CASE

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Case Name

Brooke v. Willis, 907 F. Supp. 57 (S.D.N.Y. 1995)

INCADAT reference

HC/E/USf 147

Court

Country

UNITED STATES - FEDERAL JURISDICTION

Name

United States District Court for the Southern District of New York

Level

First Instance

Judge(s)
Scheindlin D.J.

States involved

Requesting State

UNITED KINGDOM - ENGLAND AND WALES

Requested State

UNITED STATES - FEDERAL JURISDICTION

Decision

Date

2 August 1995

Status

Final

Grounds

Habitual Residence - Art. 3 | Procedural Matters

Order

-

HC article(s) Considered

3

HC article(s) Relied Upon

3

Other provisions

-

Authorities | Cases referred to
Friedrich v. Friedrich, 983 F.2d 1396, 125 ALR Fed. 703 (6th Cir. 1993); Meredith v. Meredith, 759 F. Supp. 1432 (D. Ariz. 1991); Currier v. Currier, 845 F. Supp. 916 (D.N.H. 1994).

INCADAT comment

Aims & Scope of the Convention

Habitual Residence
Habitual Residence
Can a Child have more than one Habitual Residence?

SUMMARY

Summary available in EN | FR | ES

Faits

L'enfant, une fille, était âgée de 6 ans ½ à la date du non-retour dont le caractère illicite était allégué. Elle avait passé la majeure partie de sa vie aux Etats-Unis. Les parents étaient divorcés et avaient conjointement la garde de l'enfant.

Le 9 juillet 1990, la Superior Court de Californie décida que l'enfant devait partager son temps à égalité entre ses deux parents et que son éducation devait avoir lieu pour moitié au Royaume-Uni.

En juillet 1990, le père rentra définitivement en Angleterre. L'enfant l'y accompagna et y vécut durant un été. Le 20 août 1990, l'enfant rentra en Californie.

En décembre 1990, la mère ne renvoya pas l'enfant comme prévu en Angleterre.

La mère obtint un jugement non contradictoire contre le père lui imposant de rester à l'écart de sa famille et s'enfuit de cet Etat en compagnie de l'enfant. La mère fit l'objet de mandats d'arrêt en Californie et en Virginie.

Le 5 octobre 1994 forma une demande de retour devant la District Court. Le jour de l'audience, l'enfant n'avait toujours pas été localisé.

Dispositif

La mère à été condamnée par bref d'habeas corpus à présenter l'enfant à la Cour dans un délai de 14 jours et d'expliquer pourquoi l'enfant avait été déplacé.

Motifs

Résidence habituelle - art. 3

Le juge remarqua que la résidence habituelle se détermine par un état de fait davantage que par l’écoulement d’un délai spécifique ; d’un point de vue technique, la résidence habituelle peut être établie après un jour seulement pourvu qu’il soit établi que l’enfant s’est intégré à cet endroit. En l’espèce, l’enfant avait passé deux mois en Angleterre et le juge estima que les éléments de preuve apportés permettaient de conclure que l’enfant avait sa résidence habituelle en Angleterre en juillet 1990. Le juge proposa également que vu les circonstances, il était contestable de dire que l’enfant avait également une résidence habituelle aux Etats-Unis.

Questions procédurales

Le juge attira l’attention sur le fait qu’à plusieurs reprises le père comme les services d’ordres fédéraux avaient tenté de contacter personnellement la mère. Se fondant sur des affaires de garde inter-étatiques, le juge estima que la mère n’ignorait pas l’existence de l’instance, bien qu’elle ne lui ait pas été notifiée personnellement. Le juge ordonna que le nom de l’enfant soit entré dans le fichier informatisé de personnes disparues de la police nationale de manière à en faciliter la localisation.

Commentaire INCADAT

L'interprétation donnée en l'espèce à l'acquisition d'une nouvelle résidence habituelle est en opposition avec celle adoptée par les instances d'appel non seulement aux Etats-Unis, mais aussi en Angleterre, en Ecosse et en Australie. Voy. Beaumont P.R. & McEleavy P.E., « The Hague Convention on International Child Abduction » OUP, Oxford, 1999, p. 108.

Résidence habituelle

L'interprétation de la notion centrale de résidence habituelle (préambule, art. 3 et 4) s'est révélée particulièrement problématique ces dernières années, des divergences apparaissant dans divers États contractants. Une approche uniforme fait défaut quant à la question de savoir ce qui doit être au cœur de l'analyse : l'enfant seul, l'enfant ainsi que l'intention des personnes disposant de sa garde, ou simplement l'intention de ces personnes. En conséquence notamment de cette différence d'approche, la notion de résidence peut apparaître comme un élément de rattachement très flexible dans certains États contractants ou un facteur de rattachement plus rigide et représentatif d'une résidence à long terme dans d'autres.

L'analyse du concept de résidence habituelle est par ailleurs compliquée par le fait que les décisions concernent des situations factuelles très diverses. La question de la résidence habituelle peut se poser à l'occasion d'un déménagement permanent à l'étranger, d'un déménagement consistant en un test d'une durée illimitée ou potentiellement illimitée ou simplement d'un séjour à l'étranger de durée déterminée.

Tendances générales:

La jurisprudence des cours d'appel fédérales américaines illustre la grande variété d'interprétations données au concept de résidence habituelle.
Approche centrée sur l'enfant

La cour d'appel fédérale des États-Unis d'Amérique du 6e ressort s'est prononcée fermement en faveur d'une approche centrée sur l'enfant seul :

Friedrich v. Friedrich, 983 F.2d 1396, 125 ALR Fed. 703 (6th Cir. 1993) (6th Cir. 1993) [Référence INCADAT : HC/E/USf 142]

Robert v. Tesson, 507 F.3d 981 (6th Cir. 2007) [Référence INCADAT : HC/E/US 935]

Voir aussi :

Villalta v. Massie, No. 4:99cv312-RH (N.D. Fla. Oct. 27, 1999) [Référence INCADAT : HC/E/USf 221].

Approche combinée des liens de l'enfant et de l'intention parentale

Les cours d'appel fédérales des États-Unis d'Amérique des 3e et 8e ressorts ont privilégié une méthode où les liens de l'enfant avec le pays ont été lus à la lumière de l'intention parentale conjointe.
Le jugement de référence est le suivant : Feder v. Evans-Feder, 63 F.3d 217 (3d Cir. 1995) [Référence INCADAT : HC/E/USf 83].

Voir aussi :

Silverman v. Silverman, 338 F.3d 886 (8th Cir. 2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 530] ;

Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006) [Référence INCADAT : HC/E/USf 879].

Dans cette dernière espèce, une distinction a été pratiquée entre la situation d'enfants très jeunes (où une importance plus grande est attachée à l'intention des parents - voir par exemple : Baxter v. Baxter, 423 F.3d 363 (3rd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 808]) et celle d'enfants plus âgés pour lesquels l'intention parentale joue un rôle plus limité.

Approche centrée sur l'intention parentale

Aux États-Unis d'Amérique, la Cour d'appel fédérale du 9e ressort a rendu une décision dans l'affaire Mozes v. Mozes, 239 F.3d 1067 (9th Cir. 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 301], qui s'est révélée très influente en exigeant la présence d'une intention ferme d'abandonner une résidence préexistante pour qu'un enfant puisse acquérir une nouvelle résidence habituelle.

Cette interprétation a été reprise et précisée par d'autres décisions rendues en appel par des juridictions fédérales de sorte qu'en l'absence d'intention commune des parents en cas de départ pour l'étranger, la résidence habituelle a été maintenue dans le pays d'origine, alors même que l'enfant a passé une période longue à l'étranger.  Voir par exemple :

Holder v. Holder, 392 F.3d 1009 (9th Cir 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 777] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour prévu de 4 ans en Allemagne ;

Ruiz v. Tenorio, 392 F.3d 1247 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 780] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 32 mois au Mexique ;

Tsarbopoulos v. Tsarbopoulos, 176 F. Supp.2d 1045 (E.D. Wash. 2001) [INCADAT : HC/E/USf 482] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 27 mois en Grèce.

La décision rendue dans l'affaire Mozes a également été approuvée par les cours fédérales d'appel du 2e et du 7e ressort :

Gitter v. Gitter, 396 F.3d 124 (2nd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 776] ;

Koch v. Koch, 450 F.3d 703 (2006 7th Cir.) [Référence INCADAT : HC/E/USf 878] ;

Il convient de noter que dans l'affaire Mozes, la Cour a reconnu que si suffisamment de temps s'est écoulé et que l'enfant a vécu une expérience positive, la vie de l'enfant peut être si fermement attachée à son nouveau milieu qu'une nouvelle résidence habituelle doit pouvoir y être acquise nonobstant l'intention parentale contraire.

Autres États contractants

Dans d'autres États contractants, la position a évolué :

Autriche
La Cour suprême d'Autriche a décidé qu'une résidence de plus de six mois dans un État sera généralement caractérisée de résidence habituelle, quand bien même elle aurait lieu contre la volonté du gardien de l'enfant (puisqu'il s'agit d'une détermination factuelle du centre de vie).

8Ob121/03g, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT: HC/E/AT 548].

Canada
Au Québec, au contraire, l'approche est centrée sur l'enfant :
Dans Droit de la famille 3713, No 500-09-010031-003 [Référence INCADAT : HC/E/CA 651], la Cour d'appel de Montréal a décidé que la résidence habituelle d'un enfant est simplement une question de fait qui doit s'apprécier à la lumière de toutes les circonstances particulières de l'espèce en fonction de la réalité vécue par l'enfant en question, et non celle de ses parents. Le séjour doit être d'une durée non négligeable (nécessaire au développement de liens par l'enfant et à son intégration dans son nouveau milieu) et continue, aussi l'enfant doit-il avoir un lien réel et actif avec sa résidence; cependant, aucune durée minimale ne peut être formulée.

Allemagne
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort également de la jurisprudence allemande :

2 UF 115/02, Oberlandesgericht Karlsruhe [Référence INCADAT: HC/E/DE 944].

La Cour constitutionnelle fédérale a ainsi admis qu'une résidence habituelle puisse être acquise bien que l'enfant ait été illicitement déplacé dans le nouvel État de résidence :

Bundesverfassungsgericht, 2 BvR 1206/98, 29. Oktober 1998 [Référence INCADAT: HC/E/DE 233].

La Cour constitutionnelle a confirmé l'analyse de la Cour régionale d'appel selon laquelle les enfants avaient acquis leur résidence habituelle en France malgré la nature de leur déplacement là-bas. La Cour a en effet considéré  que la résidence habituelle était un concept factuel, et les enfants s'étaient intégrés dans leur milieu local pendant les neuf mois qu'ils y avaient vécu.

Israël
Des approches alternatives ont été adoptées lors de la détermination de la résidence habituelle. Il est arrivé qu'un poids important ait été accordé à l'intention parentale. Voir :

Family Appeal 1026/05 Ploni v. Almonit [Référence INCADAT: HC/E/Il 865] ;

Family Application 042721/06 G.K. v Y.K. [Référence INCADAT: HC/E/Il 939].

Cependant, il a parfois été fait référence à une approche plus centrée sur l'enfant. Voir :

décision de la Cour suprême dans C.A. 7206/03, Gabai v. Gabai, P.D. 51(2)241 ;

FamA 130/08 H v H [Référence INCADAT: HC/E/IL 922].

Nouvelle-Zélande
Contrairement à l'approche privilégiée dans l'affaire Mozes, la cour d'appel de la Nouvelle-Zélande a expressément rejeté l'idée que pour acquérir une nouvelle résidence habituelle, il convient d'avoir l'intention ferme de renoncer à la résidence habituelle précédente. Voir :

S.K. v. K.P. [2005] 3 NZLR 590 [Référence INCADAT: HC/E/NZ 816].

Suisse
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort de la jurisprudence suisse :

5P.367/2005/ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) [Référence INCADAT: HC/E/CH 841].

Royaume-Uni
L'approche standard est de considérer conjointement la ferme intention des personnes ayant la charge de l'enfant et la réalité vécue par l'enfant.

Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562, [1990] 2 All ER 961, [1990] 2 FLR 450, sub nom C. v. S. (A Minor) (Abduction) [Référence INCADAT: HC/E/UKe 2].

Pour un commentaire doctrinal des différentes approches du concept de résidence habituelle dans les pays de common law. Voir :

R. Schuz, « Habitual Residence of  Children under the Hague Child Abduction Convention: Theory and Practice », Child and Family Law Quarterly, Vol. 13, No1, 2001, p.1 ;

R. Schuz, « Policy Considerations in Determining Habitual Residence of a Child and the Relevance of Context » Journal of Transnational Law and Policy, Vol. 11, 2001, p. 101.

Un enfant peut-il avoir plusieurs résidences habituelles?

Les commentateurs ont longtemps estimé que la nature factuelle du facteur de rattachement implique que dans certaines situations une personne puisse avoir plusieurs résidences habituelles à un moment donné.

Voir en particulier :

E. M. Clive, « The Concept of Habitual Residence », Juridical Review (1997), p. 137.

La cour d'appel anglaise a estimé dans le contexte de la compétence internationale en matière de divorce qu'un adulte pouvait avoir plusieurs résidences habituelles en même temps. Voir :

Ikimi v. Ikimi [2001] EWCA Civ 873, [2002] Fam 72.

Toutefois les tribunaux saisis de demandes en application de la Convention ont estimé qu'un enfant ne peut avoir qu'une seule résidence habituelle à un moment donné. Voir par exemple :

Canada

S.S.-C. c. G.C., Cour supérieure (Montréal), 15 août 2003, n° 500-04-033270-035, [INCADAT cite : HC/E/CA 916] ;

Wilson v. Huntley (2005) A.C.W.S.J. 7084; 138 A.C.W.S. (3d) 1107 [Référence INCADAT : HC/E/CA 800] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re v. (Abduction: Habitual Residence) [1995] 2 FLR 992, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 45].

En l'espèce, les enfants passaient une partie de l'année en Grèce et l'autre en Angleterre. La cour refusa de considérer qu'ils avaient à la fois leur résidence habituelle en Grèce et en Angleterre.

Royaume-Uni - Ireland du Nord

Re C.L. (A Minor); J.S. v. C.L., transcript, 25 August 1998, High Court of Northern Ireland, [Référence INCADAT: HC/E/UKn 390].

États-Unis d'Amérique
Friedrich v. Friedrich, 983 F.2d 1396, (6th Cir. 1993), [Référence INCADAT : HC/E/USf 142].