HC/E/CH 1448
Suisse
Tribunal Fédéral
Instance Suprême
Nicolas von Werdt, Felix Schöbi, Christian Hermann
France
Suisse
6 November 2018
Affaire renvoyée au tribunal inférieur
Résidence habituelle - art. 3
Affaire renvoyée devant le tribunal inférieur
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Arrêts 5A_131/2019 du 18 avril 2019 et 5A_701/2019 du 23 octobre 2019
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Par requête, déposée le 19 septembre 2018 devant la Chambre civile de la Cour de justice de la République et canton de Genève, le requérant a conclu, par référence à la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, au retour immédiat en France ses enfants.
Les parties divergent sur la résidence habituelle de la famille lors de la séparation et du prétendu déplacement sans droit des enfants. Pour le requérant, la famille a toujours vécu en France, ce qui résulte de nombreux éléments de preuve de leur présence, tandis que le logement à Genève était beaucoup trop petit pour que l’on puisse envisager y vivre à long terme. Pour la mère, le centre effectif de vie a toujours été à Genève, principal point d’attache des enfants compte tenu de leur école et de leurs activités sociales, culturelles et sportives, tandis que la villa en France était une résidence secondaire.
Statuant par arrêt du 25 septembre 2018, la Chambre civile de la Cour de justice de la République et canton de Genève a déclaré irrecevable la requête en retour immédiat du requérant.
Le Tribunal fédéral, déclarant ne pas disposer des éléments factuels lui permettant de trancher le litige, a renvoyé l’affaire à l’autorité cantonale aux fins de déterminer le lieu de résidence habituelle des enfants, puis d’en tirer les conséquences quant à l’applicabilité de la Convention de La Haye et, dans l’affirmative, de statuer sur la requête en retour.
L’arrêt rappelle les éléments essentiels de la notion de résidence habituelle de l’enfant, reposant sur une situation de pur fait, déterminée d’après le centre effectif de sa vie, correspondant à une certaine intégration dans un environnement social et familial. Pour le Tribunal fédéral, la Convention de La Haye consacre le principe du recours exclusif au rattachement à la résidence habituelle de l’enfant, ce qui s’oppose à ce qu’un enfant jouisse de plusieurs résidences habituelles simultanées. Certes, on peut admettre qu’un enfant peut avoir deux résidences habituelles alternatives et successives, mais cela suppose que le mode de garde porte sur plusieurs mois, soit sur une période suffisamment longue pour entraîner régulièrement un changement de la résidence habituelle. Il en résulte que, de l’avis du Tribunal fédéral, il est exclu qu’un enfant ait simultanément deux résidences habituelles parce qu’il partage son temps entre deux Etats au cours de la même journée, ou la même semaine, à l’instar du mode de vie des frontaliers.
La Cour se serait fondée sur l’enregistrement dans le registre de la population, ce qui n’est notoirement pas déterminant pour établir le domicile ou la résidence habituelle. Dès lors, le Tribunal fédéral, déclarant ne pas disposer des éléments factuels lui permettant de trancher le litige, a renvoyé l’affaire à l’autorité cantonale, statuant en instance unique, aux fins de déterminer le lieu de résidence habituelle des enfants, puis d’en tirer les conséquences quant à l’applicabilité de la Convention de La Haye et, dans l’affirmative, de statuer sur la requête en retour.
Sur le point en droit du litige, le Tribunal fédéral constate que selon son article 4, la Convention ne peut s’appliquer qu’au cas où l’enfant avait sa résidence habituelle dans un Etat contractant immédiatement avant l’atteinte aux droits de garde. Il est donc indispensable que cette résidence soit déterminée. Sans l’avoir fait, la Cour cantonale ne pouvait conclure que la Convention ne s’applique pas et que la requête était irrecevable. Si la résidence habituelle des enfants était en France, il s’agirait d’un non-retour, car la mère a refusé de laisser partir les enfants auprès de leur père en France voisine. Si, en revanche, cette résidence était à Genève, il n’y avait ni déplacement ni non-retour illicite, de sorte que la Convention ne s’applique pas, étant donné qu’elle n’intervient qu’à la condition que l’enfant soit éloigné de son pays de résidence ou qu’il n’y soit pas retourné.
Auteur: Francine Hungerbühler