doit être d'une force qui dépasse la simple expression de préférence ou souhait ordinaires.

Voir par exemple :

Richards & Director-General, Department of Child Safety [2007] FamCA 65 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 904]

La question de savoir si un enfant doit spécifiquement s'opposer à son retour dans l'État de la résidence habituelle n'a pas été résolue. Voir :

Re F. (Hague Convention: Child's Objections) [2006] FamCA 685 [Référence INCADAT : HC/E/AU 864];

Austria
9Ob102/03w, Oberster Gerichtshof (Austrian Supreme Court), 8/10/2003 [Référence INCADAT : HC/E/AT 549].

Le simple fait de préférer le pays d'accueil ne suffit pas à constituer une opposition.

Belgium
N° de rôle: 02/7742/A, Tribunal de première instance de Bruxelles, 27/5/2003 [Référence INCADAT : HC/E/BE 546].

Le simple fait de préférer le pays d'accueil ne suffit pas à constituer une opposition.

Canada
Crnkovich v. Hortensius, [2009] W.D.F.L. 337, 62 R.F.L. (6th) 351, 2008 [Référence INCADAT : HC/E/CA 1028].

Pour prouver qu'un enfant s'oppose à son retour, il faut démontrer que l'enfant « a exprimé un fort désaccord quant à son retour dans l'État de sa résidence habituelle. Son opposition doit être catégorique. Elle ne peut être établie en pesant simplement les avantages et les inconvénients des deux États concurrents, comme lors de la définition de l'intérêt supérieur de l'enfant. Il doit s'agir de quelque de plus fort que la simple expression d'une préférence ». [traduction du Bureau Permanent]

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Dans Re S. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1993] Fam 242 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 87], la Cour d'appel a estimé que l'opposition au retour de la part de l'enfant doit porter sur le retour immédiat dans l'État dont il avait été enlevé. Rien dans l'article 13(2) ne justifie que l'opposition de l'enfant à rentrer dans toute circonstance soit prise en compte.

Dans Re M. (A Minor) (Child Abduction) [1994] 1 FLR 390 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 56] il fut néanmoins admis qu'une opposition à la vie avec le parent demandeur pouvait être distinguée de l'opposition au retour dans l'État de résidence habituelle.

Dans Re T. (Abduction: Child's Objections to Return) [2000] 2 FCR 159 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 270] le juge Ward L.J. formula une liste de questions destinées à guider l'analyse de la question de savoir si l'opposition de l'enfant devait être prise en compte.

Ces questions furent reprises par la Cour d'appel dans Re M. (A Child) (Abduction: Child's Objections to Return) [2007] EWCA Civ 260, [2007] 2 FLR 72, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 901].

Pour un commentaire sur ce point, voir: P. McEleavy ‘Evaluating the Views of Abducted Children: Trends in Appellate Case Law' [2008] Child and Family Law Quarterly, pp. 230-254.

France
L'opposition fondée uniquement sur une préférence pour la vie en France ou la vie avec le parent ravisseur n'a pas été prise en compte. Voir :

CA Grenoble 29/03/2000 M. v. F. [Référence INCADAT : HC/E/FR 274] ;

TGI Niort 09/01/1995, Procureur de la République c. Y. [Référence INCADAT : HC/E/FR 63].

Royaume-Uni - Écosse
Dans Urness v. Minto 1994 SC 249 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 79] une interprétation large fut privilégiée, la Cour acceptant qu'une préférence forte pour la vie avec le parent ravisseur en Écosse revenait implicitement à une opposition à un retour aux États-Unis.

Dans W. v. W. 2004 S.C. 63 IH (1 Div) [Référence INCADAT : HC/E/UKs 805] la Cour, qui avait suivi la liste de questions du juge Ward dans Re T. [Référence INCADAT : HC/E/UKe 270], décida que l'opposition concernant des questions de bien-être ne pouvait être prise en compte que par les autorités de l'État de la résidence habituelle de l'enfant.

Dans une décision de première instance postérieure : M. Petitioner 2005 S.L.T. 2 OH [Référence INCADAT : HC/E/UKs 804], lady Smith observa qu'il y avait des divergences dans la jurisprudence rendue en appel et décida de suivre une jurisprudence antérieure, rejetant explicitement la méthode de Ward dans Re T.

Le juge souligna que la décision rendue en appel dans W. v. W. avait fait l'objet d'un recours devant la Chambre des Lords mais que l'affaire avait été résolue à l'amiable.

Plus récemment, une interprétation plus restrictive de l'opposition s'est fait jour, voir : C. v. C. [2008] CSOH 42 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 962] ; confirmé en appel par: C. v. C. [2008] CSIH 34, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 996].

Suisse
La plus haute juridiction suisse a souligné qu'il était important que les enfants soient capables de distinguer la question du retour de la question de la garde, voir :

5P.1/2005 /bnm, Bundesgericht II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) [Référence INCADAT : HC/E/CH 795] ;

5P.3/2007 /bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) [Référence INCADAT : HC/E/CH 894] ;

Le simple fait de préférer de vivre dans le pays d'accueil, même s'il est motivé, n'entre pas dans le cadre de l'article 13(2) :

5A.582/2007, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) [Référence INCADAT : HC/E/CH 986].

Pour une analyse générale de la question, voir: R. Schuz ‘Protection or Autonomy -The Child Abduction Experience' in  Y. Ronen et al. (eds), The Case for the Child- Towards the Construction of a New Agenda,  271-310 (Intersentia,  2008).

Influence parentale sur l'opinion de l'enfant

Les juridictions appliquant l'article 13(2) ont reconnu qu'il était essentiel de définir si l'opposition de l'enfant au retour avait été influencée par le parent ravisseur.

Les juges de nombreux États contractants ont rejeté les arguments fondés sur l'article 13(2) lorsqu'il était clair que l'enfant n'exprimait pas une opinion indépendante.

Voir notamment :

Australie
Director General of the Department of Community Services v. N., 19 août 1994, transcription, Family Court of Australia (Sydney), [Référence INCADAT : HC/E/AU 231] ;

Canada
J.E.A. v. C.L.M. (2002), 220 D.L.R. (4th) 577 (N.S.C.A.), [Référence INCADAT : HC/E/CA 754] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re S. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1993] Fam 242 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 87].

Bien que la question ne se soit pas posée en l'espèce, la Cour d'appel a affirmé que peu ou pas de poids devait être accordé à l'opposition d'un enfant si celui-ci a été influencé par le parent ravisseur ou toute autre personne.

Finlande
Cour d'appel d'Helsinki: No. 2933, [Référence INCADAT : HC/E/FI 863].

France
CA Bordeaux, 19 janvier 2007, No 06/002739 [INCADAT cite: HC/E/FR 947].

Une juridiction d'appel modéra la force probante de l'opposition au motif que les enfants avaient vécu longuement avec le parent ravisseur et sans contact avec le parent victime avant d'être entendus, observant également que les faits dénoncés par les enfants avaient par ailleurs été pris en compte par les autorités de l'État de la résidence habituelle.

Allemagne
4 UF 223/98, Oberlandesgericht Düsseldorf, [Référence INCADAT : HC/E/DE 820] ;

Hongrie
Mezei v. Bíró 23.P.500023/98/5. (27. 03. 1998, Central District Court of Budapest; First Instance); 50.Pkf.23.732/1998/2. 16. 06. 1998., (Capital Court as Appellate Court) [Référence INCADAT : HC/E/HU 329] ;

Israël
Appl. App. Dist. Ct. 672/06, Supreme Court 15 October 2006 [Référence INCADAT : HC/E/IL 885] ;

Royaume-Uni - Écosse
A.Q. v. J.Q., 12 December 2001, transcript, Outer House of the Court of Session (Scotland) [Référence INCADAT : HC/E/UKs 415] ;

Espagne
Auto Audiencia Provincial Nº 133/2006 Pontevedra (Sección 1ª), Recurso de apelación Nº 473/2006 [Référence INCADAT : HC/E/ES 887] ;

Restitución de Menores 534/1997 AA [Référence INCADAT : HC/E/ES 908].

Suisse
Le Tribunal fédéral suisse a estimé que l'opposition des enfants ne pouvait jamais être entièrement indépendante. Dès lors il convenait de distinguer selon que l'enfant avait ou non été manipulé. Voir :

5P.1/2005 /bnm, Bundesgericht II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile), [Référence INCADAT : HC/E/CH 795] ;

États-Unis d'Amérique
Robinson v. Robinson, 983 F. Supp. 1339 (D. Colo. 1997), [Référence INCADAT : HC/E/USf 128].

Dans cette espèce, la District Court estima qu'il ne serait pas réaliste de prétendre qu'un parent aimant n'influence pas la préférence de l'enfant dans une certaine mesure de sorte que la question de savoir si l'un des parents a indûment influencé l'enfant ne devrait pas se poser.

Toutefois il a été décidé dans deux affaires que la preuve de l'influence parentale ne devrait pas empêcher l'audition d'un enfant. Voir :

Allemagne
2 BvR 1206/98, Bundesverfassungsgericht (Federal Constitutional Court),[Référence INCADAT : HC/E/DE 233] ;

Nouvelle-Zélande
Winters v. Cowen [2002] NZFLR 927, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 473].

Il se peut également que l'influence d'un parent n'ait que peu d'effet sur la position de l'enfant. Voir :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re M. (A Child) (Abduction: Child's Objections to Return) [2007] EWCA Civ 260, [2007] 2 FLR 72 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 901].

La Cour d'appel ne rejeta pas la suggestion selon laquelle l'opinion de l'enfant avait été influencée ou que celui-ci avait été entraîné à penser d'une certaine façon du fait de son immersion dans une atmosphère hostile au père, mais n'y accorda que peu d'importance.

Dans une affaire israélienne, le juge estima que l'enfant avait subi un véritable lavage de cerveau de la part de la mère de sorte que son opinion ne devait pas être prise au sérieux. Toutefois le juge considéra que la nature extrême des réactions de l'enfant interrogé sur un possible retour (menace de suicide) était telle que son opinion ne pouvait être ignorée. Le juge estima dans ce cas que le retour exposerait l'enfant à un risque grave de danger. Voir :

Family Appeal 1169/99 R. v. L. [Référence INCADAT : HC/E/IL 834].