HC/E/FR 897
FRANCE
Cour d'appel (troisième chambre civile) de Rouen
Appellate Court
MEXICO
FRANCE
9 March 2006
Final
Removal and Retention - Arts 3 and 12 | Grave Risk - Art. 13(1)(b)
Appeal allowed, return refused
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La Cour rappela que le déplacement de l'enfant est illicite lorsqu'il y a eu une violation du droit de garde attribué à une personne par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant a sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement.
Elle constata que les parents étaient toujours mariés et qu'aucune décision n'était intervenue pour réglementer les droits des parents sur leur enfant et observa que l'Etat du droit mexicain sur la question de la garde n'était pas connu.
A supposer que le père ait eu la garde, la cour analysa l'argument de la mère qui faisait valoir que le déplacement n'était pas illicite puisque le père avait donné son consentement au déplacement de l'enfant.
La Cour remarqua qu'effectivement le père avait, dans un courrier manuscrit, le 30 mars 2005, consenti à ce que la mère parte avec l'enfant 'pour quelque motif que ce soit', s'engageant par ailleurs à les suivre dans les meilleurs délais. La Cour ajouta que le père ne pouvait s'opposer à ce que l'enfant quitte le territoire mexicain puisqu'il lui avait lui-même fait établir un passeport.
La Cour en déduisit que le déplacement s'était fait avec l'accord exprès du père, de sorte qu'il ne pouvait être considéré comme illicite.
Quoiqu'elle ait constaté que le déplacement n'était pas illicite au sens de la Convention, la Cour examina l'argument de la mère selon lequel le retour aurait exposé l'enfant à un risque grave de danger.
Sur ce point, la cour d'appel constata que l'enfant n'était âgé que de 17 mois et que sa mère s'était occupée de lui depuis sa naissance; « qu'en l'état, une séparation ferait courir à l'enfant un danger psychique lié au sentiment d'abandon qu'il pourrait ressentir », ajoutant que l'enfant ne pourrait entretenir de relations régulières avec sa mère en raison de la distance et du coût élevé du voyage.
La Cour conclut dès lors qu'il existerait un risque grave que le retour n'exposât l'enfant à un danger psychique au sens de l'article 13 alinéa 1 b.
La question de savoir si le consentement relève de l'article 3 ou de l'article 13(1) a) a posé difficulté. Certaines juridictions considèrent que le consentement est un élément permettant d'apprécier l'illicéité du déplacement ou du non-retour, et l'apprécient donc dans le cadre de l'article 3. Voir :
Australie
In the Marriage of Regino and Regino v. The Director-General, Department of Families Services and Aboriginal and Islander Affairs Central Authority (1995) FLC 92-587 [Référence INCADAT : HC/E/AU @312@];
FranceCA Rouen, 9 mars 2006, N°05/04340, [Référence INCADAT : HC/E/FR 897];
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re O. (Abduction: Consent and Acquiescence) [1997] 1 FLR 924 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @54@];
Re P.-J. (Children) [2009] EWCA Civ 588, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 1014].
Bien que la question eût été a priori réglée par la jurisprudence anglaise, selon laquelle le consentement relevait de l'art. 13(1) a), aucun des deux juges de la Cour d'appel siégeant en l'espèce n'est apparu convaincu par cette position.
On peut aussi évoquer des exemples où des tribunaux de première instance n'ont pas fait référence à la distinction entre l'art. 3 et l'art. 13(1) a) mais où le consentement, en tant qu'acceptation initiale du déménagement, a été considéré comme un élément de l'illicéité, voir:
Canada
F.C. c. P.A., Droit de la famille - 08728, Cour supérieure de Chicoutimi, 28 mars 2008, N°150-04-004667-072, [Référence INCADAT : HC/E/CA 969], Cour supérieure de Chicoutimi, 28 mars 2008, N°150-04-004667-072 [Référence INCADAT : HC/E/CA 969];
Suisse
U/EU970069, Bezirksgericht Zürich (Zurich District Court) [Référence INCADAT : HC/E/CH 425]
Royaume-Uni - Écosse
Murphy v. Murphy 1994 GWD 32-1893 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 186].
L'affaire n'a pas été abordée sous l'angle de la distinction entre l'art. 3 et l'art. 13(1) a), mais étant donné que le père avait initialement accepté le déménagement, il a été considéré qu'il n'y avait eu ni déplacement ni non-retour illicite.
La plupart des décisions révèlent toutefois que la question du consentement est généralement analysée dans le contexte de l'article 13(1) a), voir :
Australie
Director-General, Department of Child Safety v. Stratford [2005] Fam CA 1115 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @830@] ;
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re C. (Abduction: Consent) [1996] 1 FLR 414 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @53@] ;
T. v. T. (Abduction: Consent) [1999] 2 FLR 912 ;
Re D. (Abduction: Discretionary Return) [2000] 1 FLR 24 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @267@] ;
Re P. (A Child) (Abduction: Acquiescence) [2004] EWCA CIV 971 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @591@] ;
Irlande
B.B. v. J.B. [1998] 1 ILRM 136; sub nom B. v. B. (Child Abduction) [1998] 1 IR 299 [Référence INCADAT : HC/E/IE @287@] ;
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
T. v. T. 2004 S.C. 323 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 997].
Pour une analyse des problèmes cités ci-dessus, voir.: P. Beaumont et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 132 et seq.
Le traitement de l'article 13(1) b) a évolué. L'interprétation permissive initialement privilégiée par les cours a fait place à une interprétation plus stricte.
Les jugements de la plus haute juridiction française, la Cour de cassation, rendus du milieu à la fin des années 1990 contrastent avec la position des juridictions d'appel et des arrêts de cassation plus récents. Voir :
Cass. Civ. 1ère 12 juillet 1994, Rev. Crit. 84 (1995), p. 96 note H. Muir Watt ; JCP 1996 IV 64 note Bosse-Platière, Defrénois 1995, art. 36024, note J. Massip [Référence INCADAT : HC/E/FR 103] ;
Cass. Civ. 1ère 21 novembre 1995 (Pourvoi N° 93-20140), [Référence INCADAT : HC/E/FR 514] ;
Cass. Civ. 1ère 22 juin 1999, (N° de pourvoi : 98-17902), [Référence INCADAT : HC/E/FR 498] ;
Et comparer avec:
Cass. Civ. 1ère 25 janvier 2005 (N° de pourvoi : 02-17411), [Référence INCADAT : HC/E/FR 708] ;
Cass. Civ. 1ère 14 juin 2005 (N° de pourvoi : 04-16942), [Référence INCADAT : HC/E/FR 844] ;
Cass. Civ. 1ère 13 juillet 2005 (N° de pourvoi : 05-10519), [Référence INCADAT : HC/E/FR 845] ;
CA. Amiens 4 mars 1998, n°5704759, [Référence INCADAT : HC/E/FR 704] ;
CA. Grenoble 29 mars 2000 M. c. F., [Référence INCADAT : HC/E/FR 274] ;
CA. Paris 7 février 2002 (N° de pourvoi : 2001/21768), [Référence INCADAT : HC/E/FR 849] ;
CA. Paris, 20/09/2002 (N° de pourvoi : 2002/13730), [Référence INCADAT : HC/E/FR 850] ;
CA. Aix en Provence 8 octobre 2002, L c. Ministère Public, Mme B. et Mesdemoiselles L. (N° de rôle 02/14917) [Référence INCADAT : HC/E/FR 509] ;
CA. Paris 27 octobre 2005, 05/15032 [Référence INCADAT : HC/E/FR 814] ;
Cass. Civ. 1ère 14 décembre 2005 (N° de pourvoi : 05-12934) [Référence INCADAT : HC/E/FR @889@] ;
Cass. Civ. 1ère 14 November 2006 (N° de pourvoi : 05-15692) [Référence INCADAT : HC/E/FR @890@].
Pour des exemples récents où le retour a été refusé sur le fondement de l'article 13(1) b) :
Cass. Civ. 1ère 12 Décembre 2006 (N° de pourvoi : 05-22119) [Référence INCADAT : HC/E/FR @891@] ;
Cass. Civ. 1ère 17 Octobre 2007 [Référence INCADAT : HC/E/FR @946@].
L'interprétation donnée à l'article 13(1) b) par la Cour d'appel de Rouen en 2006, quoique simplement obiter, rappelle l'interprétation permissive qui était constante au début des années 1990. Voir :
CA. Rouen, 9 Mars 2006, N°05/04340 [Référence INCADAT : HC/E/FR @897@].