HC/E/542
Supreme Court of Finland
Tribunal Europeo de Derechos Humanos (TEDH)
España
29 April 2003
Definitiva
Cuestiones procesales
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La Cour nota en premier lieu qu'il n'était pas contesté en l'espèce que le lien entre la mère et son fils relève de la vie familiale au sens de l'article 8 de la Convention. Il s'agissait dès lors de déterminer s'il y avait eu manque de respect pour la vie familiale de la requérante et de son fils. La Cour rappela que, si l'article 8 de la Convention tend pour l'essentiel à prémunir l'individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il engendre de surcroît des obligations positives inhérentes à un « respect » effectif de la vie familiale. Dans un cas comme dans l'autre, il faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de l'individu et de la société dans son ensemble ; de même, dans les deux hypothèses, l'Etat jouit d'une certaine marge d'appréciation (arrêt Keegan c. Irlande du 26 mai 1994, série A no 290, p. 19, § 49). S'agissant de l'obligation pour l'Etat d'arrêter des mesures positives, la Cour rappela que l'article 8 implique le droit d'un parent à des mesures propres à le réunir à son enfant et l'obligation pour les autorités nationales de les prendre (voir, par exemple, les arrêts Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, no 31679/96, § 94, CEDH, 2000-I ; Nuutinen c. Finlande, no 32842/96, § 127, CEDH, 2000-II). La cour admit toutefois que l'obligation pour les autorités nationales de prendre des mesures à cet effet n'est pas absolue. La nature et l'étendue de celles-ci dépendent des circonstances de chaque espèce, mais la compréhension et la coopération de l'ensemble des personnes concernées en constituent toujours un facteur important. Si les autorités nationales doivent s'évertuer à faciliter pareille collaboration, une obligation pour elles de recourir à la coercition en la matière ne saurait être que limitée : il leur faut tenir compte des intérêts et des droits et libertés de ces mêmes personnes, et notamment des intérêts supérieurs de l'enfant et des droits que lui reconnaît l'article 8 de la Convention. Dans l'hypothèse où des contacts avec les parents risquent de menacer ces intérêts ou de porter atteinte à ces droits, il revient aux autorités nationales de veiller à un juste équilibre entre eux (arrêt Ignaccolo-Zenide précité, § 94). Enfin, la Cour rappela que la Convention devait s'appliquer en accord avec les principes du droit international, en particulier ceux relatifs à la protection internationale des droits de l'homme (voir les arrêts Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], no 34044/96 et 35532/97, § 90, CEDH 2001-II, et Al-Adsani c. Royaume-Uni [GC], no 35763/97, § 55, CEDH 2001). S'agissant plus précisément des obligations positives que l'article 8 de la Convention fait peser sur les Etats contractants en matière de réunion d'un parent à ses enfants, la cour déclara que celles-ci doivent s'interpréter à la lumière de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (arrêt Ignaccolo-Zenide précité, § 95). Le point décisif en l'espèce consistait donc à savoir si les autorités nationales avaient pris, pour faciliter l'exécution des décisions rendues par les juridictions internes accordant à la requérante le droit de garde et l'autorité parentale exclusive sur son enfant, toutes les mesures que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elles (arrêt Hokkanen c. Finlande du 23 septembre 1994, série A no 299-A, p. 22, § 58). Au regard du droit interne, la Cour nota que les juridictions nationales avaient été amenées à rendre des décisions, notamment au civil. Sur ce plan, dans un premier temps, la requérante s'était vu octroyer par les tribunaux espagnols le droit de garde et l'autorité parentale partagée. Dans un deuxième temps, le juge aux affaires familiales avait estimé , par une décision du 12 février 1999, après avoir constaté l'inexécution répétée par le père des décisions rendues concernant le régime des visites et la soustraction de l'enfant, que de tels manquements étaient très graves et préjudiciables au bien-être et au bon développement de l'enfant, et avait accordé à la requérante l'autorité parentale exclusive. Eu égard au contexte de l'affaire, la Cour estima que ces décisions étaient conformes tant aux intérêts de la requérante qu'à ceux de l'enfant. La Cour nota cependant que la présente affaire portait pour l'essentiel sur le déplacement à l'étranger de l'enfant de la requérante et son non-retour illicite. La Cour décida dès lors d'examiner la question de savoir si, à la lumière des obligations internationales découlant notamment de la Convention de La Haye, les autorités nationales avaient déployé des efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de la requérante au retour de son enfant et le droit de ce dernier à rejoindre sa mère (arrêt Ingnaccolo-Zenide précité, § 95). A cet égard, la Cour nota que, d'après l'article 96 § 1 de la Constitution, les traités internationaux valablement ratifiés font partie intégrante de l'ordre juridique interne. Or, l'Espagne est Partie contractante à la Convention de La Haye depuis le 16 juin 1987. Il en va de même quant aux Etats-Unis, pays où l'enfant a été emmené par son père. En outre, conformément à la loi organique espagnole 1/1996 du 15 janvier 1996 sur la protection juridique des mineurs, les autorités nationales se doivent de prendre toute mesure afin de garantir le respect des droits des mineurs conformément aux traités internationaux ratifiés par l'Espagne. La Cour observa que, dès le 4 février 1997, soit à peine quelques jours après la soustraction du fils de la requérante par son père, le juge d'instruction avait rendu une ordonnance de recherche interne et de remise immédiate de l'enfant à la requérante. Par ailleurs, d'après les observations soumises par le Gouvernement lors de l'audience, l'enquête préliminaire avait permis de déterminer très rapidement que le père et l'enfant se trouvaient aux Etats-Unis. Dans ses articles 3, 7, 12 et 13, la Convention de La Haye contient tout un ensemble de mesures tendant à assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout Etat contractant. A cet égard, la Cour observa que, conformément à l'article 3 de cet instrument, le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde attribué à une personne par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle, immédiatement avant son déplacement ou son non-retour. Sur ce point, il était pas contesté que le fils de la requérante avait été emmené aux Etats-Unis et retenu illicitement par le père. Sa situation tombait indubitablement dans le champ d'application de la disposition de la Convention de La Haye. Par ailleurs, conformément aux articles 6 et 7 de cet instrument, les autorités centrales doivent coopérer entre elles et promouvoir une collaboration entre les autorités compétentes dans leurs Etats respectifs, pour assurer le retour immédiat des enfants. En particulier, soit directement, soit avec le concours de tout intermédiaire, elles doivent prendre toutes les mesures appropriées pour localiser un enfant déplacé ou retenu illicitement et assurer la remise de l'enfant au parent titulaire du droit de garde. A cette fin, en application de l'article 11 de la Convention de La Haye, les autorités judiciaires ou administratives de tout Etat contractant doivent procéder d'urgence en vue du retour de l'enfant. La Cour précisa que ces mesures peuvent être mises en œuvre d'office par les autorités nationales compétentes. Par ailleurs, elle constata que l'article 158 de la loi organique 1/1996 du 15 janvier 1996 sur la protection juridique des mineurs permet notamment au juge de prendre d'office toutes mesures appropriées afin de mettre l'enfant à l'abri d'un danger ou de lui éviter un préjudice. Une fois constatée par les organes judiciaires espagnols la soustraction illicite de l'enfant, la Cour estima qu'il revenait aux autorités nationales compétentes de mettre en œuvre les mesures appropriées prévues dans les dispositions pertinentes de la Convention de La Haye afin d'assurer la remise de l'enfant à sa mère. Or, parmi toutes les mesures énumérées dans ces dispositions, aucune n'avait été prise par les autorités pour faciliter l'exécution des décisions rendues en faveur de la requérante et de son enfant. Compte tenu de ses conclusions précédentes, la Cour estima que le volet pénal de l'affaire ne revêtait plus une incidence significative dans le présent cas. Après avoir également considéré la question du refus opposé par les juridictions internes à la demande de la requérante de délivrer un mandat de recherche et d'arrêt international à l'encontre du père, la Cour conclut que les autorités espagnoles avaient omis de déployer des efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de la requérante au retour de son enfant et le droit de ce dernier à rejoindre sa mère, méconnaissant ainsi leur droit au respect de la vie familiale garanti par l'article 8 de la Convention. Partant, il y avait eu violation de cette disposition.
Résumé INCADAT en cours de préparation.