AFFAIRE

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Nom de l'affaire

P.P. v. Poland, Application no. 8677/03

Référence INCADAT

HC/E/PL 941

Juridiction

Nom

European Court of Human Rights, Fourth Section

Degré

Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH)

États concernés

État requérant

Italie

État requis

Pologne

Décision

Date

8 January 2008

Statut

Définitif

Motifs

Questions liées au retour de l'enfant | Questions procédurales

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

-

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

-

Autres dispositions
Art. 6(1), 8 ECHR
Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Relation avec d’autres instruments internationaux et régionaux et avec le droit interne

Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH)
Jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (CourEDH)

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR

Faits

L'affaire concernait deux soeurs nées en 1992 et 1996 de père italien et de mère polonaise. La famille vivait en Italie. Pendant l'été 1999, la mère emmena les filles en vacances en Pologne mais ne rentra pas. Le 6 septembre 1999 le père demanda le retour de l'enfant à l'autorité centrale polonaise.

Le 17 novembre 1999 le tribunal cantonal de Poznan donna un droit de visite au père. La mère fut déboutée de son appel mais résista les tentatives du père de voir ses enfants de sorte que la police dut intervenir pour permettre au père d'exercer son droit.

Le 11 janvier 2000 une expertise fut rendue selon laquelle le retour des enfants en Italie avec leur mère ne menaçait pas leur bien-être; la situation serait différente si la mère ne les accompagnait pas. Le rapport d'expertise soulignait par ailleurs que les enfants ne devraient rester en Pologne que si le père pouvait avoir un rôle plus important dans leur vie, se demandant toutefois si la mère permettrait que ce soit le cas.

Le 7 février 2000, le tribunal ordonna le retour des enfants. Le 16 juin, le recours de la mère fut accueillie et l'affaire renvoyée au tribunal de première instance. Le 20 novembre, un nouveau rapport d'expertise fut rapporté, réitérant les termes du premier rapport et clarifiant que si les enfants rentraient seules en Italie, cela ne leur causerait pas de dommage irréparable.

En outre, il était indiqué que les enfants manquaient de maturité de sorte qu'il n'était pas approprié de tenir compte de leur volonté. Le 5 janvier 2001 le retour fut de nouveau ordonné.

Le 1er juin le recours de la mère fut rejeté et le 8 juin l'ordonnance de retour fut déclarée exécutoire. La mère forma un pourvoi en cassation, lequel fut rejeté car no prévu par les textes. Le 19 juin, le père demanda l'exécution de l'ordonnance de retour définitive du 5 janvier 2001. Le 10 septembre un huissier demanda à la mère de remettre les enfants au père sous 7 jours.

Le 29 octobre, la demande de la mère tendant à voir suspendre l'exécution fut rejetée. Le 27 décembre, la cour ordonna à l'huissier de procéder à l'exécution. La mère refusant de coopérer, la procédure fut interrompue par l'huissier le 31 décembre.

Le 8 janvier 2002, le tribunal ordonna que des officiers judiciaires retirent par la force les enfants à leur mère. 3 différentes adresses furent visitées en présence de la police, du père et d'un représentant de l'ambassade italienne; les enfants ne furent pas trouvés. nonobstant l'indication que les enfants se trouvaient dans la deuxième maison, la police refusa d'accéder à la demande des officiers judiciaires qui souhaitaient entrer, au motif qu'ils n'avaient pas de mandat de perquisition.

Le 16 janvier la mère forma un recours contre la décision autorisant l'exécution forcée; elle fut déboutée ainsi que d'un recours subséquent. Le 17 janvier, l'officier judiciaire demanda qu'une procédure pénale soit entamée contre la mère pour enlèvement d'enfant. Deux autres tentatives d'exécution forcée s'ensuivirent, en 2002 et janvier 2003. Le 28 janvier 2003, le tribunal cantonal de Poznan donna l'autorisation aux officiers judiciaires de se saisir des enfants à tout moment.

Le 13 février 2003, la procédure pénale contre la mère fut abandonnée car le procureur estima qu'il s'agissait d'une infraction sociale minime. Le recours du père contre cette décision fut rejeté en septembre 2003. Le 6 avril 2003, les enfants furent localisées et une tentative d'exécution entreprise.

Toutefois, l'aînée déclara qu'elle ne souhaitait pas voir son père. Les filles furent examinées par un médecin et les officiers judiciaires décidèrent de ne pas les remettre au père. La mère et les enfants disparurent alors jusqu'en septembre 2003, date à laquelle elles allèrent vivre avec le grand-père paternel.

Le 25 juillet 2003 le tribunal cantonal suspendit l'exécution de l'ordonnance de retour. Le recours du père fut rejeté. Le 14 octobre 2003, la suspension fut confirmée jusqu'à ce qu'il soit statué sur une demande de la mère tendant à remettre en cause l'ordonnance de retour.

Le 25 octobre 2004 les parties s'accordèrent pour permettre au père d'avoir deux conversations téléphoniques par mois avec ses filles. Le 15 avril 2005, le tribunal cantonal décida que le père pourrait rendre visite à ses enfants quand bon lui semblait et même les emmener hors de leur domicile. Le 27 mars 2005, le père rencontra ses enfants pour la première fois depuis 2001.

Le 7 juin 2005, le tribunal cantonal de Poznan annula l'ordonnance de retour sur le fondement de l'article 13 alinéa 1 b. Le tribunal constata que pendant les 6 ans passés en Pologne, les enfants avaient appris le polonais, s'étaient intégrées et avaient oublié leur vie en Italie; elles étaient très liées émotionnellement à leur mère.

L'aînée rejetait son père et souhaitait rester avec sa mère; la cadette n'avait pas de sentiment pour son père. Dès lors selon le tribunal il était dans l'intérêt supérieur des enfants de casser l'ordonnance de retour en Italie, la séparation des enfants de leur mère pouvant s'avérer dangereuse pour leur état mental et les placer dans une situation intolérable.

Le 11 octobre 2005, le recours du père contre cette décision fut rejeté. Le 28 novembre 2005 l'exécution de l'ordonnance de retour fut définitivement interrompue.

Entre 1999 et 2005, le père était l'objet d'une procédure pénale car il ne payait pas de pension alimentaire. Finalement il fut décidé que puisque la mère gardait ses enfants de manière illégale et avait résisté toutes les tentatives d'exécution de décisions pourtant définitives, il lui appartenait à elle seule de prendre en charge financièrement les enfants.

Le père avait formé une requête devant la CEDH en 2003.

Dispositif

La Cour conclut, à l'unanimité, à la violation de l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et alloua au requérant 7 000 EUR pour dommage moral et 7 000 EUR pour frais et dépens. Elle dit également, toujours à l'unanimité, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner séparément les autres griefs du requérant tirés de l'article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) et de l'article 8.

Motifs

Questions liées au retour de l'enfant

Le demandeur estimait que les autorités polonaises avaient violé son droit au respect de la vie familiale en se montrant incapables de mettre à exécution les décisions polonaises lui accordant un droit de visite et ordonnant le retour des enfants en Italie. En particulier, il faisait valoir que les autorités n'avaient pris aucune mesure sérieuse pour faire exécuter les décisions, n'avaient rien fait pour localiser ses filles, lesquelles avaient été cachées chaque fois qu'une visite officielle était prévue, et que la procédure concernant la pension alimentaire l'avait de facto empêché de venir en Pologne par crainte d'être arrêté. Etudiant sa jurisprudence, la Cour réitéra que le changement de circonstances peut exceptionnellement justifier la non-exécution d'une ordonnance de retour définitive. Toutefois il importait que ces changements de circonstances n'avaient pas été le résultat d'une incapacité de l'Etat à prendre tourtes les mesures qui pouvaient raisonablement être prises en vue de la facilitation de l'exécution d'une ordonnance de retour (voy. Sylvester v. Austria, 24 April 2003 [INCADAT : HC/E/ 502]). La Cour observa par ailleurs que dans la procédure de retour, l'affaire était restée à l'état latent à plusieurs occasions pendant plusieurs mois. En particulier il avait fallu à la Cour d'appel du 2 février au 3 juin 2000 pour rendre une décision, aucune audience n'avait eu lieu devant le juge cantonal du 16 juin au 21 octobre ou devant la cour régionale du 5 janvier au 1er juin 2001. Aucune explication justifiant ces retards n'avait été prodiguée. La Cour nota également que les autorités nationales étaient responsables des retards pris par les huissiers et observa des périodes d'inactivité de la part des officiers judiciaires. Si le recours à des mesures coercitives contre des enfants n'est pas désirable, la Cour répéta que l'usage de sanctions ne devait pas être exclu en ces de comportement illicite de la part du parent avec lequel les enfants vivent. En l'espèce les autorités nationales avaient mis fin aux poursuites pénales au motif que l'enlèvement et la dissimulation des enfants étaient des infractions sociales minimes. Sans ignorer les difficultés créées par la résistance de la mère des enfants, la Cour estima que les retards étaient imputables à l'attitude des autorités dans cette affaire. La Cour réitéra à cet égard que le respect effectif du droit à une vie familiale requiert que les relations futures entre un parent et son enfant ne dépendent pas uniquement du fait que le temps a passé. En outre, la Cour observa que le maintien pour une période de plus de 3 ans de la condamnation du père, quoique cela résultat de la décision de ce dernier de ne pas payer de pension alimentaire, a rendu difficiles ses voyages en Pologne afin de voir ses enfants et de contribuer à l'exécution de la décision. La Cour conclut que les autorités polonaises n'avaient pas pris sans délai toutes les mesures auxquelles on pouvait raisonnablement s'attendre en vue de l'exécution de l'ordonnance de retour et de la protection du droit de visite du père et avait ainsi violé le droit du père au respect de sa vie familiale au sens de l'article 8 CEDH. Eu égard aux points précédents, la Cour déclara inutile de considérer également une violation de l'article 6 ni les arguments du père concernant spécifiquement la non-exécution de son droit de visite.

Questions procédurales

Dommages-intérêts En application de l'Article 44 § 2 de la Convention, le père obtint des dommages-intérêts du montant suivant: (i) EUR 7,000 pour dommage moral (ii) EUR 7,000 pour frais et dépens.

Commentaire INCADAT

Jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (CourEDH)